Pour Sylvie Jéhanno, la PDG de Dalkia (CA : 6,7 Md€ ; 20 000 salariés), les enjeux liés à la décarbonation de la production de chaleur en France ne sont pas assez compris : "La production de chaleur, c’est 50 % de la consommation globale de notre pays", explique la dirigeante. "Pour autant, 70 % de cette énergie est encore produite par des énergies fossiles. Si on veut tenir les objectifs de la décarbonation, il est nécessaire de décarboner la production de chaleur." Le sujet méritait donc bien un déplacement : Sylvie Jéhanno s’est rendue en personne à Lunéville, en Meurthe-et-Moselle, pour lancer le chantier de la chaufferie 100 % biomasse de la commune, dimensionnée pour alimenter les 51 points de livraison du futur réseau de chaleur urbain, comprenant des bâtiments publics mais aussi privés, pour 3 300 équivalents-logements.
Désigné suite à un appel d’offres, le groupe Dalkia va investir un total de 21,8 millions d’euros dans la création de ce nouveau réseau de chaleur : 10,5 millions d’euros pour la chaufferie, dont 3,8 millions d’euros apportés par le Fonds chaleur de l’Ademe, le reste de l’enveloppe étant consommé par les travaux de pose des 12 kilomètres de réseau. "Nous serons prêts pour la saison de chauffe 2024-2025", assure Catherine Paillard, la maire de Lunéville, sans minimiser les perturbations liées à ce type de chantier, notamment en termes de circulation.
Compensation et financement participatif
D’une puissance de 8,5 MW, la chaufferie, sera donc alimentée à 100 % par du bois énergie, comprendre les produits connexes liés à l’exploitation des arbres, comme les branchages, avec un secours gaz. "Jusqu’à présent, nos chaufferies étaient alimentées à 50 % puis 70 % par du bois énergie. La technologie évolue, et nous permet donc d’aller plus loin aujourd’hui", détaille Sylvie Jéhanno. Sourcés par une filiale de Dalkia appelée Bois Énergie France, les 16 000 tonnes de bois-énergie nécessaires à l’alimentation annuelle devront être issues d’exploitations forestières basées dans un rayon inférieur à 100 kilomètres autour de la future chaufferie.
Soucieuse de minimiser au maximum l’impact environnemental de cette chaufferie, la collectivité a accepté la proposition de Dalkia visant à compenser les émissions de CO2 liées au transport du bois-énergie en plantant "entre 3 et 5 hectares de forêt", sur le territoire de Lunéville, dans un lieu restant à déterminer. Dans le même esprit, et pour faciliter l’acceptation sociale du projet, 650 m2 de panneaux photovoltaïques seront installés sur un des toitures de la chaufferie : un projet dans lequel les habitants de Lunéville et de la Communauté de communes du territoire de Lunéville à Baccarat pourront investir, à travers un financement participatif de 300 000 €, porté par la société Enerfip.
Estimant qu’une chaufferie biomasse est un "outil politique" au service du territoire, Sylvie Jéhanno rappelle que l’utilisation de plaquette forestière va permettre de "garder des prix de l’énergie relativement stable" pendant toute la durée de la délégation, soit 25 ans. "Les prix payés seront dans tous les cas décorrélés des spéculations internationales sur les prix des énergies fossiles", insiste la PDG de Dalkia.
