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CSRD : derrière la nouvelle obligation de reporting extra-financier, un enjeu de protection de la valeur
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CSRD : derrière la nouvelle obligation de reporting extra-financier, un enjeu de protection de la valeur

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L'entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne CSRD sur le reporting d'informations extra-financières pour les grandes entreprises va impacter les PME dès le début 2024. Explications.

A partir du 1er janvier 2024, les grandes entreprises et institutions d'intérêt public publiques vont devoir se mettre en quête de centaines d'informations pour réaliser dès 2025 leur premier reporting extra-financier. — Photo : stokkete

Douze standards, 82 exigences de reporting, 1 100 indicateurs : voilà ce que les entreprises vont devoir se coltiner à partir du 1er janvier 2024 avec l'entrée en vigueur progressive de la directive européenne CSRD (Corporate sustainability reporting directive) qui modifie les règles de reporting extra-financier. Publiée au Journal officiel du 7 décembre, la transposition de la CSRD en droit français impose la publication par les entreprises d'informations très détaillées en matière de responsabilité durable.

Avec le "green deal", l'Union Européenne a fixé un objectif extrêmement ambitieux : le pacte vert ambitionne de faire de l'Europe le premier continent neutre en carbone d'ici 2050. Cette ambition se décline en plusieurs réglementations. En 2021, a déboulé la taxonomie durable européenne, qui classe les activités économiques vertes ayant un effet favorable sur l'environnement. Cette réglementation s'applique aux sociétés cotées et établissements d'intérêt public, autrement dit les sociétés qui émettent des titres ou émettent de la dette sur les marchés réglementés. Objectif : flécher les capitaux sur les activités qui concourent à l'atteinte des objectifs environnementaux de l'Union européenne.

Ce que change la directive CSRD

L'entrée en vigueur de la CSRD va permettre de s'assurer que tout le monde est en marche pour atteindre ces objectifs. "Il existait déjà une directive sur le reporting extra-financier, la NFRD (Non financial reporting disclosure) mais elle était peu prescriptive et seuls trois Etats membres avaient choisi, en pionniers de la transparence, de rendre ces informations auditables : la France, l'Italie et l'Espagne ", explique Jérémie Joos, associé KPMG en France, co-responsable du Centre d'excellence ESG de KPMG en France. "La directive CSRD fixe un cadre harmonisé sur l'ensemble du territoire communautaire pour ce reporting et lui donne un niveau de robustesse extrêmement fort, en rendant l'audit obligatoire et en augmentant le niveau d'exigence attendu". D'ici trois ans, ce niveau d'exigence en matière d'audit extra financier sera strictement identique au niveau d'exigence sur l'information financière.

Calendrier : le compte à rebours s'enclenche au 1er janvier 2024

A partir du 1er janvier 2024, les grandes entreprises et institutions d'intérêt public publiques vont devoir se mettre en quête de centaines d'informations pour réaliser dès 2025 leur premier reporting extra-financier. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les PME cotées suivront, selon un calendrier progressif voulu par la Commission européenne. A partir de 2026, au titre l'exercice fiscal démarrant le 1er janvier 2025, seront concernées les entreprises remplissant deux des trois critères suivants : plus de 250 salariés, avec un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros ou un total de bilan de 25 millions d'euros au moins. Puis en 2027 les PME cotées seront soumises à la CSRD, au titre de l'exercice fiscal démarrant le 1er janvier 2026 si elles comptent au moins 10 salariés, et affichent 700 000 € de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 350 000 €.

"Ce n'est plus le statut juridique qui détermine l'obligation mais la taille de la société sur le territoire européen"

Nouveauté de la directive CSRD sur son ancêtre la NRFD ? Elle s'impose également aux entreprises non communautaires exerçant une activité sur le territoire européen supérieure à 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nestlé, Coca-Cola Disney, Facebook, Apple, Hitachi, etc., vont devoir émettre du reporting extra-financier. Auparavant, certains groupes s'affranchissaient de l'obligation d'émettre un rapport extra-financier en profitant d'avantages juridiques. Ce ne sera plus possible à compter de l'exercice fiscal 2028. "Désormais, ce n'est plus le statut juridique qui détermine l'obligation mais la taille de la société sur le territoire européen", observe Jérémie Joos. "D'ailleurs nos clients américains sont déjà en train de regarder ce texte et de s'y préparer au plus tôt".

Pourquoi il faut s'y préparer dès à présent.

Si 2027 ou 2028 peuvent paraître loin, mieux vaut anticiper. PME et ETI vont en fait être concernées dès 2024 par l'entrée en vigueur de la CSRD. Même si l'entreprise n'est pas soumise cette année à cette obligation de reporting, ce n'est pas le cas de ses clients, grandes entreprises ou grands groupes : PME et ETI fournisseurs ou sous-traitants vont devoir leur fournir un certain nombre d'informations pour nourrir leur rapport d'exercice 2024. Déjà de nombreuses PME sont sollicitées par les grands groupes pour transmettre des informations pour le calcul de leur empreinte carbone.

"Ce texte offre pour l'entreprise l'opportunité de construire un message stratégique"

Pas le choix donc. Mais la contrainte peut aussi se révéler un levier de performance et de compétitivité : elle fournit aux entreprises vertueuses l'occasion de mettre en avant tous les efforts réalisés sur les sujets environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG). "Ce texte offre pour l'entreprise l'opportunité de construire un message stratégique avec ses clients, ses investisseurs, les financeurs et toutes ses parties prenantes externes pour en faire un levier de réputation, d'accès au capital et de création de valeur", conseille Jérémie Joos. "La directive CSRD n'est pas qu'un sujet réglementaire. Elle est aussi un sujet de protection et de création de valeur pour les entreprises", conclut l'expert.

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