Haut-Rhin
La scierie Schilliger Bois à l’assaut du marché des grands bâtiments
Haut-Rhin # BTP # Production

La scierie Schilliger Bois à l’assaut du marché des grands bâtiments

S'abonner

La scierie haut-rhinoise Schilliger Bois va investir 28 millions d’euros dans une nouvelle unité de fabrication pour les panneaux multi-plis de construction (CLT). Elle veut se lancer sur le marché en croissance de la construction des grands bâtiments en bois.

Stéphane Muller, le directeur général de Schilliger Bois à Volgelsheim, dans le Haut-Rhin, veut multiplier la production de panneaux multi-plis de construction (CLT) du site par dix — Photo : Charlotte Stiévenard

Schilliger Bois parie gros sur l'essor des panneaux multi-plis de construction ou CLT (Cross laminated timber). Alors qu'il en fabriquait en toutes petites quantités depuis 2015, l'industriel de Volgelsheim, dans le Haut-Rhin, investit 28 millions d’euros pour multiplier sa capacité de production pour ces produits par dix. Réalisés grâce au collage de plusieurs couches de bois, ces panneaux de CLT sont particulièrement résistants. Assemblés sous forme de pans de mur ou de planchers, ils sont ensuite directement posés sur les chantiers.

En 2021, Schilliger Bois a réalisé 54 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 120 collaborateurs. Il vise les 65 millions d’euros cette année, "portée par l’augmentation de la production liée au marché du bois, mais aussi grâce à des améliorations de productivité et l’augmentation du prix de l’énergie", estime Stéphane Muller, le directeur général. La PME réalise 50 % de son chiffre d’affaires grâce au bois de construction (séché sur place), 30 % proviennent de la production d’emballages (caisserie, coffrage, palettes) et 20 % des plaquettes et sciures de bois utilisées dans les chaufferies.

D’après Stéphane Muller, "les murs en CLT sont moins épais pour la même isolation en comparaison au béton" — Photo : Charlotte Stiévenard

La scierie haut-rhinoise est une filiale du groupe suisse Schilliger Holz AG (350 collaborateurs, 130 millions d'euros de chiffre d'affaires), fondé en 1861. Ce dernier compte également deux autres sites de production en Suisse, dont l'un d'eux produit des panneaux CLT depuis 1999. La scierie de Volgelsheim a été ouverte en 2001 par la société Klenk, puis reprise en 2009 par le groupe suisse. Elle s'étend sur un terrain de 22 hectares.

50 000 m³ de panneaux CLT par an

L’investissement de 28 millions d’euros devrait permettre à Schilliger Bois d’atteindre les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025. La société prévoit l’installation de sa nouvelle ligne de production pour les CLT dans un hangar de 20 000 m² existant. Les nouvelles machines seront hydrauliques et automatisées, contrairement aux machines existantes qui fonctionnent grâce à une presse sous-vide et ne permettent de produire que 8 000 m³ par an.

"Nous devrions passer au minimum à 50 000 m³ annuels grâce à la mise en place d’une deuxième équipe", estime le dirigeant. La capacité actuelle totale du site, toutes productions confondues, est de 300 000 m³ de bois par an. Les travaux sont prévus de novembre 2022 à juin 2023. La société va recruter une quinzaine de collaborateurs dans un premier temps pour accompagner cet investissement. Une tâche difficile sur un marché tendu. "Deux salariés sur trois sont formés chez nous", indique Stéphane Muller.

Des produits dédiés aux gros projets

"Ces panneaux en lamellé-collé sont principalement utilisés pour de gros projets", dévoile le dirigeant, comme la construction d’un lycée à Bilbao, en Espagne, d’un bâtiment de huit étages à Monaco ou encore pour de futurs bâtiments des Jeux olympiques d’été 2024 à Paris. Les petits projets, comme les maisons individuelles, ne représentent que 30 % des projets de Schilliger Bois avec le CLT.

Sur son site, Schilliger Bois à Volgelsheim, stocke jusqu’à 20 000 grumes (troncs d’arbres) — Photo : Charlotte Stiévenard

"Nous pensons que ce produit va se développer avec les nouvelles réglementations environnementales et de transition écologique", estime le directeur général du site. La norme RE 2020 durcit la réglementation thermique et environnementale pour les nouveaux bâtiments, en améliorant leur performance thermique et en réduisant leur impact carbone. "Ce produit isole mieux que le bois massif", précise le dirigeant.

"De plus, il y a une demande de plus en plus importante en logements sains depuis la crise sanitaire et c’est la même chose du côté des collectivités", estime-t-il. Schilliger Bois travaille avec des négoces spécialisés en bois, des charpentiers, des industriels et des architectes et promoteurs. "Les quatre clientèles ont augmenté mais, depuis deux ou trois ans, des architectes et des promoteurs ont commencé à nous contacter, notamment pour des projets de bâtiments en ville", indique Stéphane Muller.

Mise en oeuvre rapide

Selon le dirigeant, qui a auparavant travaillé dans la métallurgie, "ce qui est également intéressant avec le bois, c’est que l’on gagne en mètres carrés. Les murs sont moins épais pour la même isolation en comparaison au béton. De plus, ce matériau est moins lourd, cela permet d’ajouter des étages sur les bâtiments existants. Enfin, la mise en œuvre est très rapide, deux mois contre six mois pour un chantier classique". Ce matériau répond donc à la nécessité de construire en hauteur liée au manque de foncier. "Avec les CLT, on peut construire des bâtiments de 10 à 20 étages", estime le directeur général. En Norvège, un bâtiment de 85 mètres de haut et 30 étages fait figure d’exemple dans le monde. "En France, le plus grand fait 13 étages", appuie Stéphane Muller.

Tout cela a, cependant, un coût. "Un projet en bois est entre 0 et 10 % plus cher que le béton et l’acier, mais avec l’augmentation de ces matières premières, cette différence s’est amoindrie", indique-t-il. Concernant l’augmentation qui a touché le bois, "elle a cessé il y a six mois et il n’y a pas de pénurie sur la matière première en forêt", estime cet industriel, qui compte près de 20 000 grumes (troncs) en stock sur son terrain, soit l’équivalent de trois semaines de production, et qui en a 100 000 en réserve en forêt. "Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez d’outils de production, d’entreprises industrielles pour traiter ce bois, déplore Stéphane Muller. Depuis vingt ans, beaucoup de scieries ont fermé, mais la demande est de plus en plus forte." En témoigne son carnet de commandes. Jouissant habituellement d'une visibilité sur huit semaines, l'industriel a déjà cette année des projets pour 2023 et 2024 dans les tiroirs.

Les panneaux multi-plis de construction (CLT - Cross laminated timber) sont utilisés, notamment, pour ériger des immeubles en bois — Photo : Charlotte Stiévenard

Avant la crise du coronavirus, la société travaillait avec les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Asie, le Moyen-Orient et un peu le Maghreb, notamment grâce au port de Colmar Neuf-Brisach tout proche. "Suite à la crise sanitaire et à la crise en Ukraine, il y a eu des problèmes de transport. Nous avons décidé de rester sur les marchés locaux car il y avait assez de demande", explique le directeur général. Aujourd’hui, 75 % des volumes produits par Schilliger Bois à Volgelsheim partent vers la France, le reste vers l’Espagne, le Portugal, l’Italie et l’Allemagne.

Haut-Rhin # BTP # Industrie # Banque # Production # Investissement
Fiche entreprise
Retrouvez toutes les informations sur l’entreprise SCHILLIGER BOIS