Mettre des capteurs sur des mollusques dans les cours d’eau pour mesurer l’impact d’une éventuelle pollution dans leur environnement naturel. C’est l’idée de la jeune société Molluscan, créée en juin 2022 et qui vient de s’installer sur le port de Bordeaux après avoir remporté le premier prix de l’appel à projets de l’incubateur Technoports.
Témoins vivants
Né d’une rencontre entre Jean-Charles Massabuau, directeur de recherche émérite du CNRS et spécialiste en biologie marine, et Ludovic Quinault, ancien cadre de grosses sociétés notamment Rip Curl Europe, ce projet de recherche transformé en entreprise propose une alternative aux méthodes traditionnelles d’analyse de l’eau (à savoir des prélèvements interprétés en laboratoire) : transformer des mollusques bivalves en "capteurs vivants". "Du fait du nombre important de produits chimiques existants, il est impossible de mesurer toute la pollution des milieux aquatiques. Au lieu d’essayer d’établir une liste de toxiques dans l’eau, nous cherchons à savoir si l’environnement aquatique est toxique pour les animaux qui y vivent", résume ainsi Ludovic Quinault.
Le dispositif, assemblé localement et transmettant les données en continu, mesure l’activité des mollusques par les plus infimes de leurs mouvements. Il surveille leurs cycles du sommeil, leur croissance ou leurs pontes pour chercher d’éventuelles anomalies sur un échantillon représentatif de 16 individus. Filtres naturels, ils mesurent tous types de pollution y compris des micropolluants, sur la durée, "en moyenne un an", précise le chef d’entreprise. Sur mesure, le dispositif breveté a déjà pas mal voyagé via des contrats de recherche ; il est par exemple resté plus de trois ans au Spitzberg (Norvège) et est encore actif près d’une plateforme pétrolière de TotalEnergies au Qatar.
Vers de nouvelles applications
Les données, une fois analysées, sont interprétées et accessibles par le client sur un site internet, sous la forme d’une "météo de l’eau" avec des indicateurs de couleur en fonction du niveau d’alerte. Proposé via deux formules (achat du dispositif et abonnement mensuel au système de surveillance) allant de 2 500 à 40 000 euros, il vise en particulier les gros industriels dans des secteurs comme le pétrole ou l’éolien offshore autant que des collectivités pour des stations d’épuration ou des ports. Depuis quelques mois, Molluscan travaille avec un gros ostréiculteur pour "analyser à la fois la croissance des animaux et la mortalité due à l’herpès virus, qui décime 70 à 80 % des jeunes huîtres chaque année. Nous observons ce phénomène pour le comprendre, l’anticiper et permettre aux professionnels d’agir", poursuit Ludovic Quinault.
Molluscan assure ne pas chercher à lever des fonds "pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts". Comptant actuellement deux collaborateurs (un mathématicien et un physicien) en plus des deux cofondateurs, Molluscan se concentre sur le développement de son portefeuille de clients. Elle espère travailler avec le port de Bordeaux et la régie publique métropolitaine de l’eau pour analyser les rejets des stations d’épuration. Elle a déjà été contactée par la CCI Provence-Alpes-Côte d’Azur pour quatre ports de plaisance. Si 90 dispositifs Molluscan ont d’ores et déjà été installés, 8 sont actifs aujourd’hui. "Notre objectif est d’en avoir 150 installés d’ici 4 à 5 ans", pour un chiffre d’affaires avoisinant les 4 millions d’euros et "dix à douze salariés".
