Dans l’atelier teinture, les gestes sont quasiment les mêmes depuis 1873, date de création de Crépin-Petit à Bernaville, dans la Somme. Seuls les produits ont changé : les pigments répondent désormais à la norme Oeko Tex, garantis sans produits toxiques. Les teinturiers mélangent les couleurs dans de grandes casseroles. "Ils travaillent à l’œil, pour obtenir la bonne couleur de bouton, celle souhaitée par le client", explique Dominique Ossart, le dirigeant. Dans l’atelier voisin, ces mêmes boutons sont tournés, poncés et polis par les machines.
20 millions de boutons produits par an
Les 35 salariés de l’usine travaillent pour des marques françaises : Lacoste, Saint-James, Petits Bateaux, Le slip Français, Le Coq sportif. "Nous avons 3 000 références, avec 20 millions de boutons produits chaque année". Le bouton, "qui était ringard au début des années 2000, est revenu à la mode vers 2010, c’est un accessoire de mode qui rassure, intemporel, qui apporte une touche de vintage".
Réalisant aujourd’hui 4 millions d’euros de chiffre d’affaires, la PME revient de loin. Rachetée par des Italiens en 2004, elle est placée en liquidation judiciaire, en 2008. Dominique Ossart, qui connaît bien l’entreprise pour y avoir travaillé 15 ans, la reprend à cette époque. "C’était impossible de laisser un tel savoir-faire disparaître". En 2011, il réhabilite les ateliers, laissés à l’abandon, avec un investissement d’environ 500 000 euros, pour de nouvelles machines. "Ce choix était stratégique, car à un moment on ne pouvait pas tout faire en Chine. Il nous a permis d’être prêts, quand quelques années plus tard, la tendance à la relocalisation en France dans le textile s’est accentuée ".
L’éco-responsable doit encore convaincre
La PME propose désormais des boutons en matière naturelle, ou recyclée, "avec des matières biosourcées, comme l’huile de colza, l’anas de lin, des résidus de coquillage, de laine". Mais ces boutons sont trois fois plus chers. Si la demande d’échantillonnage est forte, "elle se traduit encore faiblement dans les devis signés, cela représente 4,5 % de nos ventes". Pour prolonger cette démarche éco-responsable, Crépin-Petit a créé en 2018, un site internet destiné au particulier, où il propose des boutons invendus. "Au lieu de créer des déchets, on les revalorise, et le site nous rapporte 40 000 euros par an".
Le Covid a d’ailleurs multiplié par deux les ventes. "Les gens se sont remis à faire de la couture eux-mêmes". L’objectif est maintenant d’ouvrir ce site à l’international : "nous travaillons sur le référencement, en Europe, avec l’idée d’atteindre 100 000 euros de chiffres d’affaires par an sur cette zone". Autre axe de développement dans les prochains mois : la sous-traitance pour des acteurs qui ne sont pas dans l’habillement. "Nous savons teindre, peindre, faire du gravage-laser, de la découpe, du tournage, de la patine… Nous avons déjà travaillé pour la parfumerie, les bouchons de champagne, les bijoux fantaisie ". Si cela représente pour le moment 7 % du chiffre d’affaires, l’objectif est d’atteindre les 15 à 20 % d’ici 18 mois.