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L’ETI poitevine Technique Solaire lève 200 millions d’euros
Vienne # Production et distribution d'énergie # Levée de fonds

L’ETI poitevine Technique Solaire lève 200 millions d’euros

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Particulièrement actif dans le secteur agricole, le producteur indépendant d'énergies renouvelables Technique Solaire a convaincu ses actionnaires historiques d’une levée de fonds record pour accélérer sa croissance en France et à l’international. L’ETI prévoit 4 milliards d’investissements sur 2024-2030.

Lionel Themine, Thomas de Moussac et Julien Fleury, les cofondateurs de Technique Solaire — Photo : Alain Montaufier

Des chiffres qui donnent le tournis : 200 millions d’euros levés, 4 milliards d’euros d’investissement en six ans. Ils sont à la mesure des ambitions de l’ETI de Biard, dans la banlieue de Poitiers (Vienne) créée en 2008 : "devenir un énergéticien de rang mondial".

Alors que nombre d’entreprises pâtissent d’un coup de frein généralisé dans les tours de table, l’annonce de Technique Solaire résonne d’autant plus comme une prouesse. "Elle fait partie des 1 % des levées de fonds les plus importantes au niveau national cette année et nous l’avons réalisée en six mois", précise tout sourire Julien Fleury, directeur général en charge des opérations, l'un des trois fondateurs avec Lionel Themine, directeur général en charge des finances, et Thomas de Moussac, directeur général en charge du développement, des anciens copains de promo de l'Edhec.

Les dirigeants ont donc convaincu leurs actionnaires historiques Bpifrance et un pool d’investisseurs du groupe Crédit Agricole de renouveler leur soutien (déjà apporté en 2017 puis 2020). Sachant que les fondateurs conservent une large majorité du capital via la holding JLT Invest. "Ces opérations ne sont jamais simples à conduire, mais nous avons le vent dans le dos, analyse Thomas de Moussac. Le solaire photovoltaïque était un gadget quand nous avons créé l’entreprise il y a quinze ans, c’est aujourd’hui une énergie compétitive. Par ailleurs nous sommes dans la continuité de nos développements, sachant que nous sommes rentables depuis la première année. Notre chiffre d'affaires a quadruplé depuis 2019 pour atteindre 200 millions d’euros en 2023."

Cette levée de fonds doit leur permettre d’accélérer la croissance de l’activité de production d’énergie, d’intensifier la stratégie d’innovation et de renforcer la présence de Technique Solaire à l’international.

Multiplier par neuf le photovoltaïque

Le plan d’investissement est pour le moins ambitieux. Le groupe (200 collaborateurs) entend donc mobiliser 4 milliards d’euros d’ici 2030, dont "les trois-quarts seront investis en France" assure-t-il. La stratégie de croissance conjuguera un développement organique et des acquisitions ciblées, avec une forte accélération de la production d’énergie renouvelable à la fois en solaire photovoltaïque (son cœur d’activité à plus de 95 %) et biogaz, permettant d’économiser 5 millions de tonnes d’équivalent CO2 à horizon 2030.

Il ambitionne ainsi de multiplier par neuf la capacité photovoltaïque installée pour atteindre 4 GWc, avec un pipeline de plus de 2 GWc déjà sécurisé. "Cela signifie que pour moitié les projets sont déjà identifiés et les études environnementales sont déjà en cours. Ces projets seront à l’image de notre activité aujourd’hui : majoritairement en France et dans le quart Sud-Ouest", détaille Thomas de Moussac. "Quant aux 2 GWc restants, nous travaillons sur 18 GWc pour en sortir 2, nous sommes donc très confiants sur notre capacité à atteindre notre objectif", souligne Lionel Themine.

Technique Solaire a breveté une volière qui combine ombrière et filet, destinée à faciliter le travail des éleveurs et le bien-être animal, en plus de générer de l’énergie — Photo : Technique Solaire

Actuellement, le groupe exploite plus de 450 MWc d’énergie photovoltaïque via divers types d’installations : bâtiments neufs, toitures, centrales flottantes, ombrières de parkings, parcs au sol, etc. "Notre force est d’être un des rares acteurs à couvrir l’ensemble de la typologie de projets, quelle que soit leur taille", argue Julien Fleury.

