Hérault
Mathilde Boulachin (Chavin) : "Le vin sans alcool adresse un nouveau pan de consommateurs"
Interview Hérault # Agroalimentaire # International

Mathilde Boulachin dirigeante de la Maison Chavin. "Le vin sans alcool adresse un nouveau pan de consommateurs"

La maison biterroise Chavin, créatrice de vins premium sans alcool, incarne la croissance de ces produits dans un contexte de consommation fléchissante. Sa fondatrice Mathilde Boulachin se revendique comme designeuse de tendances afin de séduire les nouvelles générations de consommateurs.

Champenoise d'origine, Mathilde Boulachin dirige la Maison Chavin depuis 2010 — Photo : Soufiane Zaidi

Chavin (20 salariés) a passé le cap des deux millions d’unités produites en 2023. Votre croissance est continue mais le vin sans alcool reste une hérésie pour les connaisseurs. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Mathilde Boulachin : En débutant chez un importateur privé en Scandinavie, j’ai constaté ce qu’est un marché international en demande d’innovation, rompu au marketing de la demande. Pour continuer à prendre des parts de marché, il faut évoluer. La France garde un discours trop érudit sur le vin. Elle pense être leader dans un secteur séculaire mais il reste tout un pan de consommateurs non adressés. Parmi eux, on trouve les personnes qui ne boivent pas d’alcool et les " flexibuveurs ", qui boivent du vin selon les moments : à midi seulement, de moins en moins par volonté d’arrêter, en raison d’une grossesse, pour être capitaine de soirée, etc. En arrivant chez Chavin en 2010, je n’avais pas quatre châteaux et trois générations de vignerons derrière moi, mais bien la volonté de dépoussiérer les codes. Nous faisons du marketing de la demande, en nous questionnant d’abord sur ce que veut le consommateur. Nos produits sont des alternatives sophistiquées, naturelles, en extension du vin, qu’ils ne vont pas remplacer. Ils émanent du marché.

Chavin réalise plus de 90 % de son chiffre d’affaires (12 M€ en 2023) à l’export. Gardez-vous espoir de convaincre le marché français ?

Nous suivons une trajectoire de ricochets inversés. En temps normal, une entreprise qui crée son business part du local puis évolue vers l’international. Chavin s’est d’abord imposé comme le leader français du vin premium sans alcool dans le monde. Nous sommes présents dans 64 pays. Notre objectif est qu’on serve du Chavin sur les tables étoilées de New York jusqu’à Tokyo. En 2024, nous allons consolider cette position aux Etats-Unis et en Asie. Mais quand le Tokyo Palace achète vos vins, l’hôtel Crillon à Paris finit par s’y intéresser. Nous revenons en France en travaillant avec une distribution sélective de tables étoilées. Nous n’inondons pas la grande distribution. En 2023, pour la première fois de notre histoire, les cavistes sont venus vers nous. Cette année, nous continuons à prospecter, en misant sur la communication. C’est un effort de longue haleine, mais le travail de structuration de la catégorie est fait.

En France, la consommation de bière est sur le point de surpasser celle du vin. Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

La véritable hérésie est de penser qu’on est en capacité de boire tout le temps et autant que dans les années 1960. Le marché n’a progressé que de 0,5 % en 2023 : au mieux, il stagne. La consommation baisse globalement, en France et ailleurs. Le changement qui se produit est un changement de génération. Considérez la femme qui rentre sur le marché de travail, et qui doit jongler entre sa famille, sa profession et ses autres activités : cette hyperactivité dicte des choix de consommation bien précis. Dans un contexte post-Covid où priment la santé et la naturalité, l’alcool peut être un inconvénient. L’ambition de Chavin est d’être un stimulateur de cette tendance "no low", avec des vins de l’instant, sans ou allégés en alcool. Nous le vérifions avec le "Dry January" ("janvier sobre", pour promouvoir un mois sans alcool, NDLR). Cette opération, depuis cinq ans, ne cesse de monter en puissance. Elle contribue à la hausse de nos ventes mensuelles en ligne, qui ont bondi de 60 % en 2023.

Hérault # Agroalimentaire # International # PME