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Dix-huit mois après leur reprise, les Moulins Advens poursuivent leur réorganisation
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Dix-huit mois après leur reprise, les Moulins Advens poursuivent leur réorganisation

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En raison d'un redressement judiciaire, le groupe Les Grands Moulins de Strasbourg a été repris par l'un de ses actionnaires minoritaires, le groupe Advens. Dix-huit mois après, Les Moulins Advens poursuivent leur réorganisation à l'aune du déconfinement.

Le groupe Les Moulins Advens possède cinq moulins en France dont le moulin de Strasbourg au Port du Rhin. — Photo : © Nis&For

Il y a tout juste deux ans, en septembre 2018, les Grands Moulins de Strasbourg (GMS) étaient placés en redressement judiciaire en raison de dettes accumulées et de difficultés de trésorerie. Le groupe agro-industriel Advens (CA : 320 M€) « a été le seul à faire une offre de reprise globale », rappelle Karim Ait Talb, directeur général délégué du groupe.

Historiquement spécialisé dans le négoce de produits alimentaires entre l’Afrique et l’Europe, le groupe français Advens comptait Les Grands Moulins de Strasbourg parmi ses fournisseurs. Et ce, jusqu’au début des années 2000 au moment où Advens a arrêté l’export de farine. Lorsque des difficultés financières sont apparues au sein des GMS en 2012, Advens a pris une participation au capital à hauteur de 5 %. À leur reprise en décembre 2018, Les Grands Moulins ont été rebaptisés Les Moulins Advens (LMA) et comptent aujourd’hui encore les cinq moulins en propre que possédaient les GMS, dont Strasbourg, tête de pont du réseau.

Créer un esprit de groupe

Le site de production strasbourgeois, situé au Port du Rhin, emploie en effet 135 personnes sur les 300 collaborateurs de LMA et réalise 65 à 70 % des 200 000 tonnes de farine produites annuellement et des 117 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2019. Aux quatre autres moulins que possède en propre Advens (dans la Sarthe, l’Oise, la Meurthe-et-Moselle et la Corrèze) viennent s’ajouter des participations à hauteur de 49 % dans un moulin à Rennes et à 50 % dans deux moulins pyrénéens.

« Le comité d’entreprise a validé la proposition de reprise d’Advens alors que d’autres candidats repreneurs souhaitaient dépecer le groupe de ses moulins, notamment des repreneurs allemands qui voulaient faire barrage aux capacités françaises », se souvient Karim Ait Talb, dont l’objectif a été « de créer un esprit de groupe alors que chaque moulin fonctionnait en silo ». À Strasbourg, l’effectif est passé de 150 à 125 personnes, avec le départ d’une partie de l’équipe responsable de la situation financière, puis à 135 personnes avec l’embauche de dix nouveaux collaborateurs.

Réorganisation et investissements

En reprenant Les GMS, le groupe Advens a mis la priorité sur « la réorganisation de l’entreprise en travaillant sur les surcoûts, les charges internes et le fonctionnement opérationnel et commercial », explique Lionel Chevrier, directeur général de LMA. Une dynamique d’investissement a été lancée avec un plan de trois millions d’euros sur trois ans, avec une subvention de 15 % de la Région Grand Est. Cette enveloppe est injectée dans l’outil industriel du site strasbourgeois pour réaliser des économies d’énergie, des gains de productivité et améliorer les conditions de travail au moulin et sur les huit lignes d’ensachage de différents formats. Dès 2019, le premier million d’euros a été injecté, notamment dans un nouvel ERP, logiciel de gestion intégrée.

La stratégie de réorganisation semblait porter ses fruits puisque de 5 millions d’euros de pertes en 2018 au moment où l’ancien groupe a été placé en redressement judiciaire, LMA s’est retrouvé à l’équilibre dès l’année suivante. En 2020, LMA aurait même dû dégager des bénéfices. Pour autant, en raison de la double crise sanitaire et économique, « les hypothèses de prévisionnel sont compliquées. À l’heure actuelle, nous estimons que cette année, nous pourrions être à l’équilibre comme nous l’avons été en 2019 » avance prudemment Lionel Chevrier.

