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Genvia se structure comme champion de l’hydrogène vert
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Genvia se structure comme champion de l’hydrogène vert

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À Béziers, Genvia pose une à une les briques technologiques d’un nouveau mode de production d’hydrogène décarboné. En se dotant de sa première ligne pilote automatisée, la société se rapproche de la construction d’une gigafactory cruciale pour la stratégie française dans ce domaine.

Genvia développe une technologie d’électrolyseurs haute température — Photo : LEE_MAWDSLEY

Tout un symbole : c’est à Béziers (Hérault), sur le site de Genvia (120 salariés), qu’Emmanuel Macron est venu annoncer, le 16 novembre 2021, le plan France 2030. Cette stratégie d’investissement, dotée de 54 milliards d’euros, flèche près de neuf milliards sur le développement d’une filière française de l’hydrogène décarboné. Au total, une dizaine de "gigafactories" (usines de très grande taille) seront bâties et aidées pour créer des solutions de décarbonation de l’industrie. Genvia sera l’une d’elles. Née quelques mois avant cette annonce, en mars 2021, elle produira des systèmes appelés électrolyseurs, qui permettent de valoriser la chaleur issue des procédés industriels pour produire de l’hydrogène bas carbone. Dans ce cadre, l’État s’est engagé à soutenir Genvia à hauteur de 200 millions d’euros, sur un budget global estimé à 500 millions d’euros sur dix ans.

Une première ligne appelée à évoluer

La technologie que développe Genvia concrétise plus de 60 brevets, déposés pour l’essentiel par ses propres actionnaires. L’entreprise est une joint-venture créée par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’équipementier pétrolier SLB (ex-Schlumberger), qui l’accueille à ce stade dans son usine biterroise. Ils forment un consortium public/privé avec Vinci Construction, Vicat et la Région Occitanie à travers son agence AREC (Agence Régionale Énergie Climat). Avec leur soutien, Genvia ambitionne de développer une véritable innovation de rupture : ses électrolyseurs à haute température permettront d’atteindre des rendements bien supérieurs aux électrolyseurs traditionnels (alcalins ou à membranes polymères). Encore faut-il la valider sur le plan technologique.

C’est un long chemin que doit suivre Genvia avant d’y parvenir. En novembre 2021, l’entreprise s’est dotée d’un premier atelier pilote de 1 000 m2, entièrement automatisé. En juin 2023, elle a inauguré sa première ligne pilote de fabrication d’électrolyseurs : cette structure est conçue pour minimiser les risques et optimiser ces systèmes, mais aussi pour en garantir la rentabilité avant de passer à une production industrielle à grande échelle. "Cette ligne est modulaire et totalement digitalisée pour pouvoir évoluer dans le temps. En termes de capacité de production d’hydrogène, nous démarrerons à quelques mégawatts puis, quand elle sera améliorée, nous atteindrons plusieurs centaines de mégawatts. En termes d’intégration des systèmes, nous pourrons lancer, dès l’été, l’assemblage des modules (qui forment les électrolyseurs, NDLR)", souligne Florence Lambert, PDG de Genvia.

Des applications industrielles multiples

Après la ligne pilote, l’entreprise lancera à compter de la fin 2023 la construction d’un démonstrateur (prototype de taille réelle) : il sera installé et testé à Béziers, avant d’être envoyé à Grenoble (Isère), où se trouve le centre de recherche du CEA impliqué dans Genvia, pour poursuivre les tests pendant un an. "À ce stade, nous aurons multiplié la taille du système par 100", se projette Florence Lambert. Le démonstrateur sera ensuite déployé chez le groupe sidérurgique ArcelorMittal, toujours en phase de test, à l’horizon 2025.

En effet, Genvia veut se rapprocher sans attendre de ses futurs marchés, tels que la chimie, les aciéries et les cimenteries. Pour sa part, ArcelorMittal, qui positionnera le système dans son usine de Saint-Chély-d’Apcher (Lozère), ambitionne d’accélérer sa trajectoire vers la neutralité carbone, fixée à 2050. "Les procédés actuels de production de l’acier utilisent du charbon dans des hauts-fourneaux, qui émettent du CO2. Notre objectif est de décarboner nos usines de 35 % dès 2030. Il y a trois leviers pour cela : l’utilisation d’aciers usagés, la capture de CO2 et le remplacement des process actuels par l’injection d’hydrogène. Cette dernière option est une vraie révolution industrielle. C’est l’objet de notre partenariat avec Genvia, un facteur clef dans notre stratégie de décarbonation", explique Karina Velloso, chargée des questions environnementales chez ArcelorMittal Europe.

Genvia mise sur un autre type d’application pour sa technologie, qui permet aussi de combiner l’hydrogène bas carbone avec le CO2 capturé en usine pour produire des carburants de synthèse. Ainsi, le cimentier Vicat annonce qu’il accueillera à cette fin un démonstrateur dans une de ses usines d’Isère, tout en bénéficiant d’une économie de 30 % en électricité.

Un jalon industriel pour l’Occitanie et la France

Tous ces efforts doivent aboutir, en 2026, au lancement d’un premier véritable produit baptisé "H-Pod 600", que Genvia annonce comme "performant et manufacturable". L’entreprise devrait alors poser, la même année, la première pierre de sa propre usine, qui évoluera peu à peu en gigafactory. La superficie devrait avoisiner les 200 ha, sur un site restant à préciser dans le bassin économique biterrois. Parvenue à ce stade de maturation industrielle, Genvia bénéficiera d’un nombre de lignes de fabrication multiplié par douze. À l’horizon 2030, elle affichera une capacité de production de plus d’1 GW d’hydrogène, et de 50 000 électrolyseurs par an. "La ligne de production inaugurée en 2023 continuera à fonctionner, sur le site de SLB, en déployant des process innovants et en formant des collaborateurs", annonce Florence Lambert.

Si Genvia est appelée à fournir une technologie de rupture et donc à jouer un rôle central dans la filière française de l’hydrogène, elle pèsera d’autant plus lourd dans la propre stratégie autour de l’économie décarbonée initiée en Occitanie, qui ambitionne d’être la première région d’Europe atteignant la neutralité carbone en 2050. "La Région, dès mon premier mandat, a lancé un plan de 150 millions d’euros pour développement de l’hydrogène. Dès que la loi l’a permis, l’Occitanie a été la première région à devenir actionnaire d’une entreprise, Genvia, qui a tous les atouts pour s’emparer d’un vrai leadership", souligne Carole Delga, présidente du Conseil régional. Les retombées économiques attendues chez Genvia sont estimées entre 250 et 500 créations d’emplois d’ici 2032, sans compter la dynamique insufflée chez les sous-traitants locaux.

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