En Pays de la Loire, le bâtiment veut confirmer la reprise
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En Pays de la Loire, le bâtiment veut confirmer la reprise

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Le secteur du bâtiment a connu une période de flottement au printemps 2020, avec des chantiers arrêtés et l'impossibilité de reprendre le travail. Avant cela, les carnets de commande du secteur étaient bien remplis. Ils le sont encore aujourd'hui, mais jusqu'à quand ?

Entre décembre 2019 et décembre 2020, le nombre de logements autorisés en Pays de la Loire a baissé de 12%, passant de 29 200 à 25 700 — Photo : Cédric Menuet

Le bâtiment avait repris des couleurs ces dernières années : commandes en hausse, taux d'intérêt bas incitant à l'acquisition immobilière, confiance générale et activité économique positive incitant aux projets publics et privés. Depuis un an, la crise est venue rebattre les cartes. Les entreprises du BTP ont certes actuellement du travail, avec des carnets de commandes pour la plupart bien remplis. Mais à partir du second semestre ou de la fin de l'année, le secteur pourrait bien connaître un certain essoufflement. Régis Rousseau, le président de la FFB des Pays de la Loire, en convient. Lui-même le constate dans son entreprise de charpente et de construction bois à Longuenée-en-Anjou (13 M€ de CA 2020, 120 collaborateurs), le travail ne manque pas pour les entreprises du bâtiment : « On est un peu en suractivité, avec des carnets de commandes chargés comme avant le premier confinement, mais c'est pour beaucoup du décalage puisque nos entreprises ont dû marquer un temps d'arrêt en mars-avril. On s'apprête à voir venir un trou, peut-être au second trimestre et sans doute au troisième. »

En hausse en Maine-et-Loire, ralentie en Sarthe et en Mayenne

« La rénovation va probablement continuer à être dynamique, poursuit Régis Rousseau, mais il y aura un ralentissement de logements neufs et il faudrait débloquer les permis de construire. » Ce que confirme Eric Jouvet, président du groupe manceau EJ (80 M€ de CA 2020, 500 salariés), qui regroupe 8 entreprises du secteur : « Depuis le début de l'année, nous avons de bons carnets de commandes, même si nous subissons des ralentissements importants, du fait que certains permis de construire tardent à sortir. Mais le niveau d'activité reste quand même bon, aussi bien en Sarthe que dans le reste de la France. » En Sarthe, les prévisions sont néanmoins à la baisse, surtout en ce qui concerne les constructions neuves : selon les chiffres de l'INSEE, les logements autorisés, ceux qui ont obtenu un permis de construire, ont enregistré en 2020 une baisse de 17,1 %, alors que les logements commencés ont reculé de 8,4 %. Même chose en Mayenne, avec une diminution de 4,2 % du nombre de logements autorisés mais un nombre de logements commencés en augmentation de 28,4 %.

En Maine-et-Loire en revanche, la tendance est à la hausse. En 2020, le nombre de permis de construire délivrés a augmenté de 34,5 %, alors que sur l'ensemble de la région, ils accusaient un repli de 12,6. Même chose pour les logements commencés, en hausse de 30,9 %, quand la région accusait une très légère baisse de 0,2 %. Raison de cette bonne santé, entre autres les programmes neufs dans l'agglomération angevine, comme les six ensembles du projet Imagine Angers, dont le premier, la tour Tip, vient de sortir de terre. « La construction neuve en Maine-et-Loire est surtout dynamisée par Angers et sa périphérie, constate Régis Rousseau, qui a tendance à prendre le relais de Nantes, où elle se tasse un peu. » Même chose pour la réhabilitation, avec en particulier à Angers les deux programmes de rénovation urbaine déjà en cours des quartiers de Belle-Beille et Monplaisir et dont le coût global avoisine les 500 millions d'euros.

Johana Biseux a repris Baudon Peinture à Cholet en 2017 avec Cyril Lardeux — Photo : Olivier Hamard

Six mois de commandes

Si Angers et son agglomération jouent un rôle moteur actuellement dans les programmes neufs, Eric Jouvet reste lui aussi confiant pour la Sarthe où ses entreprises travaillent majoritairement : « Les principales sociétés du groupe fonctionnent bien, elles ont rentré d'importantes commandes ces derniers mois. » Ainsi, l'entreprise Sadrin-Rapin (45 M€ de CA, 170 salariés) travaille actuellement sur la construction de plusieurs data-centers et de grosses stations-service d'autoroute. Celle de gros œuvre Le Batimans (25 M€ de CA, 150 personnes) a quant à elle décroché un marché de 27 millions d'euros sur le chantier du futur Pôle de cancérologie de la Sarthe, au Mans, où elle devrait également débuter la construction de plusieurs grandes résidences.

En Mayenne, l'entreprise Deschamps, qui assure la fabrication et la pose de charpentes bois et métalliques pour des collectivités et des entreprises, enregistre elle aussi une bonne visibilité pour 2021, comme le mentionne sa présidente Nathalie Planchais : « Avec les chantiers à l'arrêt lors du premier confinement, indique-t-elle, nous avons fait appel au chômage partiel et une partie des équipes a pu poursuivre en télétravail, ce qui nous a permis de décrocher des commandes en fin d'année et de compenser ainsi la perte de chiffre d'affaires. 2020 a été correcte au final. Et 2021 débute avec une forte activité. Nous avons déjà six mois de carnet de commandes grâce justement aux études engagées l'année dernière. »

En Sarthe et en Mayenne, les carnets de commandes du groupe EJ et de l'entreprise Deschamps sont donc pour l'heure au beau fixe. À Cholet, même chose pour l'entreprise de peinture Baudon (1,9 M€ de CA, 45 personnes), qui travaille dans un rayon d'environ 80 kilomètres. Elle a même recruté un collaborateur supplémentaire en janvier. « Nous avons des chantiers au moins pour jusqu'en septembre, témoigne Johana Biseux, codirigeante de l'entreprise Baudon, et l'année 2021 a démarré sur les chapeaux de roues.

