Le lin normand à la conquête du marché des composites
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Le lin normand à la conquête du marché des composites

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Première région mondiale de production de lin fibre longue avec plus de 50% des récoltes totales, la Normandie est également devenue spécialiste dans la production de lin technique pour composites. A l'heure de la prochaine récolte de l'été, plongeons dans ce marché en devenir pour lequel les entreprises normandes veulent être à l’avant-garde.

Bâtiment, navire, automobile, médical, etc. : le lin normand compte bien s'imposer dans des pans entiers de l'industrie mondiale. — Photo : Dehondt

Matière naturelle et élégante lorsqu’elle sert à la confection de pièces de vêtements, le lin est un trésor normand dont les qualités et propriétés vont bien au-delà de la fibre textile. En effet, les composites à base de fibres naturelles sont des matériaux qui se révèlent compétitifs pour développer des applications permettant de réduire le poids et l’impact environnemental, notamment face à des concurrents composites réalisés en fibres de verre et carbone. Un avantage bien compris par Dedienne Multiplasturgy Group (Saint-Aubin-sur-Gaillon) qui a mis en place une direction dédiée au développement du lin technique composite. « Nous essayons de placer la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre dans une stratégie d’allègement et d’introduction de pièces végétales dans les éléments composites. L’idée est de se tourner vers les écomatériaux avec l’avantage pour le lin d’être aussi résistant que le verre mais avec une densité plus faible et d’excellentes performances mécaniques », explique Fabrice Dupas, directeur développement de Dedienne Multiplasturgy. Des qualités longtemps inexploitées mais remises au goût du jour avec la hausse constante de la demande en matériaux éco-durables. Là aussi, le lin présente l’avantage d’être facilement recyclable, au contraire de la fibre de verre. « Si l’on broie un matériau fabriqué à partir d’une résine thermoplastique avec du lin, on peut le réutiliser en injection plastique. À l’inverse, il est compliqué de recycler des matériaux avec du verre », souligne Fabrice Dupas.

Fiabiliser la technologie et convaincre

Le lin en Normandie, un marché en devenir — Photo : © Pixabay

Récente sur le marché des composites, la fibre de lin doit faire ses preuves pour convaincre les donneurs d’ordres. Pour cela, Fimalin, la filière lin technique composites normande dédiée à l’industrie, a mis en place le système de certification Qualiflax en s'associant avec Afnor Certification, afin de garantir une performance technique constante, la fiabilité de l’approvisionnement et le contrôle des prix. Pour obtenir cette qualité, les fibres de lin ne sont pas les mêmes que celles utilisées dans le domaine textile et les techniques de récoltes différentes. Ainsi, Dedienne a réalisé un travail de sélection variétale en collaboration avec la coopérative agricole Terre de Lin, révèle Fabrice Dupas : « Le textile recherche de la finesse de fibre, le lin technique de la résistance mécanique. Il nous faut donc une certaine longueur de fil. Le travail de récolte n’est pas le même, c’est un travail d’extraction de la fibre spécifique, destiné à conserver les propriétés mécaniques du lin, la finesse et la ténacité ». Si pour l’instant le chiffre d’affaires lié au lin technique reste modeste pour Dedienne avec un peu moins d’un million d’euros sur 67 millions d’euros de chiffre d’affaires (440 salariés), son PDG, Pierre-Jean Leduc, croit fortement en l’avenir de cette fibre : « Nous avons mis en place une équipe dédiée, réalisé une gamme de produits, nous faisons des salons. Nous pensons que c’est dans l’air du temps, mais il faut convaincre. Petit à petit des clients comme Alstom commencent à vouloir remplacer la fibre de verre par du lin sur certains éléments. C’est une tendance qui va prendre ».

Des applications concrètes et inattendues

Éléments de construction dans le domaine du bâtiment (cloisons, planchers) réalisés en fibre de lin pour ses qualités d’absorption chimique et acoustique, cloisons de bateaux, panneaux structurants pour coffres dans l’automobile, pièces pour le domaine médical (fabrication d’éléments de confort), ou encore pour le sport et les loisirs (pour les caractéristiques de vibration du lin intégré dans des chaussures ou des casques)… Nombreuses sont les applications possibles pour la fibre de lin, comme chez Ecotechnilin (groupe Cap Seine, à Valliquerville), fabricant de produits non-tissés à base de fibres naturelles et spécialisé dans la fabrication de pièces pour véhicules (panneaux de portes, tableau de bord, isolant moteur). Une entreprise qui a choisi de se diversifier pour tirer profit des qualités du lin technique, explique Karim Behlouli, directeur général du pôle lin du groupe Cap Seine : « Nous avons notamment mis au point un isolant acoustique sous parquet flottant ». L’entreprise a également collaboré avec l’entreprise Pearl (Limoges) sur le projet d’un filtre (Biosorb) pour capter les métaux lourds à destination de l’industrie, de la chimie et de l’agriculture, et primé par le ministère de l’Agriculture : « Biosorb est à base de lin technique et d’écorce de bois 100 % biosourcé. Nous avons l’exclusivité de fabrication et nous lançons la commercialisation. Une technique quatre à cinq fois moins cher que les techniques de filtration d’eau », se félicite Karim Behlouli. Toujours à la recherche de légèreté pour ses gammes de produits, Ecotechnilin s’est récemment lancée dans le projet collaboratif Nepflax, un travail sur trois ans avec Lineo (pôle lin du groupe Cap Seine) et l’université de Caen. « L’objectif est de mettre au point un voile de fibre léger et abordable pour la conception des pavillons de voiture jusqu’ici fabriqués en fibre de verre ». Les composites historiques n’ont plus qu’à bien se tenir.

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