Saint-Malo
Jérémie Lecha (Groupe Roullier) : "Être un groupe diversifié nous permet de traverser les crises"
Interview Saint-Malo # Agriculture # International

Jérémie Lecha président du directoire du Groupe Roullier "Être un groupe diversifié nous permet de traverser les crises"

S'abonner

Né à Saint-Malo en 1959, le groupe Roullier est aujourd’hui un géant industriel de la nutrition animale, végétale et humaine, qui dépassera bientôt les 10 000 collaborateurs. Resté 100 % indépendant, il s’est développé à travers le monde et poursuit sa croissance à vitesse grand V. Avec un nouveau président du directoire depuis 2022, en la personne de Jérémie Lecha, 34 ans, l’aventure se teinte de nouvelles ambitions.

Jérémie Lecha est, depuis janvier 2022, le président du directoire du Groupe Roullier. Il met l’accent sur l’international, le capital humain et l’innovation pour accentuer le développement du groupe malouin — Photo : Groupe Roullier

Vous êtes entré dans le groupe Roullier il y a quatre ans en tant que directeur des fusions-acquisitions. Vous en êtes à la tête aujourd’hui. Quel regard portez-vous sur ces quatre années écoulées ?

Ces trois dernières années, le groupe a réalisé autant d’investissement dans des acquisitions que sur la décennie précédente. Toutes nos activités ont été concernées et sur des zones géographiques très différentes. Certaines opérations sont emblématiques de cette croissance. Par exemple, celle d’Alysse Food en Belgique nous permet d’accélérer dans l’agroalimentaire à l’international ; celle d’une usine de granulation sur la partie végétale (Rainbow Plant Food) nous permet d’accentuer notre présence aux États-Unis, et celle de Magnesium do Brasil d’accélérer au Brésil. Nous pouvons aussi citer la joint-venture créée par Timac Agro au Kenya, et en septembre dernier l’acquisition d’un autre site de production au Brésil, SPO.

Pourquoi avoir acquis cette dernière société, SPO ?

SPO a intégré notre filiale Phosphea. Elle est spécialisée dans la transformation du phosphate et du sel pour l’alimentation animale. SPO dispose d’un site dans le sud du Brésil, d’une capacité de 100 000 tonnes de production de phosphates alimentaires et de 100 000 tonnes pour la distribution de sel naturel. Cette acquisition nous permet de nous développer sur le marché dynamique de la nutrition animale au Brésil, où nous étions déjà bien présents commercialement. Il nous fallait accélérer avec une implantation industrielle.

Avec l’acquisition d’Alysse Food, Roullier a aussi fait grandir son activité agroalimentaire. Quelles sont vos ambitions dans ce secteur ?

Sur l’activité agroalimentaire, Roullier dispose de 5 sites de production en Bretagne (Finistère et Morbihan, NDLR), employant 500 collaborateurs. Nous fabriquions essentiellement des pâtisseries très françaises comme les madeleines, les quatre-quarts et les biscuits, avec Ker Cadélac et Maison Colibri. C’était la moins internationale de nos activités, 80 % du chiffre d’affaires étant réalisé en France. Alysse Food, situé en Belgique, réalise, elle, 50 % de son activité à l’export, ce qui nous ouvre de nouvelles portes, avec de nouveaux produits complémentaires comme les brownies. Nous allons donc pouvoir pousser l’agroalimentaire davantage à l’international.

L’international reste donc un axe de développement fort pour Roullier, et sur tous ses secteurs ?

Oui. Nous réalisons 75 % de notre activité à l’international, c’est dans notre ADN ! Notre développement à l’étranger est l’un de nos relais de croissance principaux. Il se fera pour chaque business unit en fonction de sa maturité (Roullier opère dans les domaines de l’agroalimentaire, de l’algologie, de la magnésie, des énergies renouvelables, de la plasturgie, des solutions phospho-calciques, de la nutrition végétale grand public et enfin de la nutrition des sols, des plantes et de la production animale, NDLR). Nous possédons actuellement 108 unités de production à travers le monde, que nous avons acquises par rachats ou par croissance organique. Ces trois dernières années, nous avons notamment construit des usines Timac en Turquie et en Argentine. Notre ambition est de poursuivre ainsi. Nous visons particulièrement l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord et l’Afrique.

Quelle impulsion souhaitez-vous donner au développement de Roullier ces prochaines années ?

Nous avons déjà réalisé une forte progression en 2021, atteignant 2,65 milliards d’euros de chiffre d’affaires (contre 2 milliards en 2020, NDLR). Cette année, nous allons dépasser les 3 milliards. Pour continuer dans cette voie, nous avons accentué le mode de fonctionnement décentralisé de l’entreprise, en donnant encore plus d’autonomie à nos directions générales. Nous nous reposons sur nos équipes dans chaque business unit, car il faut à mon sens confier les clés du développement à ceux qui connaissent le mieux leur marché. Nous voulons ainsi, clairement, poursuivre notre développement à l’échelle internationale, et sur chacune de nos business unit, par opportunité ou proactivité. Cela passera par de nouvelles implantations, de nombreux recrutements, mais aussi par l’innovation.

Combien de personnes recrutez-vous ?

Nous employions 9 500 collaborateurs fin juin 2022, c’est 300 de plus qu’en 2021. Nous avons ouvert, depuis, 500 autres postes et serons donc plus de 10 000 en 2023. Sur ces 500 offres d’emploi, une centaine se situe sur nos sites de Saint-Malo et Dinard car nous voulons garder un fort ancrage sur le bassin malouin. Les autres postes concernent toutes nos activités et toutes nos zones géographiques, dans l’industrie, la direction, le commercial. Parmi nos effectifs, 3 700 personnes sont actuellement dédiées à la force commerciale et nous continuons d’y investir, pour pouvoir vendre nos produits et expliquer notre positionnement haut de gamme. Notre business unit principale, Timac Agro, a notamment besoin de beaucoup de personnel sur le terrain, pour aller à la rencontre de nos clients agriculteurs et délivrer des conseils techniques.

Vous dites que l’innovation est un axe de développement. Quels sont vos projets ?

C’est en effet le troisième axe sur lequel Roullier investit. Nous souhaitons nous positionner, pour tous nos marchés, sur du haut de gamme, ce qui nécessite des dépenses en innovation. Il peut s’agir d’investissements sur des matériaux recyclés, des ingrédients ou encore des nouvelles recettes. Notre équipe R & D sort par exemple une nouvelle tarte tatin avec base de sablé breton pour la restauration hors foyer.

L’énergie est un sujet de préoccupation pour toutes les entreprises aujourd’hui. Comment Roullier s’en sort-il ?

Nous sommes impactés, mais moins que d’autres. Nous avons en effet deux avantages. D’abord, nous avons pris des positions pour 2023 sur le marché de l’achat d’énergie avant même la guerre en Ukraine. Ensuite, nous utilisons depuis longtemps des sources d’énergie alternatives, comme la biomasse. Cela fait vingt ans que le groupe travaille à ce que ses sites soient les moins dépendants possibles. C’est l’avantage d’être un groupe 100 % familial (le capital appartient à la famille Roullier, NDLR), qui s’inscrit dans la longévité dans toutes ses décisions. Et c’est d’ailleurs cette vision, avec ses activités diversifiées, qui nous permet de traverser les crises. Nous allons donc accentuer ces investissements. Nous sommes notamment en étude de projets photovoltaïques en autoconsommation sur sept ou huit de nos sites. Un premier bâtiment administratif à Dinard sera équipé par Émeraude Solaire prochainement.

Saint-Malo # Agriculture # Industrie # Banque # Agroalimentaire # Services # International