Les ports normands parés pour le Brexit
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Les ports normands parés pour le Brexit

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Depuis l’annonce de la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, les ports normands mettent tout en œuvre pour être Brexit ready et garantir la fluidité des trafics transmanche. Les investissements se sont multipliés pour mettre les ports aux normes, dans la perspective d’un rétablissement des contrôles douaniers, vétérinaires, sanitaires et phytosanitaires.

Ports de Normandie et les services de l’Etat se sont organisés pour que le trafic puisse continuer de se dérouler dans les meilleures conditions sur les 3 ports de Caen-Ouistreham, Cherbourg et Dieppe — Photo : © Brittany Ferries

Au lendemain du référendum du 24 juin 2016, votant la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, les ports normands ont commencé à réfléchir à des solutions pour « amortir » une décision lourde de conséquences économiques. Car pour la Normandie, le trafic roulier transmanche de fret et de passagers constitue un enjeu crucial pour le développement du territoire.

Chaque année, ce sont plus d’1,7 million de passagers, 500 000 véhicules légers, et 200 000 poids lourds qui transitent entre la Grande-Bretagne et la France, via les terminaux transmanche de Ports de Normandie (Dieppe, Le Havre, Caen-Ouistreham, et Cherbourg). Pour le seul port de Caen-Ouistreham, 3e port transmanche de France, le Brexit concerne 1 million de passagers, 250 000 véhicules légers et 100 000 poids lourds, soit 2,7 millions de tonnes de marchandises.

De lourds investissements dans les ports

Pour gérer ces flux dans les meilleures conditions, Ports de Normandie et ses exploitants (la CCI de Caen Normandie sur Ouistreham, la SAS Port de Cherbourg et la Régie du Port de Dieppe), en lien avec les services des douanes, la police aux frontières et la DRAAF (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt), ont mis en place des installations.

Sauf au Havre, où elles existent déjà, il a fallu installer les structures pour accueillir les services des douanes, de police aux frontières, des PIF et PEC (Postes d’inspection frontalier et Points d’entrée communautaire) pour les contrôles phytosanitaires et ceux qui s’appliquent aux marchandises dangereuses, mais aussi de nouveaux bâtiments aménagés de manière à pouvoir accueillir les Services d’inspection vétérinaire et phytosanitaire (SIVEP). Il a aussi fallu prévoir des aires de stationnement supplémentaires, permettant de faire face à un temps de passage accru des véhicules, dû aux nouveaux contrôles.

Le montant de la facture, payée par les concessionnaires (CCI et Syndicat mixte), atteint 3 millions d’euros, dont 500 000 pour Caen-Ouistreham, autant pour Dieppe, et 2 millions pour Cherbourg. Ils seront remboursés par Ports de Normandie, gestionnaire et aménageur de ces trois établissements appartenant à la Région Normandie. L’ensemble de ces installations a reçu l’agrément des services européens.

Un soulagement pour la filière équine normande notamment : « Nous avions un double challenge à relever, souligne le président de la Région Normandie Hervé Morin : faire du Brexit une vraie opportunité de développement de nos trafics transmanche et maintenir la qualité de transport des végétaux et des animaux, et en particulier celui des chevaux, filière majeure de la Normandie. Près de 600 chevaux passent chaque année par les lignes Dieppe-Newhaven et Cherbourg-Poole, et environ 2 000 sur la ligne Ouistreham-Portsmouth. Ce sont des trafics essentiels à l’équilibre économique de ces lignes. »

La digitalisation des espaces portuaires constitue un enjeu de taille pour un passage de la marchandise plus rapide, efficace, intelligent, et sécurisé. Ici, les Terminaux de Normandie au Port du Havre. — Photo : R.Q

Digitalisation des opérations portuaires chez Soget

Pour optimiser la fluidité des opérations portuaires, Soget, spécialisé dans le Port Community System et installé au Havre, a mis en place un système baptisé EasyBrexit. Pour Hervé Cornède, directeur général de Soget, il s’agit « de transformer l’inquiétude des futures obligations issues du Brexit en opportunités stratégiques, via notre nouvelle plate-forme neutre et communautaire d’échanges sécurisés d’informations. »

Le Port Community System (PCS) de Soget gère déjà les mouvements de compagnies ferries et les armateurs rouliers transmanche aux ports de Caen-Ouistreham, Calais ou encore Le Havre. Avec EasyBrexit, Soget étend son expertise du traitement numérique du conteneur à toutes les typologies de marchandises. « Le partage anticipé des informations liées aux marchandises dans EasyBrexit permettra de franchir sans contrôle physique systématique les postes frontières portuaires », ajoute Olivier Jean-Degauchy, directeur Innovation chez Soget.

Anticiper et informer pour les expatriés et les touristes

Dans un souci d’information et pour mieux anticiper les obstacles futurs aux frontières, les collectivités (Région, CCI, Douanes…) et les réseaux de chefs d’entreprise multiplient les réunions en direction des entreprises et des expatriés britanniques permanents (ils sont plus de 7 500 en Normandie). Pour Matthew Lodge, ambassadeur du Royaume-Uni et ministre plénipotentiaire en déplacement à Caen récemment, « il est capital de protéger la fluidité des échanges commerciaux et touristiques, mais aussi de rassurer les Britanniques installés en France ».

De même, l’inquiétude est de mise côté tourisme : « Nous constatons malheureusement une lente érosion des touristes britanniques, inquiets à la pensée des nouvelles formalités à remplir aux frontières, mais aussi freinés par la chute de la valeur de la livre sterling », confirme Michaël Dodds, président de Normandie Tourisme, qui l'assure : « C’est le moment ou jamais de se serrer les coudes entre offices de tourisme, pour retenir et attirer la clientèle anglaise. »

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