Holacratie : des entreprises sans chef ?
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Holacratie : des entreprises sans chef ?

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Connaissez-vous l’holacratie ? Ce système d'organisation de la gouvernance dans l'entreprise permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d'équipes auto-organisées. Le processus, initié en 2001 par Brian Robertson, n’en est qu’à ses débuts et suscite encore bien des interrogations. Témoignage de dirigeants qui l'expérimentent déjà dans leur entreprise.

Plus de chef, plus d’organisation pyramidale : l’holacratie est une forme de gouvernance qui s’appuie sur l’intelligence collective. Un millier d’entreprises dans le mode l’auraient adoptée. — Photo : Andrey Popov

Et si le système d’organisation pyramidale avait vécu ? Trop rigide pour répondre à des marchés de plus en plus fluctuants et en évolution rapide, certaines entreprises l’ont abandonné et misé sur un mode d’organisation disruptif et plus agile. On appelle cela l’holacratie. Ce concept serait adopté par un millier d’entreprises dans le monde, dont une centaine en France. Des chefs d’entreprise, fatigués de « tout porter », s’intéressent à ce mode d’organisation qui envoie valdinguer la hiérarchie traditionnelle.

L’organisation pyramidale, avec son patron tout puissant, a pourtant fait ses preuves depuis plus d’un siècle. Oui, mais le contexte a changé ! Les entreprises d’aujourd’hui doivent s’adapter à des marchés fluctuants et des clients de plus en plus pressants. Les collaborateurs aspirent à davantage d’autonomie dans leur travail. L’holacratie, qui délaisse la rigidité des systèmes pyramidaux et écarte l’organigramme traditionnel, est un nouvel outil pour répondre à ces enjeux

Comment ça marche ?

L’holacratie est une autre forme de gouvernance, qui utilise l’intelligence collective de façon très formalisée. Les mécanismes de décision sont disséminés à travers des « cercles » ou équipes auto-organisées, reliées entre elles par des objectifs. Elles sont capables d’évoluer d’elles-mêmes rapidement pour répondre à une nouvelle mission. Jean-Michel Gode, un des spécialistes de l’holacratie, aime les comparer à des organismes biologiques, qui savent muter en cas de nécessité.

Point clé de l’holacratie : la structure organisationnelle se décline autours des tâches… et non plus des personnes. Les cercles peuvent se faire et se défaire, au fil des missions. Ils sont autonomes, mais suivent des règles d’élaboration précises. Les équipes se définissent et s’organisent elles-mêmes, identifient les rôles, le leadership et les distribuent. Ces cercles sont tout sauf figés. Ceux qui n’ont plus d’utilité ne perdurent pas. Avec l’holacratie, le patron n’est plus le seul visionnaire de l’entreprise.

Les avantages de l’holacratie

Pour ses partisans, l’holacratie permet de révéler les talents et de gagner en réactivité. « L’équipe autonome est un espace de liberté extrêmement puissant, insiste Jean-Michel Gode, qui libère les initiatives et les potentialités de chacun ». Fini les spécialistes bridés dans un poste clos, l’holacratie favorise la polyvalence des salariés. Leurs rôles, qui évoluent au fil des missions, sont identifiés par tous, ce qui accroit la reconnaissance. Un bonus qui stimule l’engagement et les échanges. De quoi booster la productivité et d’attirer de nouveaux talents, séduits par une gouvernance moins rigide.

« Je suis passé d’une situation douloureuse au confort : les salariés réalisent plein de choses sans m'en référer tout le temps » (Romain Bisseret, dirigeant d’In Excelsis)

« Ça m’a apporté beaucoup de confort », reconnait Romain Bisseret, dirigeant d’In Excelsis, société de coaching d’affaires et formation professionnelle, comptant cinq salariés. Après deux expériences entrepreneuriales classiques, où Romain Bisseret avait « le sentiment de tout porter et d’être en stress permanent », il s’engage dans l’holacratie pour sa troisième entreprise. « Je suis passé d’une situation douloureuse au confort : les salariés réalisent plein de choses sans m'en référer tout le temps. Il y a des règles du jeu qui servent de garde-fou. C’est très efficace ». Satisfaction pour ce chef d’entreprise, qui ne voit pas son rôle « comme celui qui est à l’origine de tout et par qui tout passe ».

Réservé à certains patrons ?

« Lâcher l’organigramme et être en constante évolution n’est pas toujours évident », concède-t-il toutefois. Pour les entreprises de plus grande taille, une multiplication mal contrôlée des rôles ou des réunions peuvent représenter un risque. Sans compter la tentation de certains cadres de reprendre la main… L’holacratie suscite encore bien des interrogations. Le processus, initié en 2001 par Brian Robertson, n’en est qu’à ses débuts.

Isabelle Duchemin, d’ID-SO, est spécialiste des processus de changements individuels et collectifs et accompagne depuis plus de 25 ans les entreprises vers des pratiques managériales innovantes. « L’holacratie est une forme d’organisation pour faire évoluer l’entreprise, mais ce n’est pas la seule. Bien adaptée pour une entreprise elle le sera moins pour une autre. Une chose est sûre : l’holacratie ne peut se mettre en place sans la motivation de la direction ». Ce qui fait dire à certains, qu’elle exige une nouvelle génération de leaders.


A RETENIR

L’holacratie est un mode d’organisation sans chef ni manager. Le processus de gouvernance distribue les autorités à des équipes autonomes. Basée sur le travail à faire et pas sur les personnes, l’organisation doit favoriser l’agilité, l’engagement des salariés et la productivité.

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