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Les entreprises alsaciennes incitées à participer à la reconstruction de l’Ukraine
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Les entreprises alsaciennes incitées à participer à la reconstruction de l’Ukraine

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À l’occasion de sa tournée dans le Grand Est, Pierre Heilbronn, envoyé spécial de la France pour l’aide et la reconstruction de l’Ukraine, a récemment rencontré des chefs d’entreprises alsaciens au siège de la Région à Strasbourg. Il a présenté les opportunités que représente le marché ukrainien pour les entreprises du territoire.

Pierre Heilbronn, (au centre) a présenté la situation économique actuelle en Ukraine aux différents acteurs économiques du Grand Est — Photo : Dorian Mao

Il ne reste plus une chaise de libre dans la salle Marcel-Rudloff du siège de la région Grand Est à Strasbourg, mardi 30 janvier. L’affluence importante autour de la grande table ovale pour cette réunion est à l’image de l’enjeu pour les entreprises alsaciennes. Visible de tous et invité du jour : Pierre Heilbronn, envoyé spécial de la France pour l’aide et la reconstruction de l’Ukraine, accompagné de sa délégation.

Après un passage en Lorraine la veille, ce dernier poursuit sa visite de la région avec pour objectif d’inciter les entreprises à investir et à s’engager dans la reconstruction de l’Ukraine. Face à lui, près d’une vingtaine de représentants d’entreprises alsaciennes. Entouré de Franck Leroy, président de la région Grand Est, et de Philippe Lacoste, conseiller diplomatique auprès de la préfète de la région Grand Est, l’ancien vice-président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement souligne : "Ma mission n’a de sens que si on embarque tout le monde avec nous."

Des investissements soutenus par un partenariat entre États

Pour convaincre son auditoire, il s’appuie sur un argument de poids : "L’État souhaite pousser l’investissement des TPE-PME dans la reconstruction en Ukraine. Pour cela, nous disposons d’une enveloppe de 200 millions d’euros, avec comme objectif de fournir des tickets de 15 à 20 millions d’euros à plusieurs entreprises qui proposent des projets dans des secteurs essentiels dans le pays", explique-t-il. Face aux risques liés à la guerre, "ce mécanisme permet d’assurer à 95 % les investissements, en faisant peser une partie sur le contribuable français, si l’investissement ne se réalise pas".

36 milliards de dollars de dommages sur les infrastructures ukrainiennes

Les estimations des dommages dans les secteurs critiques ukrainiens sont considérables : 36,6 milliards de dollars rien que pour les infrastructures, plus de 8 milliards de dollars dans l’énergie et l’agriculture et près de 3 milliards de dollars dans le domaine de la santé. "Dans le plan de relance ukrainien, il y a plus de 50 000 kilomètres d’autoroutes et 1 400 ponts à construire. Près de 200 nouveaux projets ont déjà démarré pour la reconstruction du pays, affirme Romain Desthieux, directeur du bureau Business France à Kiev en Ukraine. Les gouvernants choisissent avec beaucoup d’attention les projets, et plus ceux-ci sont proches du modèle ukrainien, plus il sera facile de les financer".

Présent pour la réunion, Georges Lingenheld, président du club des ETI du Grand Est, s’empresse d’interroger l’envoyé spécial de la France sur les possibilités de croissance externe en Ukraine. Pierre Heilbronn se veut clair : "La croissance externe est fondamentale, mais seulement après avoir construit une relation de confiance avec les dirigeants ukrainiens".

La France, premier employeur étranger du pays

Et le statut de la France semble pouvoir jouer en faveur des entreprises tricolores. Pas moins de 160 d’entre elles sont déjà implantées en Ukraine dans tous les secteurs d’activité. Avec 30 000 personnes salariées dans ces entreprises avant le début de la guerre, la France est le premier employeur étranger du pays. "Les relations sont très bonnes sur le plan économique", appuie Romain Desthieux.

"Trouver de nouveaux marchés pour les entreprises alsaciennes"

Mais Pierre Heilbronn se veut réaliste avec les chefs d’entreprises présents autour de la table : "La concurrence internationale est déjà sur le marché ukrainien. Les Turcs, les Américains… eux aussi sont à la recherche de nouveaux marchés". Un message que Christian Debève, président de la commission "Transfrontalier, Europe et relations internationales" de la région Grand Est, n’hésite pas à rappeler : "L’objectif de cette réunion est de trouver des nouveaux marchés pour les entreprises alsaciennes. Et nous pouvons nous appuyer sur les contacts que la région a sur place, notamment dans l’oblast de Kharkiv".

Kharkiv et le Grand Est, deux régions partenaires

Partenaire institutionnel du Grand Est depuis mai 2022, l’oblast de Kharkiv est la deuxième région la plus touchée par la guerre après Donetsk, avec 31,1 milliards de dollars de dommages estimés. "C’est la zone la plus complexe car proche du front, mais c’est aussi là où il faut le plus reconstruire", affirme Christian Debève. "Les acteurs économiques du Grand Est sont mobilisés depuis deux ans déjà pour Kharkiv", complète Jean-Paul Hasseler, président de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Est. Il rappelle qu’une centaine de générateurs électriques ont été envoyés dans la zone frontalière ukrainienne quelques mois après le début de l’invasion russe, grâce notamment à la mobilisation de l’ensemble du secteur économique alsacien.

Des chefs d’entreprise convaincus… et d’autres encore à convaincre

Parmi les représentants et chefs d’entreprises présents à la réunion, Philippe Chican, responsable export chez Hussor, a partagé son expérience de collaboration avec un partenaire ukrainien de son entreprise, située à Lapoutroie dans le Haut-Rhin : "Ce sont des partenaires pragmatiques, réactifs et qui n’hésitent pas à se projeter", confie-t-il devant l’audience.

À quelques chaises de lui, Laurent Fehr, directeur développement pour le groupe Fehr (environ 780 salariés, 150 M€ de CA 2022) spécialisé dans le béton, est plus mesuré : "C’est une bonne chose qu’on puisse faire participer les entreprises alsaciennes à la reconstruction ukrainienne. Maintenant, il faut voir comment on concrétise de potentiels projets". Le ton est semblable pour Lionel Macor, président du groupe Galopin (155 salariés, 63 M€ de CA) : "Il y a forcément un potentiel pour nous en tant qu’entreprise du BTP, notamment en termes de croissance externe. Mais il y a aussi des risques, financiers et humains. Et quid de la défaite de l’investissement ? Il faut approfondir avec les interlocuteurs concernés".

Ce passage de Pierre Heilbronn dans le Grand Est intervient avant la visite d’Emmanuel Macron en Ukraine, prévue pendant le mois de février, deux ans après le début de l’invasion russe…

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