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Mulhouse expérimente un jumeau numérique pour urbaniser la friche DMC
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Mulhouse expérimente un jumeau numérique pour urbaniser la friche DMC

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Les 13 hectares de la friche industrielle DMC, au cœur de Mulhouse, voient naître leur "jumeau numérique". L’application de cette technologie d’agrégation de données, déployée en partenariat avec EDF, est présentée comme inédite pour l’aménagement urbain. Elle doit permettre à la Ville d’inventer un quartier durable avec les habitants et les entreprises.

L"économie créative" qui s'est développée depuis la fin des années 2000 sur la friche industrielle DMC sera au cœur du quartier urbain façonné grâce au jumeau numérique — Photo : © Ville de Mulhouse - Drone Supervision

La Ville de Mulhouse fait appel à la pointe de la technologie pour dessiner l’avenir de la friche industrielle DMC. Elle déploie, en partenariat avec EDF un "jumeau numérique" de cette zone de 13 hectares située en centre-ville. L’énergéticien utilise cet outil d’agrégation des données pour explorer les scénarios possibles dans le cadre de la gestion de ses centrales nucléaires. D’après les deux acteurs, la technologie serait déployée dans la planification urbaine pour la première fois à cette échelle en France. L’enjeu est tout à la fois de concevoir un quartier à échelle humaine, durable, dynamique économiquement et bien relié au reste de la cité. La phase d’incubation du projet est lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) "Démonstrateurs de la ville durable", dans le cadre du programme France 2030.

Dans l'esprit de la "ville du quart d'heure"

Héritage de la révolution industrielle dans la "Manchester française", la friche héberge encore l’activité de l'entreprise textile Dollfus-Mieg et Compagnie, ou DMC (CA 2021 : 54,5 M€, 186 salariés). Depuis la fin des années 2000, une dynamique est à l’œuvre sur les 13 hectares restants. Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) a d’abord installé un village d’activités dans deux bâtiments, dont la gestion a été confiée à la Société publique locale (SPL) Citivia. La ruche d’artistes Motoco et le complexe pour la pratique de l’escalade en intérieur CMC, qui posséderait le plus haut mur de France, ont suivi. M2A et la Ville de Mulhouse se partagent à peu près à parts égales la propriété des 13 hectares.

La Ville, qui a acquis ces dernières années plusieurs parcelles, veut promouvoir un aménagement cohérent : "On a l’impression que les projets sont juxtaposés dans ce quartier industriel un peu autarcique. Nous voulons construire un quartier de ville dans l’esprit de la "ville du quart d’heure" de Carlos Moreno, où les services essentiels sont accessibles en mois d’un quart d’heure à pied ou à vélo", souligne Jean-Philippe Bouillé, adjoint à l’urbanisme à la mairie de Mulhouse.

Un objectif de réplicabilité du projet

Les projets nationaux sélectionnés dans le cadre de l’appel à manifestation d'intérêt, portés par une collectivité et un opérateur, visent les objectifs de sobriété, résilience, productivité, inclusion sociale et doivent être réplicables sur d’autres sites. Les simulations réalisées avec le jumeau numérique mulhousien doivent aider à faire les bons choix parmi une multitude de situations et de cas d’usage, en prenant en compte le contexte particulier du site. "Nous allons optimiser la démarche de transformation écologique, qu’il s’agisse des mobilités, de l’isolation des bâtiments, des îlots de fraîcheur, de l’éclairage, de la production ou de la consommation d’énergie", appuie Jean-Philippe Bouillé.

Gains majeurs

L’État apporte son soutien, via la Banque des territoires, à hauteur de 500 000 euros pour l’incubation du projet, pour un budget global de 1 million d’euros. À l’issue de cette première phase, qui court jusqu’à septembre 2025, Mulhouse et EDF espèrent que le projet sera qualifié pour la mise en œuvre finale. Il pourrait alors bénéficier d’un soutien allant jusqu’à 10 millions d’euros, sur une période totale de dix ans pour l’ensemble de l’appel à manifestation d'intérêt.

Le développement du jumeau numérique pourrait occuper trois personnes, selon EDF. Pour la Ville et en particulier pour l’énergéticien, qui joue le rôle d’architecte et de coordonnateur avec le client et entre les entreprises impliquées (Cap Gemini, Spinal Com), l’enjeu est de démontrer que l’outil est efficient pour accompagner les territoires dans leurs évolutions. "C’est l’avenir. Le jumeau numérique permet de lier tout ce qui est organisé et de croiser les données en les contextualisant pour identifier quels investissements légers vont permettre un gain majeur", plaide ainsi Alain Despiau-Peyralade, consultant expert smart building chez EDF.

Activités créatrices

Le renouveau de la friche DMC, initié à la fin des années 2000, s’est rapidement orienté vers l’économie "créative". Architecture, numérique, graphisme, production visuelle… Le village d’activités (10 600 m²), ouvert en 2008, affiche un taux d’occupation de 87 %, et 29 sociétés y emploient environ 150 salariés. Mulhouse Alsace Agglomération porte un nouveau projet d’aménagement sur le bâtiment n°62, l’un des plus grands du site (24 000 m²). Les quatre cinquièmes de la surface seront dévolus à l’activité économique. Systancia, entreprise basée à Sausheim, en banlieue de Mulhouse, spécialisée dans l’édition de logiciels et la cybersécurité (CA 2021 : 7,15 M€, moins de 200 salariés), a fait part de son intérêt marqué pour le projet et devrait occuper un cinquième de la superficie totale. Son installation pourrait drainer "un écosystème d’entreprises et de start-up du numérique", estiment François Strassel, chef de développement économique à la M2A, et Thierry Belloni, vice-président à l’aménagement du territoire.

Une procédure d’accord-cadre est en cours pour sélectionner le maître d’œuvre, dont le lauréat sera désigné courant mars 2023. Le projet d’aménagement du bâtiment 62 est à l’origine indépendant de celui du jumeau numérique. "Mais nous avons demandé aux candidats à la maîtrise d’œuvre de pleinement s’impliquer dans le jumeau numérique", précisent Thierry Belloni et François Strassel. L’agglo est à la recherche d’autres entreprises porteuses de projet pour le bâtiment 62, dont elle espère la renaissance au plus tard pour 2026.

La Ville de Mulhouse conçoit le jumeau numérique de la friche DMC comme un levier pour encourager la participation citoyenne et celle des entreprises. Marie Hottinger, adjointe à la mairie déléguée aux nouvelles technologies, insiste : "Depuis des années, nous développons les outils numériques au service de la vie quotidienne à travers le concept de "smart city". L’outil doit permettre de conforter le lien social à travers la mutualisation d’équipements, l’échange de services, l’organisation d’événements."

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