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En Bretagne, la filière événementielle cherche un nouveau souffle
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En Bretagne, la filière événementielle cherche un nouveau souffle

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L’événementiel a fait partie des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire. À l’heure de la fin du "quoi qu’il en coûte" relayé par des aides sur-mesure, comment les professionnels bretons de ce secteur d’activité abordent-ils l’avenir ? Touchés mais pas coulés, ils entendent passer à la vitesse supérieure.

L’agence Funbreizh enregistre un pic de demandes de séminaires en cette rentrée 2021 — Photo : @Valiseo

Le salon international de l’élevage Space de Rennes, le congrès régional du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise à Lorient, le salon de la prévention et de la sécurité au travail Safexpo à Brest, le festival Art Rock à Saint-Brieuc : autant d’événements BtoB qui ont noirci les pages des agendas à la rentrée 2021. Et le mois d’octobre a confirmé un retour en force des événements et autres rendez-vous professionnels alors que les aides de l’État au secteur événementiel se sont arrêtées.

Sommes-nous pour autant dans une nouvelle ère pour les professionnels de l’événementiel ? Rien n’est moins sûr. La crise sanitaire est encore d’actualité et dans tous les esprits. Un propos que confirme Frédéric Pitrou, délégué général de l’Unimev, l’Union Française des Métiers de l’Événement : "La reprise d’activité est forte pour les événements en ce moment. Traditionnellement, les mois de rentrée sont riches en événements et là, nous assistons aussi à des reports de salons ou autres. Toutefois, nous souffrons d’un manque de visibilité à plus long terme."

Mars 2020, le choc

Pour les acteurs bretons, le souvenir de mars 2020 est encore omniprésent. Laurent Colsenet, président d’Expo Ouest International, basé à Plouër-sur-Rance (Côtes-d'Armor), a vécu la crise sanitaire et ses conséquences. Il relativise malgré l’ampleur de la déflagration. "La trappe s’est ouverte et on est tombé dedans", se souvient-il. L’installateur général de salons, de la conception à la réalisation, revendiquait 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires en 2019. En 2020, l’activité est tombée à 600 000 euros. "Sans les aides et le chômage partiel, c’était fini pour l’entreprise", estime le Costarmoricain, qui a également dû recourir à des prêts, notamment un Prêt Garanti par l’État (PGE). Grâce à ce soutien gouvernemental, il a pu conserver ses huit salariés.

À Surzur, dans le Morbihan, rien ne laissait présager le coup d’arrêt donné à la croissance continue de l’agence Funbreizh. Créée et pilotée depuis 2009 par Jean-Vincent Petit, l’entreprise dédiée au tourisme d’affaires et aux séminaires d’entreprises, abordait le cap des années 2020-2021 avec la perspective de voir son chiffre d’affaires "passer d’1,8 million d’euros à 3 millions d’euros et de recruter dix personnes supplémentaires", se remémore le dirigeant. Arrive ce fameux 16 mars 2020 et l’annonce d’un confinement strict. Les conséquences ne se font pas attendre : "nous avons perdu un million d’euros en une semaine", peine encore à réaliser Jean-Vincent Petit. Après 15 jours de tourments pour ses 14 collaborateurs, le dirigeant prend la décision de réunir quatre managers afin d’imaginer la suite. "Nous avons développé sept jeux en ligne, pour des séminaires animés et drôles en visio. Cela a bien fonctionné et cela continue de fonctionner. Nous avons pu garder le lien avec nos clients." Peu favorable au PGE au départ, le dirigeant de Funbreizh a fini par le solliciter afin de se donner de l’oxygène économique avant un retour à la normale.

Dans le département voisin, l’année 2020 a également été "catastrophique" pour Saint-Brieuc Expo Congrès, dont la traditionnelle Foire expo vient d’avoir lieu. Le terme est celui employé par son président, Philippe Picou. L’association en charge de l’exploitation du Parc des expositions et du Palais des congrès de Brézillet, à Saint-Brieuc, a vu son chiffre d’affaires baisser de 60 % à 1,2 million d’euros. Les pertes se sont élevées à 450 000 euros, "soit huit à dix années de résultats positifs pour notre structure", souligne le Costarmoricain. Les treize équivalents temps plein ont été placés au chômage partiel et six salariés licenciés, pour un coût supplémentaire de 200 000 euros.

Stop ou encore

Quand cet arrêt d’activité est survenu, une question s’est posée pour ces chefs d’entreprise : poursuivre ou pas ? "Quand on a 14 salariés et donc 14 familles et des locaux, on s’interroge. J’ai fait le pari de continuer en me disant qu’un monde nouveau allait succéder à celui-ci", confie le fondateur de Funbreizh. À Lorient, Thibault Le Carer, fondateur d’Atlant’Events s’est aussi interrogé. Et pour cause, il venait de créer son entreprise… en janvier 2020. "Je n’avais pas le choix. J’ai souhaité continuer : les premiers séminaires d’entreprises ont été décalés. J’ai bénéficié de mon chômage et d’autres aides."

