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"Je suis passée de patron d’usine à femme engagée dans la lutte contre le cancer"
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Isabelle Guyomarch présidente de CCI Productions "Je suis passée de patron d’usine à femme engagée dans la lutte contre le cancer"

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Présidente du groupe CCI Productions, fabricant de parfums et cosmétiques en sous-traitance pour des marques haut de gamme à Acquigny, Isabelle Guyomarch est également la dirigeante et fondatrice du laboratoire Ozalys, dédié aux cosmétiques pour femmes atteintes d’un cancer. Une activité directement liée à la maladie qu’a dû combattre la dirigeante en 2013. Une épreuve qui a changé son approche entrepreneuriale.

"L’engagement prend sa source dans un besoin très personnel et qui ensuite rejaillit sur le général", explique Isabelle Guyomarch, présidente du groupe CCI Productions — Photo : DR

Comment êtes-vous arrivée à la tête de CCI Productions (250 salariés ; 33 M€ de CA) ?

Jusqu’à 2008, j’étais membre du comité de direction du laboratoire pharmaceutique Amgen France. Un métier passionnant, mais plus je me suis élevée dans la hiérarchie avec des responsabilités toujours plus importantes, et plus je sentais qu’il me manquait quelque chose. J’avais besoin d’aller au-delà. Il me fallait un nouveau challenge. Alors, je me suis mise en quête d’une entreprise à reprendre. Et c’est lorsque j’ai eu l’opportunité de visiter CCI Productions, en 2008, que j’ai su que l’industrie était le secteur dont j’avais envie. Cela m’a passionné. Nous étions alors en pleine désindustrialisation et, de plus, CCI Productions allait mal. Et c’est cela qui m’a intéressée. Car je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire, c’était encore plus passionnant.

Votre aventure entrepreneuriale démarre bien, avec le redressement de l’entreprise, puis un cancer vous est diagnostiqué en 2013. Comment avez-vous affronté cette terrible nouvelle ?

Oui, l’aventure démarre bien, je rachète CCI Productions et je la redresse. Je la positionne sur le secteur du luxe et je me sépare de la partie logistique, pour créer dans la foulée un laboratoire de recherche sur les perturbateurs endocriniens. Démarche sur laquelle nous avons été précurseurs. Et puis, en effet, arrive le tsunami de 2013 avec l’annonce de mon cancer grade 3, très agressif. J’ai alors vécu un an en enfer, à mesurer le poids de la charge d’être chef d’entreprise, avec l’impossibilité de se mettre en arrêt de travail, car quoi qu’il arrive le chef d’entreprise, même malade, doit être là.

Cela complexifie la gestion de l’entreprise, et il faut penser à l’avenir. La perspective de ma mort a fait trembler le groupe. Mes associés me disaient que c’était trop dangereux sans moi et voulaient vendre. Bien sûr, ce sont les affaires, mais cela m’a donné une certaine rage. Alors, je me suis accrochée à ma boîte comme à une bouée, avec un véritable instinct de survie, et cela m’a porté. Je me suis dit que si je m’en sortais, je devais donner du sens à cette épreuve. Je suis une femme d’action et si on m’enlevait l’entreprise, j’avais l’impression que l’on me condamnait. J’ai décidé de racheter les parts de mes actionnaires, et d’être seule à bord.

Qu’est-ce qui a changé après cette épreuve pour vous et votre entreprise ?

Le laboratoire Ozalys est né. Ozalys est une marque de cosmétiques pensée pour les femmes malades qui subissent la sécheresse cutanée, ou encore les douleurs dans les membres qui rendent l’application d’un soin difficile. Au-delà du projet entrepreneurial, Ozalys fédère des actions sociétales comme la création d’ateliers-écoles pour maintenir ses salariés dans l’emploi, ou encore les arrêts de travail librement choisis pour les aidants. La recherche Ozalys prend en charge les effets du traitement, mais aussi la prévention. Car, le cancer ça se prévient !

Je suis passée de patron d’usine à femme engagée dans la problématique du cancer. J’ai besoin de donner du sens à ma vie. À 40 ans, j’ai repris une entreprise pour me donner un nouveau challenge, et à 45 ans je me suis engagée dans la lutte contre le cancer. L’engagement prend sa source dans un besoin très personnel et qui ensuite rejaillit sur le général, comme de racheter une entreprise pour soi et ensuite de la faire vivre pour les autres.

L’épreuve a aussi changé votre management avec une gestion plus sociétale. Qu’est-ce que cette démarche apporte à l’entreprise ?

Le groupe CCI Productions est très engagé dans la responsabilité sociétale. L’idée est de faire d’un point faible, d’une fragilité, une force. Cela permet de créer un autre regard sur la maladie et cela rejaillit sur tous. Nous incluons de la bienveillance dans notre gestion. L’objectif est de créer de la valeur avec la fragilité. Chez CCI Productions nous permettons au salarié de continuer à venir sur site et voir ses collègues dans les périodes où il va mieux, après des traitements lourds par exemple et avec accord de son médecin et un poste de travail aménagé. Grâce à cette démarche, les salariés se sentent mieux et l’entreprise va mieux également. Depuis la mise en place de ce management, la maladie grave n’a pas diminué dans l’entreprise mais la bobologie, si. Les biens portants vont mieux grâce à un état d’esprit, une forme de bienveillance qui rassure. Chacun a peur de la maladie, mais avec cette gestion sociétale, les salariés savent que l’entreprise ne les jettera pas dehors. Cela crée des valeurs humaines ainsi que des valeurs d’entreprise.

Quel est à présent le chemin que vous tracez pour votre groupe ?

Nous continuons à investir entre 5 à 10 % de notre chiffre d’affaires chaque année, notamment dans les nouvelles technologies avec la volonté de devenir une entreprise 4.0, notamment sur les lignes de conditionnement de CCI Productions.
Depuis 2023, nous avons mis en place notre première machine entièrement robotisée qui nous permet d’accéder à de nouveaux marchés grâce à la possibilité de travailler sur de nouveaux formats pour s’adapter au marché du parfum. Du côté d’Ozalys, nous poursuivons sur l’extension de produits pour la femme enceinte et allaitante (déodorants, dentifrices, NDLR), et travaillons aux certifications chez l’enfant à partir de 3 ans. C’est toute une gamme pensée pour les peaux et les muqueuses les plus fragiles.

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