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François Thuilleur : "Nous allons former un groupe familial numéro un de l’hygiène professionnelle en France"
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François Thuilleur président du groupe Paredes-Orapi "Nous allons former un groupe familial numéro un de l’hygiène professionnelle en France"

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En reprenant son concurrent Orapi, Paredes devient le leader français de l’hygiène professionnelle pour les entreprises et collectivités. François Thuilleur, président du nouveau groupe explique comment il a orchestré son OPA amicale sur Orapi, une entreprise plus importante que la sienne et quelles synergies il compte opérer entre les deux entités.

Guy Chifflot, fondateur d’Orapi et François Thuilleur, PDG de Paredes — Photo : DR

Quelles ont été les principales étapes de votre rapprochement avec Orapi ?

Nous nous connaissions avec le fondateur, Guy Chifflot, depuis un certain temps. On se disait qu’à nous deux, on pourrait créer un groupe de l’hygiène professionnelle pesant 500 millions d’euros, doté du potentiel de devenir leader en France. À ce moment-là, aucun de nous ne connaissait l’issue.

Guy Chifflot m’a approché en février 2023 pour me dire qu’il était cette fois vraiment vendeur, à condition que cela puisse se faire dans le cadre d’un projet d’entreprise qui resterait à capitaux majoritairement familiaux. Au terme d’une période d’audits, Paredes (650 salariés ; 215 M€ de CA en 2022) implanté à Genas (Rhône) a repris le bloc de la famille Chifflot, soit près de 35 % du capital, le 19 octobre. Paredes a versé près de 27 millions d’euros pour cette prise de participation en actions et obligations.

Les négociations ont été plus longues avec l’autre actionnaire d’Orapi, Kartesia, fonds de restructuring luxembourgeois entré à son capital en 2020 alors que l’entreprise était fortement endettée. Kartesia détient 29,8 % du capital. Pour les convaincre, j’ai dû revoir à la hausse mon offre de rachat. Nous sommes finalement arrivés à un accord le 4 août et j’ai été nommé président du conseil de surveillance d’Orapi (1 000 salariés ; 230 M€ de CA en 2022) le 24 octobre.

Comment allez-vous financer le rachat et quelle sera à terme la structure de l’actionnariat ?

Nous allons financer le rachat à 75 % par un emprunt auprès de CIC Lyonnaise de banque et Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et pour la première fois, nous ouvrons notre capital à un fonds, BNP développement, qui détiendra 13 % du capital du nouvel ensemble. Nous restons une entreprise très majoritairement familiale puisque 87 % du capital reste entre les mains de la famille Paredes, de moi-même, des managers et des collaborateurs. Pour mémoire, deux tiers des salariés de Paredes sont actionnaires de l’entreprise. Nous avons déjà la garantie de réunir 65 % du capital d’Orapi, pas loin des deux tiers.

Comment comptez-vous contribuer à la réindustrialisation de la France ?

Il y a quelques années, nous étions perçus comme un peu " ringards " avec nos usines en France mais aujourd’hui, c’est parce que nous produisons dans l’Hexagone que nous pouvons livrer en boucle courte. Nos clients apprécient de pouvoir acheter français, des produits de surcroît majoritairement écolabellisés, dans un secteur d’activité où de nombreux fournisseurs ont délocalisé. Nous allons également continuer notre développement dans le nord-ouest de l’Hexagone, de la Basse-Normandie jusqu’aux Pays de la Loire. Paredes vient en effet d''investir 6 millions d’euros dans une plateforme logistique de 6 000 m2 à Bréal-sous-Montfort, à proximité de Rennes. Ce nouveau site sera une tête de pont pour mettre en œuvre des synergies entre nos entreprises.

Par ailleurs, nous nous sommes engagés auprès de l’État et de la Région, à maintenir, voire à développer nos emplois en France, à privilégier le marché local pour certains de nos produits utiles en cas de pandémie (masques pour les hôpitaux, gels hydroalcooliques, etc.). Enfin, nos actionnaires resteront domiciliés fiscalement en France.

