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Le véhicule du futur s’invente en Normandie
Enquête Rouen # Transport # Innovation

Le véhicule du futur s’invente en Normandie

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Après l’adoption, en septembre 2018, de l’article 43 de la loi Pacte, qui élargit l’expérimentation du véhicule autonome, la France peut aujourd’hui faire de cette solution de mobilité intelligente et connectée une réalité. La Normandie compte parmi les régions les plus à la pointe en la matière, notamment via le pôle de compétitivité Mov’éo-Imagine Mobility et des projets comme Rouen Autonomous Lab.

Quatre Renault ZOE 100 % électriques, et entièrement autonomes, effectuent aujourd’hui différents parcours en boucle et conditions réelles au milieu de la circulation, à travers le technopôle du Madrillet — Photo : DR

C’est le premier service de mobilité partagée et autonome à la demande sur routes ouvertes en Europe. Projet emblématique de la recherche normande en matière de mobilité autonome, « Rouen Normandy Autonomous Lab » est un programme de développement de véhicules autonomes en circulation réelle.

Les voitures autonomes de Rouen Normandy Autonomous Lab

Ce projet de R&D, au budget de 11 millions d'euros, est le fruit d'un travail collaboratif regroupant la Métropole Rouen Normandie, le groupe Transdev, le constructeur Renault, le groupe Matmut, l'école d'ingénieurs Esigelec et son laboratoire Irseem, avec le soutien de la Région Normandie et de la Banque des Territoires. Ainsi, quatre Renault Zoé 100 % électriques, et entièrement autonomes, effectuent aujourd’hui différents parcours en boucle et conditions réelles au milieu de la circulation, à travers le technopôle du Madrillet, à Saint-Etienne du Rouvray, en périphérie de Rouen. Les utilisateurs peuvent appeler directement un véhicule à partir d'une application disponible sur smartphone.

Ces quatre voitures intègrent toutes les contraintes de trafic habituelles. « Nous avons développé un logiciel permettant la localisation précise en temps réel d'un véhicule, à partir des données d'un lidar (capteur) 3D. Notre logiciel est basé sur un algorithme qui recale l'estimation qu'a le véhicule de son propre mouvement en comparant la carte 3D et les mesures du lidar », explique Xavier Savatier, responsable du pôle instrumentation, informatique et systèmes au sein de l'Esigelec-Irseem.

En pratique, chaque voiture autonome est capable « d'appréhender » la route en temps réel et de communiquer simultanément avec les capteurs intégrés au mobilier urbain (les feux tricolores, les panneaux de signalisation, etc.), ce qui permet à chaque voiture d'anticiper l'arrivée d'événements impromptus, comme la traversée de piétons ou d'autres véhicules s'insérant dans la circulation. L'objectif, à court terme, est d'augmenter progressivement la vitesse de circulation, actuellement de 9 km/h, à 25-30 km/h.

Quatre Renault ZOE 100 % électriques, et entièrement autonomes, effectuent aujourd’hui différents parcours en boucle et conditions réelles au milieu de la circulation, à travers le technopôle du Madrillet — Photo : © Rouen Autonomous Lab

Le bus électrique TransDev, une expérimentation unique en France

De son côté, le groupe TransDev, en partenariat avec la Région, a testé le premier car 100 % électrique normand. « Au total, le véhicule électrique a parcouru près de 8 000 km. Le car électrique a été plébiscité par les voyageurs pour son confort sonore, sa qualité de vie à bord par rapport à un bus classique et sa souplesse aux accélérations et décélérations », assure Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région Normandie en charge des Transports.

L’autocar électrique se caractérise également par un coût réduit de plus de 50 % en consommation énergétique par rapport à un véhicule thermique : 29,26 € contre 69,60 € sur une distance parcourue de 200 km (autonomie du car électrique actuellement). « L’autonomie reste toutefois encore limitée, mais elle augmente un peu plus chaque année », reconnaît Julien Bahri, responsable commercial de la société Dietrich Carebus Group, distributeur du bus.

