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La Bulgarie ouvre les bras aux entrepreneurs bretons
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La Bulgarie ouvre les bras aux entrepreneurs bretons

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Véritable carrefour au centre de l’Europe du Sud-Est, la Bulgarie est un point de connexion de l’Europe vers plus de 1,3 milliard de clients. Cet ancien pays communiste, aujourd’hui tourné vers l’économie de marché, se développe, comme ont pu le constater 120 chefs d’entreprise bretons présents lors des rencontres internationales du Medef 35, mi-octobre, à Sofia. Des opportunités commerciales sont à saisir.

Des entrepreneurs bretons en visite chez l’entreprise de construction Top House, à Sofia. Le Medef 35 a embarqué 120 entrepreneurs pour ses rencontres internationales en Bulgarie — Photo : Baptiste Coupin

Découvrir la Bulgarie dans le cadre du voyage d’affaires du Medef 35 à Sofia, sa capitale, c’est déjà se voir refuser l’accès d’une fabrique de billets de banque, au rang de la dizaine d’entreprises locales visitées par la délégation bretonne. La presse ne rentre pas dans ce genre de sites comme chez le laitier bulgare. Dommage, ladite fabrique de billets a quelque chose de singulier : elle est bretonne. Ou presque. L’imprimerie de la banque centrale bulgare (BNB) est l’un des trois sites de production européens d’Oberthur Fiduciaire. Oberthur fait référence à François-Charles Oberthur, qui créa l’imprimerie Oberthur de Rennes en 1842. Oberthur Fiduciaire, issu de cette histoire, est spécialisé dans la production de billets de banque, de papier fiduciaire et de documents sécurisés. L’imprimeur de haute sécurité fournit les gouvernements et les banques centrales dans plus de 70 pays… dont la Bulgarie. "Oberthur est une vraie success story ici. L’entreprise emploie quelque 300 collaborateurs", rend compte Emmanuelle Boulestreau, cheffe du service économique à l’ambassade de France. On n’en saura pas plus. Une poignée d’entrepreneurs bretons ont pu visiter cette "casa de papel", avec pour consigne de ne rien dévoiler sur son fonctionnement.

Une destination méconnue

On ira donc voir ailleurs les entreprises productives dans ce pays des Balkans, situé aux confins de la Roumanie, de la Serbie, de la Macédoine du Nord, de la Grèce et de la Turquie. Les chefs d’entreprise bretons ont tout à découvrir.

Vue de Sofia, avec en arrière plan le parlement bulgare. La capitale bulgare est le cœur économique et social du pays — Photo : Baptiste Coupin

"D’habitude, sur les voyages du Medef 35, je questionne toujours mes interlocuteurs de la tech sur les destinations où nous nous rendons pour savoir s’il y a des Français porteurs de projets à rencontrer. Cette fois-ci, j’arrive avec zéro contact", expose Stéphane Bunouf, dirigeant du groupe rennais Asteryos (expert en financement des entreprises innovantes), un habitué des rencontres internationales. "La France est bien connue en Bulgarie, mais malheureusement l’inverse n’est pas vrai", semble lui donner raison le Premier ministre bulgare Nikolaï Denkov, présent lors du dîner de gala avec la vice-présidente du pays, Iliana Iotova. L’importante délégation du Medef 35 (quelque 120 dirigeants bretons présents cette fois-ci) ne passe jamais inaperçue là où elle passe. Et pour son 22e voyage d’affaires, qui s’est tenu du 11 au 13 octobre 2023, elle a reçu un accueil en fanfare. Il faut dire que la France a été un partenaire clé de l’adhésion de la Bulgarie à l’Union Européenne, en 2007. Une entrée dans l’UE qui a permis à Sofia de gagner en liberté, en sécurité et en État de droit, "après des années de communisme sévère" dixit un patron bulgare. Si la Bulgarie fait figure de petit Poucet économique de l’Europe avec un PIB à 85 milliards d’euros en 2022 (soit à peine le budget d’un plan de relance en France), le pays cherche à rattraper son retard. C’est la plus forte croissance industrielle au sein de l’UE : +20,2 % en 2022. Et pour accélérer son développement, le gouvernement pro-occidental au pouvoir affiche comme intention d’intégrer l’espace Schengen et la zone euro.

