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Après la tempête, CroisiEurope se relance sur les fleuves du monde
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Après la tempête, CroisiEurope se relance sur les fleuves du monde

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Traversant les vents contraires la main ferme sur la barre, CroisiEurope retrouve des couleurs et comptabilise en 2023 des ventes historiques avec un chiffre d’affaires dépassant les 200 millions d’euros. La montée en gamme du fleuron alsacien des croisières fluviales et maritimes explique en partie ces bons résultats.

Avec plus de 180 000 passagers début décembre, CroisiEurope a retrouvé une fréquentation quasi-identique à celle de 2019 — Photo : DR

Avec 180 000 passagers comptabilisés en 2023, CroisiEurope retrouve un niveau d’activité quasiment comparable à celui de 2019. A la tête de 50 bateaux, la compagnie de croisière alsacienne de 1 750 salariés devrait boucler son exercice 2023 à plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires. "On se refait une santé. 2023 est une très bonne année, d’ores et déjà historique en termes de chiffre d’affaires alors que le mois de décembre commence seulement, et qu’il est chez nous très impactant. Ce sera 5 % de mieux qu’en 2019 (CA: 196 millions d'euros de CA)", souffle Lucas Schmitter, le représentant de la troisième génération à la barre de l’entreprise alsacienne, plus particulièrement en charge de l’e-commerce.

Lancé en 1976 par Gérard Schmitter, le fleuron strasbourgeois de la croisière fluviale et maritime, toujours dirigé par les enfants du fondateur (Christian, Patrick, Philippe et Anne-Marie), a progressivement intégré quatre cousins et cousine de la troisième génération et conserve un actionnariat 100 % familial.

100 millions d’euros investis avant Covid

Malgré "le retard de la clientèle allemande et anglaise", lié au Covid et au Brexit, le chiffre d’affaires est reparti à la hausse grâce à une bonne fréquentation, une augmentation du panier moyen de l’ordre de 16 % due pour partie à la montée en gamme du croisiériste strasbourgeois qui navigue sur les fleuves et mers du monde. Les réservations pour la saison 2023-2024 traduisent d’ores et déjà, à titre d’exemple, un "boom sur l’Asie" avec notamment un très bon remplissage des croisières sur le Mékong, et la montée en puissance des croisières en Afrique australe et en Amérique du Sud sur l'Amazone.

Ces bons chiffres s’expliquent en partie par un repositionnement de la marque accentué depuis 2015. "Nous avons beaucoup moins de croisières courtes, de dîners croisières, de croisières à la journée avec de petits paniers moyens. En revanche, nous avons accueilli deux fois plus de passagers en Afrique australe (1 800 passagers en 2023) avec la mise en service d’un second bateau", explique le directeur des ventes. Le séjour de quatre jours en Namibie, avec croisière et séjour sur une île privative, a été distingué début novembre par un World Luxury Travel Award.

Une récompense qui illustre bien la nouvelle trajectoire de l’entreprise. Le safari croisière de 12 jours à bord du RV Zimbabwean Dream, qui embarque 16 passagers pour un voyage exclusif sur le lac Kariba, avec exploration de l’Afrique méridionale "en train de légende", tarifée à partir de 10 000 € par personne, et plus généralement les produits "à forte valeur ajoutée" comme ceux proposés sur la Belle des Océans (qui navigue en Méditerranée depuis 2019) tirent désormais la croissance de l’entreprise, confirme Lucas Schmitter.

Le RV Zimbabwean Dream, mis à flot en 2022, incarne une diversification du croisiériste sur le segment du très haut de gamme — Photo : DR

Le croisiériste avait engagé sa montée en gamme à marche forcée depuis 2015, avec près de 100 millions d’euros investis dans la rénovation de sa flotte et des bateaux de moins de 200 passagers exclusivement positionnés en 4 et 5 ancres (haut de gamme). Il récolte aujourd’hui les fruits de sa stratégie impulsée par la génération précédente. Pas de quoi oublier son ADN toutefois : "un bon rapport qualité prix", souligne Lucas Schmitter. Un enjeu important puisque les offres à destination des familles doivent également permettre à CroisiEurope de renouveler sa clientèle. Pour ce faire, cet hiver 2023-2024, l’entreprise propose la gratuité sur les croisières fluviales (hors vols, transferts, etc.) pour les jeunes de moins de 16 ans et accorde une remise de 20 % aux parents à condition que la troisième génération soit du voyage.

Un rythme de croisière de 6 à 10 % par an

Ces bons indicateurs ne font pas oublier qu'en 2020, l’entreprise jusqu’alors lancée à bonne cadence, sur un rythme de croissance régulier de 6 à 10 % annuel, avait vu son chiffre d’affaires divisé par près de dix en raison de la crise sanitaire. Passée par l'étalement de sa dette dont le montant n'a pas été communiqué, et une recapitalisation en 2021 (négatif depuis plusieurs années, le résultat d'exploitation d'Alsace Croisières CroisiEurope de 2021 plongeait à -8 millions d'euros), elle avait été contrainte de contracter trois prêts garantis par l’État (dont le montant n’avait pas été communiqué) et avait bénéficié du fonds de solidarité.

"À peine sortis du Covid, nous avons connu quelques mois d’euphorie et puis la guerre en Ukraine a éclaté", se remémore Lucas Schmitter. Les croisières en direction du delta du Danube et sur la Volga sont alors interrompues. Avec trois à quatre bateaux affrétés sur le fleuve russe, le croisiériste perd une destination privilégiée et 5 000 passagers par an.

Recrudescence de l’activité

2022 a néanmoins marqué une nette recrudescence de l’activité. "Les gens nous ont fait confiance, ils ont en majorité reporté leurs voyages et les avoirs contractés durant le Covid", signale Lucas Schmitter. La troisième vague, celle de la flambée des prix de l’énergie, de l’inflation sur les fournitures et les prestations des prestataires réceptifs, a été absorbée non sans mal. "Nous avons répercuté l’inflation sur nos prix de manière adaptée sur chaque fleuve, sur chaque bateau. Nous avons aussi aménagé nos menus à bord tout en restant qualitatif", commente sobrement Lucas Schmitter. Quant aux équipes, elles ont été pleinement reconstituées fin 2022, début 2023. Avec 1 750 collaborateurs en 2023, les effectifs de 2019 ont été retrouvés.

Si les croisières sur la Mer Rouge sont remplacées par des circuits en Méditerranée, les signaux pour la saison à venir sont positifs, "les réservations sont en avance de 13 % par rapport à fin 2022", précise Lucas Schmitter. L'entreprise se laisse désormais deux années "pleines" d'exploitation pour, notamment, reconquérir les clientèles allemandes et anglaises et conforter ses réservations françaises (55 % de sa fréquentation) avant de penser à reprendre son développement, signale le dirigeant.

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