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Orano injecte près de 400 millions d’euros dans son usine gardoise Melox
Gard # Nucléaire # Investissement industriel

Orano injecte près de 400 millions d’euros dans son usine gardoise Melox

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En lien avec l’objectif fixé par l’État de relancer la filière du nucléaire, le groupe Orano va investir massivement dans son usine gardoise Melox, qui traite et recycle les combustibles usés. L’opération, renforçant les capacités de production du site, sécurise cette activité au-delà de 2040.

Un opérateur en poste dans l’enceinte d’une machine de production de MOX — Photo : Adeline Justamont

C’est un bain de jouvence pour l’usine Melox, construite à Chusclan (Gard) il y a près de 30 ans par le groupe Orano (ex-Areva, 17 500 salariés), sur le site nucléaire de Marcoule. Employant 900 collaborateurs, elle produit du MOX (mélange d’oxydes), un combustible assemblé à partir de combustibles usés, et destiné à alimenter les réacteurs à eau légère de production d’électricité. Après le lancement en 2022 du programme "GoMOX", qui mobilise 84 millions d’euros dans la maintenance de l’usine, Orano annonce qu’il va sensiblement augmenter ce programme d’investissement.

Une nouvelle ambition industrielle

La décision du groupe fait suite aux propos de Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, qui a confirmé la volonté de l’État de sécuriser la stratégie nationale de traitement-recyclage au-delà de 2040. "Une nouvelle page de l’histoire nucléaire française va s’ouvrir. Le temps des grands projets nationaux est aujourd’hui revenu", a-t-il déclaré le 7 avril dans l’usine d’Orano La Hague (Manche), elle aussi spécialisée dans les combustibles usés. "La relance du nucléaire se traduira par la construction de nouveaux réacteurs, mais aussi par le renforcement de la filière recyclage, qui contribue au mix énergétique pour produire une électricité bas carbone (le MOX alimente 10 % de l’électricité nucléaire en France, NDLR). Cette ambition nécessitera de bâtir une nouvelle usine à La Hague d’ici 15 à 20 ans, mais dans l’intervalle, il s’agit aussi de prolonger Melox jusqu’en 2040 ou 2045, le temps de faire la jonction avec ce nouvel outil industriel", décrypte Arnaud Capdepon, directeur d’Orano Melox.

De forts besoins d’investissement

En effet, au fil du temps et des majorités politiques, et faute de certitudes sur la pérennité de ce métier, la production au sein de Melox était passée de 130 à moins de 100 tonnes de MOX par an. En 2023, elle est remontée à 82 tonnes, permettant de livrer 50 % du parc EDF en France. "D’ici deux à trois ans, le programme engagé nous permettra de porter la production à 100 tonnes, ce qui couvrira les besoins en MOX de notre principal client, EDF, mais aussi de clients historiques japonais notamment", indique Arnaud Capdepon. Néanmoins, le programme GoMOX ne visait en l’état qu’à renouveler le site gardois. Pour faire face aux prévisions de livraison qui s’annoncent après les déclarations de Bruno Lemaire, Orano prévoit désormais d’investir jusqu’à 400 millions d’euros dans l’installation de nouvelles capacités productives au sein de Melox.

Retour à la pleine capacité

Cet investissement va se traduire par la construction et l’installation de 2 à 4 nouvelles machines produisant du MOX, car l’usine dispose encore de 4 emplacements laissés libres à cette fin. Les études en cours en préciseront le nombre, même si la première d’entre elles (qui pèse quelque 57 tonnes) est déjà fabriquée et sera installée d’ici 2026. "Entre le prolongement de nos 40 machines déjà installées et la fabrication des nouvelles, notre ambition est de retrouver en 2030 le seuil de 130 tonnes de MOX produites par an, soit la capacité de Melox à son ouverture", évalue Arnaud Capdepon.

Des retombées économiques à prévoir

L’expertise développée par Orano porte à la fois sur la fabrication des machines (hautes comme deux étages d’immeuble et pesant plusieurs dizaines de tonnes) et de leur confinement (des enceintes étanches intégrant les systèmes de contrôle et de sécurité). Les chantiers à venir donneront lieu à des appels d’offres ouverts à des sous-traitants, pour "des lots d’une valeur d’un à 20 millions d’euros pour les plus petits", selon le directeur, qui précise : "Nous avons le même degré d’exigence que pour la construction d’un réacteur. Nos partenaires doivent donc présenter les plus hauts référentiels nucléaires en mécanique, dans des métiers tels que l’usinage, l’ajustage, l’assemblage, le traitement de surfaces…". Seuls des sous-traitants nationaux semblent assez structurés pour ces appels d’offres, mais les chantiers de maintenance à Melox font largement intervenir des acteurs locaux.

Un nécessaire outil de formation

Par ailleurs, les créations d’emplois accompagnant les investissements annoncés seront faibles. Les besoins d’Orano Melox s’expriment davantage sur la maintenance, "sans compter le renouvellement du personnel en fonction de la pyramide des âges". Se heurtant comme d’autres industriels à la faible attractivité du secteur auprès des jeunes talents, le groupe a décidé de construire son propre campus, à proximité de Melox, qui sera inauguré en juin 2024.

Aussi étendue que l’usine elle-même, cette école des métiers du recyclage nucléaire ambitionne d’accueillir jusqu’à 250 personnes par an, soit 10 000 heures de formation assurées à l’année. Mais la montée en flèche du sentiment écologiste peut-elle entraver ce projet ? "Avec la prise de conscience sur le climat, tout le monde redécouvre que le nucléaire a une vertu : c’est une énergie bas carbone. Depuis deux ans, les motivations des jeunes ingénieurs qui nous rejoignent changent. S’ils sont séduits par la technicité de nos métiers, c’est d’abord parce que nous faisons du recyclage. Ils ont la volonté de contribuer à la protection de l’environnement et des ressources", promet le directeur.

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