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MMT-B amorce le grand virage de la diversification
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MMT-B amorce le grand virage de la diversification

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Comment une entreprise qui a fabriqué pendant 47 ans un monoproduit pour un monoclient - des boîtes de vitesses pour Ford - entame-t-elle sa mue à l’aube de la fin de son dernier contrat ? MMT-B, ex-Magna et ex-Getrag, à qui certains ne vouaient qu’un sombre avenir, mène de front de multiples transformations en profondeur. Sa stratégie : investir les marchés de la robotique, de l’électrique et du solaire pour valoriser son savoir-faire, sa capacité de production et son site stratégique.

Olivier Boidin, PDG et DRH de MMT-B, turbine avec ses équipes pour impulser des activités nouvelles — Photo : MMT-B

C’est très révélateur de la révolution qui s’annonce : désormais, le site gigantesque de MMT-B est doté d’un bel accueil flambant neuf. Jusqu’à présent il n’en avait nul besoin puisque depuis sa création en 1976 par Ford, l’entreprise ne fabriquait que des transmissions pour le constructeur américain. Ce dernier était alors installé sur la parcelle voisine, trônant en fleuron de la zone industrielle de Blanquefort (Gironde) depuis 1973. Il en est parti en 2019, date à laquelle le dernier contrat a été signé avec l’ex-Magna. "Nous avons aussi livré quelques autres marques mais c’était très à la marge, moins de 5 %", précise le président et DRH du site, Olivier Boidin.

En 2026, le dernier contrat avec Ford prend fin, et le monde d’avant, avec. "D’ici là, la production diminue de moitié chaque année depuis cette année." Jusqu’à 550 000 transmissions par an sont sorties de l’usine ; elles se chiffraient à 330 000 en 2022, atteindront 270 000 en 2023 et 135 000 en 2024. Le site qui a compté jusqu’à 1 200 salariés (dont 200 intérimaires), en dénombre aujourd’hui 500 en activité. Un plan de préretraite comprenant une centaine de personnes s’achève tout juste.

MMT-B n’a pas le choix que de se tourner vers l’avenir, comme l’indique son nouveau nom : Manufacturing the Mobility of Tomorrow in Bordeaux. Propriété depuis mars du fonds d’investissement allemand Mutarès spécialisé dans le retournement des entreprises, qui a racheté la société à Magna, MMT-B mène tambour battant des chantiers colossaux.

Décrocher des contrats

"Le premier challenge, c’est la prospection de nouveaux marchés et la transformation en contrats", résume Olivier Boidin. Étape 1 : monter une équipe commerciale. "Depuis avril, elle a identifié 500 millions d’euros de chiffre d’affaires potentiel. Elle doit atteindre entre 1 milliard et 1,4 milliard d’euros potentiels pour qu’ils se transforment en 100 à 140 millions d’euros de chiffre d’affaires réels à horizon 2026-2027." En 2019, il était de 200 millions d’euros. Puis il y a eu le Covid et la crise des semis conducteurs. "On doit être à 132 millions d’euros cette année." Pour autant, les indicateurs sont bons, assure le dirigeant. "En quelques mois, nous avons été nominés ou qualifiés dans le cadre de différents appels d’offres." L’un des marchés prometteurs vient d’Asie. "Nous sommes beaucoup sollicités par des sociétés qui souhaitent localiser en France leur production et répondre ainsi aux nouvelles normes environnementales. Nous sommes aussi contactés par des entreprises françaises qui n’ont pas de terrain, pas de local, et qui ne peuvent pas attendre les autorisations et constructions pour commencer leur production."

MMT-B compte aujourd’hui 500 collaborateurs en activité. L’entreprise veut garantir entre 400 et 500 emplois en 2026 — Photo : MMT-B

MMT-B a de quoi séduire : une capacité d’usinage, d’assemblage et d’industrialisation en grande série (elle conserve ses 200 machines), des savoir-faire rompus aux exigences internationales, une maîtrise des expéditions partout dans le monde. À condition de s’adapter aux clients désormais variés. "Modifier des machines, les recalibrer, les reprogrammer, ce n’est pas grand-chose. Cela reste de la production, nous savons faire", assure Olivier Boidin. Pour ajouter une corde à son arc, MMT-B a lancé les travaux d’aménagement sur son immense plateau pour créer une cellule de prototypage prévue pour être opérationnelle fin 2024- début 2025.

Premières entrées en production

Dans les prochaines semaines, des lignes de production tourneront pour fabriquer les premiers produits hors transmissions, issus des premiers contrats glanés. À commencer par des bornes de recharges de batteries destinées aux voitures électriques, pour le compte de la start-up d’Essonne Wattpark. Un contrat de cinq ans. En parallèle, l’usine lancera aussi la production du robot tondeur solaire du girondin Vitirover. Autre contrat de cinq ans. "Même s’ils n’occupent chacun qu’une ligne de production sur les quinze de l’entreprise, ce sont des contrats stratégiques pour nous positionner sur les grands marchés de la robotique, de l’électrique et du solaire, et démontrer notre savoir-faire."

