La maison de linge et décoration Denantes (190 salariés ; 40 M€ de CA en 2022) vient de célébrer ses 300 ans d’existence, en Isère, avec l’ensemble des 120 salariés du site voironnais, dont certains travaillent au sein de l’entreprise familiale depuis plus de 40 ans. L’occasion pour le président de cette PME iséroise trois fois centenaire d’annoncer les grandes orientations stratégiques de son entreprise et de dévoiler le passage de flambeau à la génération suivante, la douzième depuis la création de la société. Hervé de Montclos s’apprête ainsi à remettre les clefs de Denantes, qu’il a lui même reprise en 1978, à ses deux enfants, Guiral et Quiterie.
"Cela fait 47 ans que je suis à la direction et je crois l’avoir menée dans une nouvelle dynamique", explique ainsi le président. "À l’époque, j’avais racheté l’entreprise, avec l’appui de sociétés de capital-risque, à ma famille, composée d’une soixantaine de membres. À ce jour, je détiens la quasi-totalité du capital que je transmets à parts égales à mes enfants". Directeur commercial de l’entreprise depuis un an et demi, Guiral, 32 ans, devrait ainsi prendre le poste de directeur général à compter de janvier prochain. Sa sœur devrait rester actionnaire et responsable de la holding, Denantes, HDM Group, composé de 45 sociétés et 2 000 salariés.
Un triple défi pour la nouvelle génération
L’activité de la PME iséroise se porte bien, comme en témoigne l’extension récente des locaux, avec 500 m² de bureaux supplémentaires construits cette année. Le site de Voiron comprend donc désormais un bâtiment de 8 000 m² regroupant ateliers de confection, site logistique et bureaux. "Nous en sommes à la sixième extension depuis les années 1980 et avons signé l’an dernier notre 45e exercice bénéficiaire successif", avance le président, qui n’a pas souhaité communiquer le montant de l’investissement du dernier agrandissement. Ses enfants auront toutefois le triple défi d’accélérer l’internationalisation de la PME, de se développer sur le marché des particuliers et du même coup d’achever la digitalisation de Denantes. "Nous avons beaucoup grandi au cours du temps mais notre activité reste principalement liée au marché hexagonal", explique Laurent Moskal, actuel directeur général de l’entreprise.
Ainsi Denantes réalise entre 5 % et 10 % de son chiffre d’affaires à l’international, via sa filiale espagnole, Denantes Iberica et grâce aux clients français de l’entreprise, tels que les hôtels, les croisiéristes ou le Club Med, dont une partie de l’activité est à l’étranger. "À terme, nous visons 30 % de notre chiffre d’affaires à l’international, potentiellement via des opérations de croissance externe", poursuit le directeur général, qui ajoute que Denantes a déjà engagé des discussions avec des acteurs européens frontaliers.
Autre challenge de taille pour les deux héritiers : s’atteler à la clientèle des particuliers. "Nous avons une vraie légitimité à offrir une qualité hôtelière haut de gamme au grand public. Et quel meilleur endroit qu’un hôtel pour tester un matelas ou apprécier la qualité du linge de maison", affirme Guiral de Montclos. L’entreprise a d’ailleurs déjà entamé sa diversification avec le lancement en février 2022 du site maison-denantes. "En 2022, nous avons réalisé autour de 250 000 euros de ventes sur ce site dédié aux particuliers et aimerions atteindre un million d’euros de chiffre d’affaires à terme", poursuit le directeur commercial. En s’attaquant à ce nouveau marché, l’entreprise va également devoir accélérer sa digitalisation pour mieux se faire connaître auprès du grand public. "Nous avons conclu des partenariats avec des hôtels, qui mettent en avant nos produits. Nous avons conçu des marque-pages avec des QR codes renvoyant vers notre site", poursuit Guiral de Montclos. Un nouveau virage donc pour cette société, qui a su s’adapter aux changements technologiques tout au long de son histoire.
Un portefeuille de 5 000 clients
Ainsi, depuis sa création en 1723 par un descendant de Champollion, l’entreprise, qui s’est tout d’abord développée dans la production de textile en chanvre, abondant dans la région de Voiron, n’a eu de cesse d’étendre son activité au cours du XXe siècle, notamment grâce à l’essor des machines à coudre. Un nouveau créneau apparaît alors : le linge de maison et les bâches. En 1970, l’entreprise connaît des difficultés mais Hervé de Montclos parvient à la redresser en recentrant l’activité de Denantes sur le BtoB, tirant notamment parti de l’essor du tourisme. "En une génération, nous sommes passés d’une TPE à une PME", poursuit le président. L’entreprise peut ainsi se targuer d’un portefeuille de plus de 5000 références et 5 000 clients, comprenant les professionnels de l’hébergement, les Ephad, les compagnies aériennes et les loueurs de linge. Denantes dont l’activité est divisée en cinq grandes entités, linge de maison, literie, mobilier, revêtement de sol et décoration textile, réalise 50 % de son chiffre d’affaires dans le linge de maison.
Des usines partenaires et une R & D en interne
La PME ne produit pas elle-même le linge de maison mais établit le cahier des charges pour ses usines partenaires et s’occupe de la R & D. "Grâce à nos équipes R & D, nous avons notamment développé une technologie spécifique, I-Care, permettant d’allonger la durée de vie des draps et un gain de temps significatif en ménage hôtelier", explique encore le président. Le linge de table et l’ameublement sont en revanche confectionnés dans les ateliers de Voiron ainsi que dans un atelier en Roumanie, équipé à l’identique, et qui emploie 70 personnes. La logistique est à la fois assurée en interne avec l’équivalent de 2 200 palettes stockées dans les entrepôts de Voiron, et plus du double stocké par des prestataires, également chargés de l’expédier aux clients. "Nous expédions 100 à 120 commandes par jour", explique Laurent Moskal, directeur général de l’entreprise. "L’une de nos spécificités est de posséder d’énormes positions de stocks, afin de pouvoir répondre très rapidement aux blanchisseurs notamment, qui décideraient de prendre un nouveau client", poursuit le directeur général. Au moment du Covid, avec la fermeture des hôtels et des restaurants, l’entreprise a d’ailleurs accumulé jusqu’à 3 ans de stocks. "Cela a été compliqué d’un point de vue trésorerie, mais nous avons la chance de ne pas subir les changements de mode et avons pu les écouler progressivement après la fin de la pandémie", conclut-il.