Avec près de 45 % (200 MWc) de son parc opéré au sein d’exploitations agricoles et une solution de volière brevetée - qui combine ombrière et filets -, Technique Solaire se définit comme un acteur majeur de l’agrivoltaïsme. "90 % des clients sont issus du monde agricole", confirme Thomas de Moussac.

Multiplier par 15 le biométhane et investir le stockage

Depuis 2014, Technique Solaire mise aussi sur la méthanisation via sa filiale Technique Biogaz. Elle exploite aujourd’hui trois centrales en France dont la capacité représente plus de 330 Nm3/h. Des chiffres qui, là encore, devraient bondir puisque le groupe prévoit de multiplier sa production de biométhane par 15 pour atteindre 4 900 Nm3/h. "L’activité demeurera marginale et restera en France. De moins de 5 % du business aujourd’hui elle devrait atteindre 10 % à horizon 2030", estime Lionel Themine. "Nous croyons beaucoup en cette activité même si un projet de méthanisation est bien plus long à développer qu’un projet solaire, avec une acceptabilité bien moindre." Pour autant, les dirigeants affichent de nouveau leur optimisme : "De trois centrales nous voulons passer à 30 et nous avons déjà 20 unités en cours de développement."

Le plan stratégique de Technique Solaire comprend aussi un volet innovation. Encouragés par la volatilité des prix de l’électricité, de nouveaux modèles d’affaires comptent parmi les pistes évoquées et sont à l’étude, avec des contrats d’autoconsommation et des contrats de gré à gré. Mais le gros dossier est sans conteste le stockage. "Pour répondre aux besoins des gestionnaires de réseaux, nous voulons installer des batteries sur nos sites. Entre 20 et 30 projets sont en cours de développements. Nous espérons les premières constructions fin 2024 en France et en Hollande", dévoile Thomas de Moussac.

Priorité à la France

Le groupe, majoritairement présent en France (Biard son siège, des bureaux à Paris, Bordeaux et Lyon) s’est également positionné à l’international. Présent en Espagne et aux Pays-Bas, il a aussi fortement parié sur l’Inde. Implanté là-bas depuis 2014, il vient d’y finaliser une acquisition d’envergure auprès de ReNew Power. L’opération porte sur un portefeuille de cinq actifs en exploitation situés au sud du pays, d’une capacité installée de 135,4 MWc. Ce parc produit 215 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation locale de 922 000 habitants.

"Nous choisissons toujours des territoires les plus actifs dans le solaire. En Inde, l’enjeu écologique est énorme et notre impact en termes de bilan carbone encore plus important. Pour nous, cela compte", explique Julien Fleury.

Pour autant, priorité sera gardée à la France. "C’est vrai que nous étudions d’autres marchés, des discussions sont notamment en cours en Amérique du Sud. Mais plus de 60 % de notre capacité installée en 2030 demeurera en France et 85 % dans l’OCDE", insiste Thomas de Moussac.

"Nous ne dépasserons pas dix pays", appuie Lionel Themine. "C’est la limite que nous nous sommes fixée compte tenu des efforts qu’implique une implantation à l’étranger et du marché qui reste à investir sur le territoire national."

Le solaire restera l’activité largement majoritaire de l’entreprise y compris en 2030 (90 %) et l’agriculture un secteur privilégié (90 % des clients aujourd’hui) — Photo : Technique Solaire

6 millions d’euros distribués en bons de souscription

Pour mener à bien ses projets, Technique Solaire prévoit de doubler ses effectifs en recrutant plus de 200 talents à horizon 2030. "Le sujet RH est un enjeu majeur pour notre développement", reconnaît Thomas de Moussac.

Intervenant sur toute la chaîne de valeur, depuis le développement jusqu’à l’exploitation des centrales, le groupe recherchera des profils variés d’ingénieurs, de commerciaux, de conducteurs de travaux, etc. Parmi ses arguments, il pourra vanter sa politique d’actionnariat des collaborateurs, qui bénéficie à l’ensemble des salariés présents dans l’entreprise et aux futures recrues. "Depuis fin 2018, ils ont accès à des BSPCE (bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, NDLR), autrement dit des actions à tarif préférentiel qu’ils peuvent revendre notamment selon des critères d’ancienneté lors de moments de liquidité. Cette levée de fonds en a été l’occasion et a permis un partage pour ces bénéficiaires de 6,3 millions d’euros", détaille Julien Fleury.

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