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La brasserie Coreff se diversifie pour mieux irriguer la Bretagne
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La brasserie Coreff se diversifie pour mieux irriguer la Bretagne

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Créée en 1985, l’emblématique brasserie finistérienne Coreff a marqué le renouveau des microbrasseries en France. Près de quarante ans plus tard, elle continue à se développer en misant sur les synergies et les complémentarités de savoir-faire. Après avoir récemment créé deux nouvelles unités de production, elle compte notamment doubler la capacité son site de Liffré (Ille-et-Vilaine) et se diversifie pour mieux irriguer les bars, magasins et événements culturels bretons.

Installée à Carhaix depuis 2005, la brasserie Coreff se développe aujourd'hui aux quatre coins de la Bretagne historique — Photo : Coreff

Il semble bien loin, le temps où Jean-François Malgorn et Christian Blanchard, deux anciens employés du CMB, brassaient leurs premières Real Ale dans leur garage de Morlaix au début des années 80… Car quarante ans, un déménagement à Carhaix et plusieurs changements de direction plus tard, la brasserie Coreff, doyenne des microbrasseries françaises, est aussi devenue la plus grande.

Matthieu Breton est aux manettes de la brasserie Coreff depuis 2008 — Photo : Jean-Marc Le Droff

Une croissance accélérée sous la houlette de Matthieu Breton, fils de commerçants brestois passé un temps par le monde de la finance, et qui a repris les rênes de l’entreprise en 2008 avec trois associés : Serge Capitaine, Yves Le Sur et feu Paul Bégot. Quand ils ont repris l’entreprise à Christian Troadec, actuel maire de Carhaix, et son frère Jean-Jacques, la brasserie Coreff n’employait qu’une petite dizaine de salariés, pour un chiffre d’affaires d’1,2 million d’euros. Elle en emploie désormais une quarantaine, pour un chiffre d’affaires frôlant les 13 millions d’euros.

Des investissements aux quatre coins de la Bretagne

Une croissance qui s’enracine désormais dans toute la Bretagne historique. "Notre modèle, c'est soit la livraison en direct, soit une collaboration avec un local avec lequel nous rentrons dans une relation "brasseur-ambassadeur", en mettant toujours l'accent sur la proximité avec les clients. On a donc fait en sorte de créer un maillage territorial qui nous permette la meilleure réactivité possible", explique le Matthieu Breton. "Auparavant, on avait simplement des dépôts logistiques qui nous permettaient d'être présents sur toute la Bretagne, mais il nous manquait la production en proximité afin de réduire les coûts de transport et notre empreinte carbone… C'est désormais chose faite", résume-t-il.

Un an après avoir sa nouvelle unité de brassage à Liffré, Coreff compte doubler sa capacité de production dans les mois à venir — Photo : Coreff

Car aux quelque 50 000 hectolitres brassés chaque année par la quarantaine de salariés de son site carhaisien s’ajoutent désormais 15 000 hectolitres supplémentaires produits sur son site flambant neuf de Liffré, inauguré en 2022 afin de produire au plus proche de sa clientèle d’Ille-et-Vilaine. Un investissement de 5 millions d’euros pour un bâtiment de 2 000 m2 abritant notamment une unité de brassage et un pôle logistique, et dont la surface est déjà en passe d’être doublée pour un montant similaire. Occupant actuellement six salariés, le site en emploiera une dizaine à terme.

Avec sa gamme Nao, brassée dans sa nouvelle brasserie de Vigneux-de-Bretagne, Coreff veut explorer de nouveaux horizons brassicoles — Photo : Coreff

Ce nouveau site de production vient s’ajouter à toute une série d’investissements réalisés ces dernières années aux quatre coins de la Bretagne. À commencer par la création en 2018 de la brasserie Nao, à Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique), pour une enveloppe de près de trois millions d’euros. Au-delà d’y produire de la Coreff pour le marché ligérien, une quinzaine de salariés y brasse également une nouvelle gamme composée de sept références. Une production de 15 000 hectolitres par an pour un chiffre d’affaires avoisinant les quatre millions d’euros. "La gamme Nao nous permet de sortir de notre giron de production et d’explorer de nouveaux sillages brassicoles", confie Matthieu Breton.