Le robot tondeur professionnel solaire de Vitirover sera l’un des premiers nouveaux produits fabriqués par MMT-B — Photo : MMT-B

Un troisième accord est dans les tuyaux, plus important, de huit ans et pour plusieurs millions de pièces pour le monde automobile. MMT-B vise 15 marchés pour utiliser les quinze lignes de production. Chacun mobilisant entre 20 et 50 salariés. "C’est ce qui correspond à la taille des marchés sur lesquels nous arrivons à nous positionner aujourd’hui."

"Nous espérons quatre ou cinq nominations supplémentaires par trois sociétés mondialement connues avant le premier trimestre 2024, pour un démarrage de la production en 2025-2026."

Soigner les ressources humaines

Objectif : garantir entre 400 et 500 emplois en 2026. D’ici là, "il faut maintenir la motivation des salariés, adapter les compétences aux nouvelles machines, assurer la transition. Sans perdre de vue que nous devons livrer Ford jusqu’en 2026." MMT-B veut faire souffler un vent nouveau.

"L’ambiance est plus sereine, les équipes sont désormais alignées pour renvoyer une image positive même si des inquiétudes persistent parfois. Certains sont des anciens de Ford, ils se demandent comment nous pourrions réussir là où Ford a échoué. Mais nous ne sommes plus Ford, nous n’en portons plus le nom, n’y sommes plus associés. Mutarès est spécialisé dans le retournement des entreprises et nous donne les moyens d’y parvenir, financièrement et par son expertise", assure Olivier Boidin, dans l’entreprise depuis 2001. Dix millions d’euros ont déjà été investis : 5 millions dans le cadre des contrats avec Wattpark et Vitirover, 3 millions pour le centre de prototypage et 2 millions pour la rénovation du bâtiment et le remplacement des machines les plus anciennes. L’équipe achat a été multipliée par trois pour gérer les nouveaux fournisseurs, là où, dans le monde de Ford, cette liberté n’existait pas.

Olivier Boidin le PDG et DRH et un opérateur — Photo : MMT-B

"Moi aussi j’ai connu Getrag, Magna…", sourit celui qui était DRH avant la reprise par Mutarès, et qu’il l’est toujours en plus de sa fonction de PDG. Alors les enjeux sociaux, il les connaît sur le bout des doigts. Deux fois par semaine, le dirigeant reçoit les collaborateurs par groupe de dix autour d’un "café-com'" pendant une heure. "Je réponds à toutes les questions sur l’avenir de l’entreprise, son évolution, son organisation. J’ai déjà vu ainsi 400 salariés. Nos portes s’ouvrent là où elles étaient fermées et dédiées à Ford. Mutarès nous encourage dans cette voie." Le dirigeant savoure aussi une agilité nouvelle. "Avant, il fallait faire le tour de la Terre pour valider une décision. Aujourd’hui, elle peut être prise dans la journée."

Enfin, pour imprimer l’ère nouvelle, MMT-B a adopté la semaine de quatre jours depuis début septembre. "À la fois pour créer une atmosphère différente dans l’entreprise, être plus attractifs pour recruter, aligner notre effectif aux besoins de la production et réaliser des économies d’énergie le vendredi."

ENCADRE : Optimiser l’immobilier stratégique

Autre levier clé : l’immobilier. Le site est gigantesque : 25 hectares au cœur de la zone industrielle convoitée de Blanquefort. À sa droite, l’usine d’Hydrogène de France sort de terre. À sa gauche, les bâtiments jaunes de Ford ont été rasés, bientôt remplacés par le village d’Axtom. "Notre parcelle est sur le tracé entre la gare et le sud de la zone industrielle. Nous étudions toutes les possibilités pour valoriser le site, principalement avec de la location, et potentiellement de la vente pour des collectivités notamment Bordeaux Métropole avec qui nous discutons. C’est intéressant pour nous de baisser les charges fixes et de générer des revenus à côté de la production."

MMT-B, en position centrale, réfléchit aussi à mutualiser des services avec ses voisins. "Nous avons un parc à déchets et copeaux dimensionné à l’époque où l’entreprise tournait à plein… "

La surface intérieure du bâtiment, 61 000 m2, est déjà en plein réaménagement. Les lignes non utilisées sont rassemblées pour libérer des espaces remis à neuf. "Aujourd’hui, 20 000 m2 sont déjà disponibles. En 2026, ce pourrait être jusqu’à 40 000." Un espace sera bientôt investi par une entreprise qui y installera son propre matériel, MMT-B lui mettra à disposition une partie de ses équipes. Les mots d’ordre : optimisation et valorisation maximales.

MMT-B compte aussi sur la valorisation de sa parcelle de 25 hectares au cœur de la zone industrielle de Blanquefort, aux portes de Bordeaux — Photo : MMT-B

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