De beaux chantiers à venir

Le territoire est dynamique, il y a de beaux projets et la clientèle de particuliers, sans doute depuis le confinement, a plus envie de décorer son intérieur. » Reprise il y a trois ans par Johana Biseux et Cyril Lardeux, l'entreprise Baudon, vieille de 130 ans, travaillait il y a encore quelques années à 80 % en réponse à des appels d'offres publics. Ils ne pèsent plus aujourd'hui que 25 % et la PME choletaise s'est élargie pour 25 % à une clientèle de particuliers et pour moitié aux appels d'offres privés. Ce qui lui permet d'amortir une éventuelle baisse de l'un ou l'autre de ses types de clientèle. « Ce choix a payé, ajoute Johana Biseux. La baisse de la part des chantiers publics nous a donné une nouvelle image et nous avons gagné aussi plus de visibilité. Pendant le premier confinement, des dossiers sont sortis et nous avons signé des chantiers, dont plusieurs maisons complètes et la rénovation de logements sociaux vacants de l'organisme Sèvre Loire Habitat. »

De beaux chantiers sont aussi à venir, sur les rangs desquels va se placer l'entreprise Baudon : les usines de l'Abeille et le futur site de Thales ou encore les constructions d'une grande salle des fêtes et celle d'un grand centre administratif sont parmi les prochains projets privés et publics d'ampleur dans l'agglomération.

Projets publics et privés en attente

Si au moins quatre projets d'importance sont prévus à Cholet, ailleurs, certains peinent à sortir. À cela, plusieurs raisons : les projets publics ont souffert d'un calendrier électoral chamboulé l'an passé : les équipes municipales se sont installées pour beaucoup à l'issue du second tour de juin, et les communautés d'agglomération en juillet, retardant d'autant les décisions d'investissements, qui nécessitent ensuite phase d'études, enquête publique et appel d'offres avant que ne démarre le chantier. 2021 sera aussi une année d'élections avec le scrutin régional en juin, et surtout 2022, avec la présidentielle et les législatives.

Dans le bâtiment, comme dans les travaux publics, on sait que ces années électorales, sont moins fortes en projets des collectivités. Du côté des commandes privées, certains acteurs investissent actuellement, comme le bailleur Podeliha, qui a lancé dans la région un plan d'un milliard d'euros sur dix ans pour construire et réhabiliter une partie de son parc de logements. Mais d'autres ont préféré retarder leurs projets : « Dans le contexte actuel d'incertitude sur l'avenir, les industriels vont-ils oser investir dans des extensions ou de nouveaux bâtiments ? », s'interroge Nathalie Planchais. Avec la crise, bon nombre préfèrent attendre d'avoir une meilleure visibilité pour investir. « Les entreprises ne savent pas où elles vont et elles investissent moins, confirme Régis Rousseau. On sent aussi que certains projets de bâtiments tertiaires ont du plomb dans l'aile et ce secteur risque de baisser. » Néanmoins, la sortie espérée de la pandémie, avec la vaccination d'une grande partie de la population prévue pour la fin de l'été, devrait permettre aux entreprises de voir plus loin.

Des matériaux qui flambent

Si le carnet de commandes des entreprises du secteur du bâtiment est actuellement bien rempli, certains paramètres viennent ternir le tableau : en premier lieu, le surcoût dû aux règles sanitaires que les entreprises ne répercutent pas toujours dans leur devis. « Nous sommes pénalisés financièrement, reconnaît Johana Biseux. Pour les chantiers signés avant le Covid mais aussi pour les autres. Nous devrions augmenter nos prix mais on ne passerait pas. On ne répercute donc pas ce surcoût. » Une hausse des coûts due aux normes sanitaires mais aussi dans certains métiers à une forte hausse des matières premières : « La reprise a été très rapide au printemps et la demande est forte. Le prix de l'acier a augmenté de 50 % ces derniers mois et celui du bois d'au moins 20 %, explique Régis Rousseau. Sur des devis qui sont déjà faits, cela impacte fortement nos marges. »

Des marges déjà faibles le plus souvent dans le secteur du bâtiment, face à ces prix de matières premières qui flambent, mais qui pour certaines se font rares. « Nous ne savons pas comment nous travaillerons sur certains chantiers, vu que l'on n'a pas les matériaux, témoigne Nathalie Planchais. Cela va générer des retards et nous paierons des pénalités. De plus, certains fournisseurs nous adressent des hausses de prix de plus de 20 %. Sur les marchés publics, les estimations de coût sont basées sur les derniers chantiers réalisés, on risque donc d'être hors budget et de voir les dossiers être relancés ou annulés. Certaines entreprises ne répercutent pas les hausses de prix des matériaux de peur de perdre certains chantiers, alors que nous, entreprise Deschamps, nous les appliquons. »

Si la filière garde son optimisme, seule une relance des grands projets de construction pourrait lui redonner de la visibilité sur le long terme. À condition d'en finir pour de bon avec la crise sanitaire.

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