À Vigneux-de-Bretagne, une quinzaine de salariés brasse de la Coreff et une nouvelle gamme de bières baptisée Nao — Photo : ©Gilles Baumont

Proximité et diversification

En 2019, c’est du côté du Morbihan que Coreff a tracé un nouveau sillon avec l’ouverture de l’Awen Pub en plein centre de Vannes. Un investissement de 2,5 millions d’euros pour un bâtiment de 1 000 m2 abritant notamment une salle de brassage, une salle de réception privatisable, un espace restauration, un rooftop et une vaste terrasse.

Ouvert en 2019 à Vannes, l'Awen Brew Pub rassemble une micro-brasserie, un bar et un restaurant — Photo : Coreff

Ouvert sept jours sur sept, l’établissement inspiré des brew pubs américains emploie actuellement vingt-cinq salariés et produit chaque année 800 hectolitres de bière, pour un chiffre d'affaires de plus de 2,5 millions d'euros. Un concept dont le volet restauration est décliné depuis cet été à Landévennec, dans les murs du musée d’interprétation culturelle Breizh Odyssée porté par Serge Capitaine.

C’est également dans les murs de Breizh Odysée que Matthieu Breton a installé une antenne de la Maison Fisselier, la liquoristerie qu’il a rachetée en juin 2021 à Pacé (Ille-et-Vilaine). "J’avais rencontré Emmanuel Fisselier lors de notre installation sur notre site de Liffré. Il cherchait un repreneur, et nous, nous cherchions à nous diversifier… Nous avons tout de suite sympathisé", se souvient Matthieu Breton.

En juillet, Matthieu Breton (Coreff), aux côtés d'Adrien Leroy et Xavier Meignan (Maison Fisselier) et de leurs collaborateurs, ont lancé la marque Likor Breizh depuis leur nouvelle liquoristerie de Landévennec — Photo : Jean-Marc Le Droff

Une volonté de diversification qui passe aussi par des innovations, comme cette bière aromatisée au rhum créée en collaboration avec la rhumerie Breiz’île de Plougastel-Daoulas… Ou encore cette recette de mojito conditionnée en fût et servie à la pression. Créée en partenariat avec la Maison Fisselier, cette recette a rencontré un vif succès cet été lors des nombreux festivals et événements dont Coreff est partenaire. Autre axe de développement : la création en juin dernier d’une école de brasserie, la Skol Bier, à destination des particuliers et des comités d’entreprises.

"Si on ne s’associe pas, on finit par se faire manger"

Cette stratégie de diversification passe aussi par des participations minoritaires dans plusieurs PME, dont une plateforme de négoce de vin, un producteur de boissons énergisantes et trois autres brasseries artisanales. "À chaque fois, il s’agit d’entreprises qu’on a envie de soutenir et auxquelles on veut laisser le maximum de liberté. En s’adossant à nous, elles peuvent accéder à de meilleures conditions auprès des banques et de nos fournisseurs pour continuer à se développer. Et puis la meute se protège : si on ne s’associe pas, on finit tôt ou tard par se faire manger", confie Matthieu Breton. Coreff, Nao, Maison Fisselier, Awen… Autant d’entités qui bénéficient par ailleurs de fonctions support mutualisées : informatique, comptabilité, marketing ou encore community management.

Au total la galaxie Coreff, hors participations minoritaires, affiche ainsi un chiffre d’affaires consolidé de plus de vingt millions d’euros. "Mais notre dette est encore plus importante", tempère le dirigeant, pour qui cet endettement est un mal nécessaire. "C’est comme la concurrence, ça nous permet de ne pas nous endormir sur nos lauriers", sourit cet adepte de la roue de Deming qui s’astreint à une règle de gestion stricte : "On investit chaque année 50 % de notre bénéfice dans nos outils de production, 25 % dans le territoire et on met de côté les 25 % restants en cas de coup dur".

La suite ? "Notre objectif désormais, c’est de digérer tous ces projets qui viennent d’aboutir, de continuer à nous diversifier et à développer nos gammes, de repenser certains de nos modèles logistiques… Il y a encore plein de choses à faire, et notamment quelques liquides qu’on ne produit pas encore… En gardant toujours en tête que c’est l’assemblage de tous ces savoir-faire complémentaires qui nous rend plus forts".

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