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Des bureaux du cœur pour réparer la vie
Nantes # Services # Social

Des bureaux du cœur pour réparer la vie

Pierre-Yves Loaëc est président et fondateur de l’agence de communication nantaise Nobilito. Il est aussi le fondateur et vice-président de l’association les Bureaux du cœur qui propose un hébergement d’urgence au sein des entreprises à des personnes en grande précarité.

Pierre-Yves Loaëc, fondateur et président de l’agence de communication Nobilito, et fondateur de l’association les Bureaux du cœur — Photo : David Pouilloux

Dans une expression populaire, les cœurs ont leur bourreau, mais à Nantes, et dans une trentaine de villes en France, ils ont leurs bureaux. Et leur avocat, leur porte-parole et leur fondateur en la personne d’un dirigeant nantais : Pierre-Yves Loaëc. L’homme, 47 ans, né à Brest, qui se dit volontiers bricoleur, aime réparer. "Dès que j’ai un moment à moi, je bricole, raconte celui qui dirige l’une des agences de communication les plus en vue de la place nantaise, Nobilito. Ce que je fais avec les bureaux du cœur est une forme de réparation. C’est de la réparation sociale."

Retrouver son intimité

Sur l’île de Nantes, nous sommes au cœur de la Cité des Ducs de Bretagne. Là où la ville renaît de ses cendres industrielles, les bureaux de Nobilito accueillent les 33 salariés de l’entreprise, mais aussi un espace dédié à l’accueil de personnes en grande précarité. Un lit, une kitchenette, une douche, des toilettes et un salon où dîner offrent sur 40 m2 de quoi trouver un refuge, lorsque l’on n’a plus de toit, que l’on a faim et froid, que sa vie sociale s’est effondrée de toutes parts. "Les locaux d’une entreprise ne servent à rien 70 % du temps, relève le dirigeant de Nobilito. C’est une hérésie. Il y a quand même une espèce d’évidence à les utiliser : ils sont chauffés, confortables et facilement réaménageables pour la nuit. La personne que nous accueillons a les clés. Elle retrouve une chose très importante : une intimité. Une intimité qu’elle ne trouve pas toujours dans les foyers où il faut partager sa chambre."

Une idée qui devait devenir collective

Fondés en 2019, par celui qui est alors le président de l’antenne nantaise du Centre des jeunes dirigeants, Les Bureaux du cœur sont une réussite indéniable qui a essaimé depuis sa naissance en 2019. "Lorsque j’ai lancé le projet, j’étais aux manettes du CJD de Nantes, se souvient Pierre-Yves Loaëc. Aussitôt, quinze mains se sont levées pour m’aider. Cette idée devait devenir collective pour qu’elle puisse éclore. Aujourd’hui, nous sommes cent bénévoles, et plus de 200 entreprises sont engagées, dans une trentaine de villes en France, et trois à l’étranger, Lisbonne, Barcelone et Bruxelles." L’ambition de l’association : héberger 7 500 personnes d’ici à 2030.

La personne hébergée peut rester de trois à six mois. "Cet hébergement d’urgence est une solution de secours qui permet de se poser. Mais il est important qu’il y ait un roulement pour que la personne poursuive la recherche d’un logement durable", explique Pierre-Yves Loaëc. Les candidats à l’hébergement sont proposés par des associations caritatives. "Rien qu’à Nantes, une vingtaine d’associations sont nos partenaires", rapporte le fondateur des Bureaux du cœur. L’entrepreneur engagé sourit et lance : "Comme Steve Jobs, j’ai créé ma boîte dans un garage. Mais je m’ennuyais tout seul. J’ai créé mon équipe. Une entreprise est un objet économique, mais c’est également un objet social." Sous son égide, c’est devenu un objet social étendu à la vie de la cité.

Cela relève de l’évidence : on ne se lance pas dans pareille aventure sans être profondément imprégné de principes humanistes. D’ailleurs, Pierre-Yves Loaëc le reconnaît volontiers : "Il y a une histoire de marmite dans ma vie. Je suis tombé dedans quand j’étais petit. Je suis née dans une famille catholique bretonne où il était impensable de ne pas aider son prochain, de ne pas agir contre la pauvreté." L’œil bleu comme l’océan du Breton brille quand il murmure : "Je suis davantage un catholique touriste aujourd’hui, mais les valeurs que l’on m’a transmises font partie de l’homme que je suis."

Deux coups de tonnerre

Cette imprégnation familiale a des allures de terreau fertile où a pu germer la graine du projet de l’association. Deux faits marquants joueront le rôle d’orages à la pluie nourrissante. "Je sortais de mes anciens bureaux, quai de la Fosse, à Nantes. Je voyais tous les jours une femme âgée dormir dans des cartons. Un soir, il faisait moins 5 degrés. Je suis monté dans ma voiture et je me suis fait cette réflexion : "Est-ce que tout cela est normal ?"" Quelques semaines plus tard, la conscience de Pierre-Yves Loaëc encaisse une nouvelle secousse. "On recevait un couple d’amis à la maison, et ils nous racontent qu’ils hébergent chez eux un migrant. Ma femme m’interpelle et me dit : "Et si, nous aussi, on le faisait ?" Je le reconnais, j’ai alors manqué de courage, et j’ai dit non. Mais aussitôt après, j’ai ajouté un "mais"." Nous n’allions pas le faire à la maison, mais au bureau." Il ajoute : "Je suis amoureux de ma femme. Je ne voulais pas la décevoir."

L’ancien élève de l’IUT de Lannion et l’ancien étudiant de SciencesCom n’estime pas faire quelque chose d’original. "Le fondateur du CJD, Jean Mersch, l’a gravé dans le marbre en 1938, puisque la raison d’être de cette association est de "mettre l’économie au service de l’humain", rapporte-t-il. Ce concept n’a pas pris une ride en 80 ans. Aider les autres comme nous le faisons avec Les Bureaux du cœur est une expérience unique, pour soi, en tant que chef d’entreprise, mais aussi pour nos collaborateurs. C’est simple, ça ne coûte rien, et ça rapporte gros en aventure humaine."

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