Haute-Garonne
Émile Noyer (FBTP 31) : « Une rupture dans les investissements serait dramatique pour la filière BTP »
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Émile Noyer président de la FBTP 31 Émile Noyer (FBTP 31) : « Une rupture dans les investissements serait dramatique pour la filière BTP »

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Si l’intégralité des chantiers a pu reprendre, la santé économique des entreprises du Bâtiment et des Travaux publics reste précaire. Le président de la Fédération du BTP de Haute-Garonne, Émile Noyer, appelle à une relance de la commande publique pour soutenir la filière.

Pour Emile Noyer, président de la FBTP 31, les pouvoirs publics doivent engager un plan de relance rapide pour préserver les 50 000 emplois de la filière construction en Haute-Garonne — Photo : DR

Quel a été l’impact économique de la crise du coronavirus sur les entreprises du BTP de Haute-Garonne ?

Émile Noyer : Dès le 17 mars, nos entreprises ont été confrontées à un arrêt brutal des chantiers. L’activité n’a commencé à reprendre que vers le 10 avril après la publication du guide de préconisations publié par l’OPPBTP. Depuis la fin mai, on peut dire que l’ensemble des chantiers du département a rouvert, mais en mode dégradé. L’arrêt de l’activité pendant parfois deux mois, avec l’ajournement de certains projets, a un impact direct que nous estimons à 20 % du chiffre d’affaires annuel.

À cela s’ajoutent des surcoûts indirects. On manque encore de recul mais, en fonction du type d’opérations, nous estimons ces impacts entre 10 et 15 % des budgets : immobilisation des matériels plus longue que prévu, installation d’équipements sanitaires sur les chantiers, perte de productivité liée aux mesures sanitaires… C’est la rentabilité de nos entreprises qui est en jeu. On sait que dans le bâtiment, quand une entreprise fait 2 % de résultats, c’est qu’elle a fait une belle année…

Pouvez-vous répercuter ces coûts supplémentaires sur vos clients ?

Émile Noyer : Nous avons engagé des discussions avec l’ensemble des maîtres d’ouvrage, et des solutions de partage des surcoûts ont été trouvées avec plusieurs grands donneurs d’ordre comme Toulouse Métropole, le Conseil départemental de Haute-Garonne et Promologis. Cet accord est d’ailleurs devenu notre référence dans les discussions avec les autres maîtres d’ouvrage, que l’on sent globalement à l’écoute. Ceci dit, nous restons liés par les engagements contractuels pris avant la crise.

Constatez-vous déjà des difficultés parmi les adhérents ?

Émile Noyer : Nous y verrons plus clair à la rentrée. Mais nous constatons déjà des problèmes de trésorerie dans de nombreuses entreprises, notamment les plus petites. Nous travaillons d’ailleurs à la création d’une cellule d’accompagnement de nos adhérents pour le second semestre, afin de les aider à absorber au mieux cette crise. À titre personnel, je suis encore plus inquiet sur le niveau d’activité pour 2021.

Vous anticipez une baisse plus marquée de l’activité l’an prochain ?

Émile Noyer : Le cycle des chantiers est très long, et les signaux que nous envoie le secteur privé ne sont pas bons. Dans l’industrie, on constate déjà l’ajournement de certains investissements et la remise en cause de nouveaux programmes, avec les difficultés que l’on connaît chez Airbus et toute la chaîne de sous-traitants. Idem sur le commerce, où tout est à l’arrêt. Les promoteurs sont eux aussi inquiets : l’allongement des instructions des permis de construire et le contexte électoral retardent les projets, et le potentiel du marché des logements semble moins fort qu’avant la crise, notamment avec la hausse des taux d’intérêt.

Dans ce contexte, une rupture des investissements publics serait dramatique et pourrait aboutir à la destruction de milliers d’emplois, sur les 50 000 emplois que pèse la filière construction en Haute-Garonne. C’est le sens de l’appel pour un plan de relance que nous avons signé la semaine dernière avec la Fédération des promoteurs immobiliers Toulouse Métropole et l’Union sociale pour l’habitat Occitanie Midi-Pyrénées. Les entreprises du BTP ont immédiatement besoin d’une dynamique d’investissement et d’une accélération dans l’instruction des permis de construire.

Avez-vous été entendus par les pouvoirs publics ?

Émile Noyer : On sent une forte mobilisation au niveau local, qu’il s’agisse des collectivités ou des services de l’État. Nous attendons maintenant que plusieurs projets structurants, comme le quartier Grand Matabiau ou la construction de groupes scolaires, soient confirmés et dans les calendriers prévus, afin d’éviter à notre entreprise une rupture dans leurs plans de charge.

Et au niveau du gouvernement ?

Émile Noyer : Je regrette qu’il n’y ait pas de plan de relance pour le BTP comme on l’a vu pour d’autres secteurs industriels comme l’automobile ou l’aéronautique. Nous avons parfois l’impression d’être oubliés par l’État… Ceci dit, on sent aussi une mobilisation au sein du gouvernement. Notre message, c’est qu’il ne faut pas perdre de temps pour relancer la filière construction.

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