Le véhicule autonome et connecté va également s’étendre au domaine touristique normand : trois navettes autonomes Transdev – Lohr i-Cristal relieront Vernon à Giverny pour le lancement de la saison touristique, en mars 2021. Il s’agira de la première expérimentation en France d’un service de transport autonome partagé pour la desserte d’un site touristique de renommée mondiale. Coût de l’expérimentation : 1,35 M€ financés par Transdev et SNA (à hauteur de 50% du projet) et les financeurs institutionnels (Etat, Région, Département, Caisse des dépôts) pour 30%. Les 20% de financement restant seront d’origine privée.

Le groupe TransDev, en partenariat avec la Région, a testé le premier car 100 % électrique normand — Photo : © Isabelle Evrard - Le Journal des Entreprises

Le pôle de compétitivité Mov’eo en pole position

Pourquoi autant d'expérimentations autour des véhicules du futur se déroulent-elles aujourd'hui en Normandie ? Une bonne partie de la réponse est liée à la présence sur le territoire de Mov’éo-Imagine Mobility. Créé en juin 2006, ce pôle de compétitivité fédère les principaux acteurs de la mobilité et de l’industrie automobile dans le domaine de la R&D collaborative. Avec plus de 380 membres, dont 200 PME et 482 projets labellisés, le pôle a choisi très tôt d’engager la Normandie et la vallée de Seine parmi les territoires les plus actifs en matière de projets dédiés aux véhicules autonomes.

« L’objectif de Mov’eo est de briser la frontière entre les acteurs du transport public et ceux du transport individuel, afin de développer un système de mobilité à la demande, via la technologie du véhicule autonome », explique Marc Charlet, directeur général du pôle Mov’eo. En treize ans, Mov’eo s’est imposé comme un pôle majeur et particulièrement dynamique : implanté sur les deux seules régions Normandie et Île-de-France, il représente pourtant 70% de la R&D automobile française et plus de 1,6 milliard d’euros d’investissement.

Avec plus de 8 millions de déplacements de transports en commun par jour, les territoires Normandie et Île-de-France constituent par ailleurs l’un des premiers hubs de mobilité en Europe. Il compte 25 % des 440 000 emplois de la filière automobile « amont » et 575 000 véhicules y sont produits chaque année : en Seine-Maritime, l’usine Renault Cléon (près de 5 000 salariés) assure la production de moteurs (y compris électriques) et de boîtes de vitesses pour toute la gamme Renault, tandis que Renault Sandouville (2 000 salariés) fabrique le fourgon Renault Trafic. L’usine Renault de Dieppe fournit quant à elle, l’emblématique Alpine.

La Normandie veut devenir une « Mobility Valley française »

En juillet 2017, le pôle automobile normand est passé à la vitesse supérieure pour les véhicules autonomes, en créant un premier site d’expérimentation au sein du projet Tevac (Territoire d’expérimentation pour le véhicule autonome et connecté) dans le territoire de la Vallée de la Seine.

Une nouvelle étape est franchie en février 2019, avec la sélection de Mov’eo dans la 4e phase des pôles de compétitivité : « La phase IV est une formidable opportunité d’unir nos efforts pour que tous nos membres soient reconnus comme des pionniers créateurs de nouvelles formes de mobilité durables, sûres, efficientes et accessibles à tous, en France et l’international », reconnaît le président de Mov’eo, Rémi Bastien, qui ambitionne de faire de la vallée de la Seine, une véritable « Mobility Valley française ».

Quelques mois plus tard, le 4 juin dernier, l’assemblée générale de Mov’eo validait la fusion avec l’Association régionale des industries automobiles de Normandie (ARIA Normandie) et le Réseau Automobilité & Véhicules en Ile-de-France (RAVI). Objectif du nouvel ensemble : consolider la filière Automobile et Mobilité sur les Régions Normandie et Île-de-France, en regroupant les deux piliers de la compétitivité, l’innovation et l’excellence industrielle. A l’image de l’Ecosystem Cleon 4.0, porté par les grands donneurs d’ordres et des PME locales : le cluster de la région métropolitaine rouennaise permet à ses membres de partager leurs expériences et savoir-faire, afin d’augmenter l’attractivité du bassin économique via deux grands enjeux : la mobilité intelligente pour tous et l’industrie du futur.

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