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Le groupe Bodet maîtrise le temps depuis plus de 150 ans
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Le groupe Bodet maîtrise le temps depuis plus de 150 ans

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À Cholet, le groupe familial Bodet vient de franchir la barre des 1 000 salariés. Avec à sa tête la cinquième génération de la famille, il mène depuis plus de 150 ans des activités qui se rejoignent autour d’un même domaine : la mesure du temps, de la traditionnelle horloge d’église au logiciel de pointe pour les services de ressources humaines.

Le chronométrage sportif, développé par le groupe Bodet dans les années soixante-dix, a apporté sa notoriété à l’entreprise — Photo : Groupe Bodet

L’abbé Thuillier, curé de Trémentines en 1868, ne saura jamais qu’il a un peu contribué à l’histoire du groupe Bodet. Cette année-là, le conseil municipal de la commune choletaise décide de l’installation d’une horloge dans le clocher de sa nouvelle église. Et le curé de déclarer : "Paul, cette horloge, tu vas la faire !" Paul, c’est Paul Bodet, menuisier-ébéniste dans le village. Curieux et passionné de mécanique, il se forme alors à l’horlogerie et installe cette fameuse horloge, toute première réalisation à l’origine de l’aventure Bodet.

15 novembre 1868: le Conseil municipal de Trémentines commande à Paul Bodet une horloge pour l'église du village. C'est le début de l'aventure — Photo : Groupe Bodet

156 ans plus tard, Pascal Bodet préside le groupe familial. De 1868 à 2024, de Paul à Pascal, cinq générations de dirigeants se sont succédé, de père en fils. Et récemment, le groupe a franchi la barre symbolique des 1 000 collaborateurs.

Des horloges pour les églises

Retour en 1868 : de Trémentines, Paul Bodet étend son activité aux villages alentour, jusqu’en 1918 où lui succède son fils Emmanuel.

Le campanaire a été la première activité de Bodet. Elle est toujours présente dans le groupe — Photo : Groupe Bodet

"Les deux premières générations ont été installateurs d’horloges dans les églises, raconte Jean-Pierre Bodet, quatrième du nom qui dirigea la société familiale de 1992 à 2016 et conserve aujourd’hui la fonction de directeur général délégué. De 1940 à 1944, l’activité s’est arrêtée, et mon grand-père avait un magasin d’horlogerie dans le bourg de Trémentines."

La fée électricité active les cloches

Au sortir de la guerre, Pierre Bodet prend la suite. Ingénieur des Arts et Métiers, il relance l’installation d’horloges dans les édifices religieux et surtout développe une nouvelle activité : l’électrification des cloches d’église, jusqu’alors sonnées à la main.

"Le marché a explosé, relate Jean-Pierre Bodet. Mon père a commencé seul, puis l’entreprise a rapidement compté 10, 20, puis 50 salariés." En 2024, l’activité campanaire existe toujours au sein du groupe Bodet et est même repartie en croissance depuis une douzaine d’années. Le groupe assure en effet l’entretien des horloges et des systèmes de sonnerie dans environ 15 000 des quelque 42 000 églises de l’Hexagone. Et il a même une activité on ne peut plus traditionnelle : la réparation des cloches, qu’il est le seul à effectuer en France.

Nécessaire diversification dans les années 70

À partir de 1955, l’entreprise a aussi fabriqué ses propres horloges. Un atout à l’aube des années soixante-dix, car Pierre Bodet sait que le campanaire ne suffira pas pour entretenir l’expansion de la PME familiale. "Il a alors fabriqué des horloges pour les établissements scolaires et rapidement aussi pour les entreprises, indique Jean-Pierre Bodet, au départ dans l’Ouest puis dans toute la France." C’est alors pour Bodet, spécialiste du campanaire depuis déjà un siècle, le début de la diversification.

Ouverture au sport et premiers chronomètres

En 1973, Jean-Pierre Bodet entre à son tour dans l’entreprise familiale. Ingénieur en électronique, il va développer l’activité des chronomètres sportifs tout juste naissante.

Entré en 1973, Jean-Pierre Bodet a dirigé le groupe familial de 1992 à 2016. Il en est encore le directeur général délégué — Photo : Etienne Lizambard

"Nous avons lancé dès 1974 les premiers chronomètres à décompte électronique dans les salles de sport", explique-t-il. Au-delà du chronométrage sportif, Bodet s’ouvre aussi à l’enseignement, l’industrie ou la santé, avec des horloges pour les entreprises ou les établissements de soins. Et suit l’évolution des technologies, les lampes, puis les leds succédant aux aiguilles : "On a dû innover sans cesse, ajoute Jean-Pierre Bodet, car bien souvent un produit ne dure guère plus de 20 ans." Le chronométrage sportif, commercialisé aujourd’hui pour moitié hors de France, a permis de booster l’expansion de Bodet à l’export, qui était déjà présent sur les marchés étrangers depuis le milieu des années soixante-dix avec des horloges électriques à chiffres sautants ou à palettes. Il a aussi contribué fortement à la notoriété du nom de l’entreprise.

Trois filiales aujourd’hui

Horloges et affichage sportif sont désormais réunis dans l’une des filiales du groupe, Bodet Time Sport (27 M€ de CA 2022), aux côtés de Bodet Campanaire et d’une autre entité, Kelio, qui s’appelait jusqu’en 2022 Bodet Software. Initié en 1983 pour gérer le temps de travail en entreprise, le premier logiciel Bodet est sorti en 1987 : "Nous étions les premiers en France à faire de la gestion du temps sur ordinateur, explique Jean-Pierre Bodet. Nous avons commencé en France puis en Belgique, avant de nous tourner vers des distributeurs pour l’export. "

Logiciels de gestion RH pour la France et l’export

Avec plus de 68 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, dont 50 % à l’international, l’activité de logiciels, installée à Cholet en 1998, pèse plus de la moitié de l’activité du groupe et emploie environ 550 personnes, avec 6 filiales à l’étranger.

Kelio, la filiale dédiée aux solutions SIRH, représente plus de la moitié du chiffre d'affaires du groupe — Photo : Groupe Bodet

"Kelio a véritablement pris son essor à partir de 2012 et l’arrivée de son directeur général Eric Ruty, confie Jean-Pierre Bodet. Il a eu la vision de proposer des logiciels complets gérant l’ensemble des ressources humaines, et nous sommes aujourd’hui leader dans ce domaine." À Cholet, à côté de Kelio, le groupe Bodet, qui a atteint 126 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, a installé son siège social en 2018. Autour, ont aussi été acquis plusieurs bâtiments. "Cela permettra de grandir dans les dix prochaines années, affirme Jean-Pierre Bodet. Si on n’a pas d’ambition, ce n’est pas intéressant."

En attendant de grandir à Cholet, c’est bien à Trémentines que le groupe familial mène son prochain projet d’envergure. Comme pour mieux réaffirmer ses origines, il va y faire construire un nouveau site pour son activité originelle, le campanaire, qui emploie 120 personnes pour un chiffre d’affaires de 15,8 millions d’euros en 2022. Les travaux débuteront à l’automne 2024 et le déménagement est prévu pour le second semestre 2025. Bodet, le maître du temps, sera alors à l’aube de ses 160 ans.

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