Du yaourt bulgare aux nouvelles technologies

L’agriculture bulgare - et son fameux yaourt - serait un raccourci bien rapide sur que peut bien avoir à offrir ce petit pays de 6,5 millions d’habitants. Ses fers de lance économiques sont aujourd’hui le numérique, l’aérospatiale, le textile ou les industries alimentaires. En découvrant différents sites industriels à Sofia ou Plovdiv, la seconde plus grande ville bulgare, les entrepreneurs bretons ont pu se rendre compte que la Bulgarie n’était en rien distancée par d’autres pays européens au plan des technologies. Exemple, chez Top House, à Sofia. Cette société de 1 000 salariés est une entreprise clé dans le domaine de la fabrication de containers multifonctionnels et de maisons modulaires. Disposant d’une base industrielle de 30 000 m² et d’appareils automatisés pour la découpe de ses éléments de structure, l’entreprise fabrique plus de 5 000 m² de surface constructible par mois, qu’elle exporte dans toute l’Europe. En France, Bouygues, Eiffage ou Vinci font partie de ses clients. "Au niveau de la qualité et des délais, nous sommes meilleurs que nos concurrents européens et au niveau du prix, nous sommes deux fois moins chers", sourit Valentin Ubitanov, le président du groupe. Une raison à cet avantage compétitif : la Bulgarie est le champion toutes catégories en matière d’efficience salariale en Europe, grâce à des taux de prélèvement sociaux faibles et surtout plafonnés. La société Capasca Group, fabricant de vêtements haut de gamme, a aussi marqué les esprits par son degré d’innovation. L’entreprise, qui compte 4 usines en Bulgarie du nord, est un partenaire privilégié des marques de luxe françaises (Maje, Claudie Pierlot, Comptoir des Cotonniers…). Inventive, cette ETI de 800 salariés a mis au point un logiciel qui lui permet de suivre ses ouvrières de production en temps réel, à différentes étapes de la fabrication du vêtement. Comme cela, elle a doublé sa capacité de production.

Cathy Vallée, créatrice de la marque bretonne Katsize, en visite chez Capasca Group, à Sofia — Photo : Baptiste Coupin

La Brestoise Cathy Vallée, à la tête d’une entreprise bretonne dédiée à la confection textile personnalisée (Katsize), est repartie avec la carte de visite du dirigeant, Marin Kojouharov. L’entrepreneuse qui a commencé à regarder en Turquie les prix d’un sous-traitant va s’interroger sur la pertinence de travailler avec la Bulgarie.

Des liens économiques en marche

Plusieurs entreprises bretonnes n’ont pas attendu le voyage du Medef 35 pour nouer des liens économiques et commerciaux avec Sofia. C’est le cas de Groupe Royer (habillement), Lacroix Sofrel (électronique), Procopi (fabrication d’éléments en matière plastique) ou Innoval (élevage), à Noyal-sur-Vilaine. Le groupe industriel bretillien Cabsoc (180 salariés, 53 M€ de CA en consolidé) aussi est de ceux-là. La Bulgarie est le premier pays fournisseur de Socah Hydraulique, entreprise du groupe spécialisée dans le négoce de systèmes hydrauliques pour les entreprises agricoles (vérins, moteurs, distributeurs…). La PME s’approvisionne auprès d’un industriel installé à Kazanlak, à l’est de Sofia. "C’est aux portes de l’Europe. Ça n’est pas loin, le flux logistique est facile à mettre en œuvre", rend compte Benoît Cabanis, PDG de Cabsoc, qui n’a pas manqué d’aller voir son partenaire, en marge du voyage du Medef 35.

Benoît Cabanis, PDG de Cabsoc Group. Sa filiale Socah Hydraulique se fournit chez un industriel bulgare — Photo : Baptiste Coupin

Dans sa période de transition, la Bulgarie traîne encore des boulets. Son instabilité politique en est une (5 élections législatives en deux ans). Dans cet ancien pays du bloc de l’Est, les réseaux mafieux lui font aussi du tort. En 2022, la Bulgarie figure à l’avant-dernière place de l’UE en matière de corruption, selon le classement de l’ONG Transparency International. Pour autant, les dirigeants d’entreprises françaises qui ont eu à développer des affaires ici ne semblent pas avoir été inquiétés. "J’ai entendu beaucoup de légendes, je n’ai jamais rencontré cela", tranche Miroslav Konstantinov, directeur Europe de M2Prom (Groupe Lindera). "Nous mettons tout en œuvre pour pouvoir exploiter notre formidable potentiel. Nous voulons rendre la Bulgarie attrayante. Vous pouvez compter sur le soutien du gouvernement", rassure le Premier ministre bulgare.

Nouvelle ère de coopération

L’heure est donc à l’ouverture d’une nouvelle ère de business, symbolisée par la signature d’une charte de coopération entre le ministre de l’Économie bulgare, Bogdan Bogdanov, et le président du Medef 35, Éric Challan-Belval.

Signature d’une charte de coopération entre le ministre de l’économie bulgare, Bogdan Bogdanov (à gauche), et le président du Medef 35, Éric Challan-Belval — Photo : Baptiste Coupin

La France est à la traîne. Elle n’est que le 14e investisseur étranger en Bulgarie, loin derrière les Pays-Bas, l’Autriche et l’Allemagne. À l’heure où le pays avance sur un plan de restructuration de ses zones minières et sur la transition énergétique notamment, des opportunités sont à saisir. "Vous êtes venus à 100, nous vous attendons 200 pour votre prochain voyage", prévient la vice-présidente de Bulgarie, à l’adresse des Bretons.

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