Quels sont les principaux sites du nouveau groupe Paredes-Orapi (1 600 collaborateurs, dont 1 200 en France ; plus de 450 M€ de CA en 2023) ?

Nous avons 4 usines dans la région et toute la R & D. Orapi formule plus de 1 200 produits chimiques détergents à Saint-Vulbas (Ain) et des lessives et tablettes pour lave-vaisselle sur son site de Vénissieux (Rhône). De son côté, Paredes fabrique de la ouate (papier essuie-tout et toilette, etc.) et différentes références de savons dans son usine de Genas (Rhône). Nous hébergeons également Paredes Blue Lab, une nouvelle entité porteuse d’une technologie de lavage du linge à base d’eau ozonée, qui économise l’eau, l’énergie et la lessive. On vise une capacité de production de 4 000 machines par an essentiellement destinées aux marchés des hôpitaux et des Ehpad.

Quelles synergies comptez-vous mettre en œuvre entre Paredes et Orapi ?

Pendant un an, je vais animer en parallèle les deux Comex, pour nous donner le temps de réorganiser l’ensemble. Les Comex fusionneront ensuite. Concernant les savoir-faire, l’idée est de prendre le meilleur de chaque société. Ainsi, par exemple, Orapi est très bien implanté sur les marchés du CHR (Café Hôtel Restaurant) et des collectivités territoriales, des secteurs où Paredes est peu présent. Nous avions abandonné le secteur du CHR par manque de rentabilité parce que nous ne produisions pas la chimie. Paredes, en revanche, dispose de positions très fortes dans le domaine de la santé (45 % du CA) et de l’industrie (35 % du CA) et a déjà une bonne expertise en RSE qui pourra être dupliquée.

Par ailleurs, Paredes va commander 15 millions d’euros de produits détergents et désinfectants par an à l’usine d’Orapi. De son côté, Orapi va acheter à Paredes pour un montant équivalent de produits à base de ouate. Nous allons créer une soixantaine d’emplois à Genas et à Saint-Vulbas à terme, et travailler désormais, en 2/8 voire en 3/8. Enfin, à deux, nous disposons d’un meilleur pouvoir de négociation sur nos achats conjoints dont le montant annuel s’élève à 230 millions d’euros.

Quelle stratégie d’ensemble allez-vous déployer pour le nouveau groupe ?

Nous allons mettre en œuvre une politique d’intégration verticale en produisant une part croissante des produits d’hygiène que nous distribuons. D’ici 2026, près de 50 % de nos ventes proviendront de la production de nos usines. Aujourd’hui, Paredes, par exemple, réalise encore 70 % de son chiffre en tant que distributeur.

Nous avons aussi l’ambition de devenir leader européen de l’hygiène professionnelle d’ici 10 ans. Nous avons encore du chemin à parcourir parce que nous ne réalisons que 10 % de nos ventes à l’international. Nous allons nous lancer dans une politique d’acquisitions de distributeurs en Europe pour suivre nos grands clients (pharmacies, Ehpad, cliniques, etc.) en Belgique, en Suisse, ou en Allemagne par exemple.

Comment allez-vous financer ces investissements ?

Nous sommes positionnés sur des marchés très porteurs pour nos trois spécialités, que sont l’essuyage, les produits chimiques (tels que les produits lessiviels, les désinfectants, et les détergents) et les équipements de protection individuelle (EPI). Nous bénéficions de deux boosters de croissance : le vieillissement de la population, d’une part, qui fait croître les besoins des Ehpad et des hôpitaux et le renforcement des normes d’hygiène, de l’autre, notamment pour les industriels de l’agroalimentaire. Par ailleurs, en dehors des économies d’échelle que nous allons réaliser, nous disposons conjointement de 25 millions d’euros d’Ebitda qui nous permettront de financer nos acquisitions.

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