Réajuster les conditionnements pendant le confinement

L’industrie meunière a été très sollicitée pendant le confinement, considérée comme activité nécessaire à la Nation. Pour autant, au sein des Moulins Advens, l’utilisation des capacités de production a été contrastée, ce qui conduit à ce prévisionnel incertain pour la fin d’année. À Strasbourg, la production du moulin est destinée à 25 % à la grande distribution, à 25 % aux artisans boulangers et à 50 % aux industriels. Si durant le confinement la production a été multipliée par trois pour le petit conditionnement, la production pour l’activité des artisans boulangers et des industriels a chuté de 15 %. Au sein du groupe, la production de certains moulins est à 80 % voire 96 % réservée aux industriels. « Sur ces sites, nous avons dû activer le chômage partiel car les débouchés pour l’industrie ne suivaient plus. De plus, un prêt garanti par l’État nous a rapidement été accordé », détaille Lionel Chevrier. « Même si les volumes vers la grande distribution ont contribué à compenser les pertes vers les boulangeries et les industriels, les marges que nous y réalisons sont extrêmement faibles », complète Karim Ait Talb, qui reste néanmoins discret au sujet des pertes enregistrées. Au sortir de l’été, les volumes auprès des industriels et des boulangeries peinaient à retrouver leur vitesse de croisière.

Durant le confinement, les images de rayons de farine vides en grandes surfaces ont bel et bien marqué les esprits. Pourtant, ce n’est pas tant dû à un défaut de matière première, les moulins français étant approvisionnés en blé. Ce qui a grippé la machine, c’est l’ensachage en petits conditionnements. « Face à la concurrence des prix en Allemagne, en Italie ou encore en Pologne, la meunerie française a progressivement délaissé ses capacités d’ensachage en volume d’un kilo destiné aux particuliers, les grandes surfaces faisant jouer la concurrence étrangère. Or, pendant le confinement, les sacs d’un kilo en provenance des pays européens ne sont pas arrivés en France et les moulins français ont à nouveau été sollicités pour ces formats », décrit Karim Ait Talb. À Strasbourg, le moulin avait réalisé un stock de sachets avant le confinement, ce qui lui a permis d’honorer les commandes de la grande distribution, à coups de renfort de main-d’œuvre, même de la part de la direction, sur les trois lignes d’ensachage en sacs d’un kilo.

Pour tirer les leçons du confinement, la meunerie française espère une prise de conscience de la grande distribution qui s’engagerait à soutenir une production tricolore en petit conditionnement. Même si LMA en est aux balbutiements des négociations, il existe, selon Karim Ait Talb, « des signes encourageants du côté des partenaires qui ont des raisons de faire confiance à un repreneur au bout d’un an. Nous avons démontré notre capacité à livrer pendant le confinement ». Ainsi, si les conditions sont réunies pour engager le dernier volet d’investissement en 2021 à Strasbourg, le million pourrait être placé dans une nouvelle ligne de conditionnement en petits volumes.

Développement des filières et diversification

En parallèle, LMA poursuit son travail pour s’approvisionner exclusivement en blé français et cultivé au plus près des moulins du groupe. « La stratégie est de développer et d’améliorer la qualité de la farine à travers du blé en provenance de filières CRC (cultures raisonnées contrôlées), sans insecticides, Label Rouge ou encore bio, même si l’agriculture biologique représente une très petite part de la production pour le moment », explique Xavier Villette, directeur produits et commercial grands comptes. LMA, qui a mis un terme à l’export en raison de la concurrence des pays européens, mise sur le marché français, aussi bien pour l’approvisionnement en blé que pour la distribution de la farine. « Se sourcer en local a certes un coût, mais c’est une démarche vertueuse. L’ambition est de poursuivre vers le haut de gamme », précise Xavier Villette.

Enfin, à côté de la farine, il sort des lignes de production strasbourgeoises un aliment aux parfums exotiques. LMA fabrique de la Dakatine, « une pâte d’arachide très utilisée au Maghreb, en Afrique de l’Ouest et outre-mer. C’est un produit en développement car il est riche en protéines végétales, une propriété appréciée dans les régimes alimentaires spécifiques », décrit Lionel Chevrier. Actuellement, 2 000 à 3 000 tonnes de Dakatine sont produites par an. Mais un investissement de 800 000 euros en cours va permettre d’automatiser l’une des deux lignes de production d’ici la fin d’année. Les volumes devraient ainsi atteindre les 5 000 tonnes par an. « Nous réfléchissons à développer l’export vers les pays européens limitrophes, grands consommateurs de pâte d’arachide contrairement à la France où elle est moins présente dans les habitudes de consommation », constate le directeur de LMA. Une tendance qui pourrait évoluer avec la commercialisation, avant la fin d’année, d’une Dakatine certifiée bio.

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