Pour d’autres acteurs, d’autres problématiques se sont ensuite greffées à cette conjoncture hors du commun. C’est le cas de Rivacom comme l’indique Régis Rassouli, le PDG de l’agence de communication et d’événementiel (60 salariés, 7,5 M€ de CA en 2019), basée à Brest et Rennes. "Nous avons aussi eu du mal à trouver des prestataires car certains d’entre eux ont disparu depuis le début de la crise”. Autre problème auquel il a dû faire face : un turn-over important dans ses équipes, avec une vingtaine de départs. “Nous n’avons pas eu trop de mal à les remplacer car nous recrutons sur Paris et que beaucoup de gens veulent s’installer ici”, explique cependant celui qui a d’ores et déjà recruté une quinzaine de nouveaux collaborateurs.

À l’heure où l’événementiel reprend, toutes les difficultés ne sont pas aplanies. À Saint-Brieuc, la Foire expo qui vient de se tenir est dans ce cas de figure. L’édition 2021 revêtait une importance particulière comme l’explique Philippe Picou. "Si nous l’avions annulée comme en 2020, nous risquions de sortir du paysage." Une organisation coûte que coûte car l’événement a connu quelques vents contraires. Des exposants absents car débordés à l’instar des piscinistes ou des vendeurs de spas et de vérandas. L’autre frein renvoie au passe sanitaire qui refroidit certains visiteurs, exposants ou salariés de ces mêmes exposants.

Enfin le contexte aura scellé le sort de certains professionnels. La crise aura ainsi eu raison d’une institution dans le Finistère : le traiteur Pochart, installée à Bourg-Blanc depuis plus de trente ans et qui employait 14 salariés. Déjà fragilisée par l’arrivée de nouveaux acteurs et des taux de marge en baisse, la crise sanitaire aura porté le coup final à l’entreprise, qui a définitivement baissé le rideau en décembre 2020. "Nous sommes aussi contactés par des entreprises internationales comme Booking ou Webex que nous avions peu ou pas jusqu’alors. Elles nous indiquent que leurs prestataires habituels ne leur répondent pas ou plus", observe le dirigeant de Funbreizh.

Innover et se diversifier

La période Covid a aussi été propice aux innovations et diversifications. A Plouër-sur-Rance, Expo Ouest International a très vite su réagir. "Nous avons rapidement édité une plaquette qu’on a envoyée au ministre de la Santé pour lui proposer l’agencement de centres de vaccination provisoires, avant même qu’on en parle. On a eu une réponse." Les réalisations qui ont suivi (centres de Brest, Saint-Brieuc, Dinan…) ont permis de maintenir un peu d’activité… Et de nouvelles opportunités sont apparues. "On regarde les diversifications possibles, comme l’aménagement de bureaux provisoires ou le recloisonnement des grandes plateformes de bureaux", explique Laurent Colsenet,

À Vannes, le parc Chorus vise l’organisation de deux événements simultanés qui "se portent l’un et l’autre", dévoile Patrick Le Mée, dirigeant du parc Chorus, à Vannes (11 salariés fixes hors emplois induits), actuellement en recherche active de nouveaux clients. À Vannes toujours, la start-up Imagina (1 M€ prévu et 20 salariés) et ses applications dédiées aux lieux connectées ont aussi pris le virage de la captation vidéo. "Nous avions amorcé cette diversification : la crise sanitaire nous a conduits à l’accélérer. Et aujourd’hui, cela fait partie de notre offre et cela le restera car cela ouvre de nombreux champs des possibles avec un auditoire plus large et un maintien assuré des événements".

Perspectives encourageantes

"La fin d’année va être compliquée car nos clients font des événements plus petits et quasiment plus de réceptif. Mais nous avons beaucoup de demandes pour 2022 qui viennent se rajouter à nos clients habituels, et l’on sent une grande solidarité dans le secteur, ce qui nous rend plutôt optimistes”, confie Régis Rassouli, de Rivacom. Les brestois d’Audiolite (14 salariés, 4,5 M€ de CA), le principal prestataire de sonorisation et d’équipements scéniques en Bretagne, restent eux aussi confiants. “Nous étions inquiets en début d’été car tout le monde semblait frileux, mais on sent que l’activité redémarre, ce qui est plutôt encourageant ", estime Franck Fily, son coprésident. "Nous sommes également plutôt optimistes quant à la reprise des salles de spectacle, car on sent que ça pourrait repartir rapidement. Mais nous ne sommes pas naïfs et on sait que nous serons les premiers à fermer en cas de revirement de la situation sanitaire…”

Présent en Bretagne Sud depuis deux ans, soit depuis la pandémie, l’organisateur de salons L4M, basé à Lille, mise lui aussi de nouveau sur le retour des salons en présentiel, à l’image des 24 Heures de l’emploi, organisés à Brest, Lorient puis Vannes en septembre. Toutefois, la visibilité semble réduite : "La demande est très forte actuellement et à très court terme. Durant la première quinzaine d’août, nous avons ainsi eu une vingtaine de demandes de séminaires pour septembre. C’est fort jusqu’en octobre mais très calme ensuite, et les clients que nous appelons se projettent peu sur 2022", analyse quant à lui Jean-Vincent Petit, qui mise sur un retournement favorable de la situation : il a déjà recruté six personnes sur les huit embauches prévues cette année.

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