Marseille
Coronavirus : Patrick Siri (P.Factory) : « L’avenir de la start-up nation va être compliqué »
Interview Marseille # Création d'entreprise

Patrick Siri Co-fondateur de l’accélérateur P.Factory Coronavirus : Patrick Siri (P.Factory) : « L’avenir de la start-up nation va être compliqué »

S'abonner

Cofondateur et codirigeant, avec Bertrand Bigay de l’accélérateur marseillais P.Factory, qui accompagne une centaine de jeunes entreprises, Patrick Siri s'inquiète pour l'avenir des start-up.

Patrick Siri, cofondateur et codirigeant, avec Bertrand Bigay, de l'accélérateur marseillais P.Factory — Photo : D.R.

Comment se passe le confinement au sein de P.Factory ?

À P.Factory nous sommes sept personnes. Tout le monde a été mis en télétravail et quelques salariés sont maintenant en chômage partiel car l’activité est réduite. Nous assurons 100 % du salaire à nos collaborateurs. Nous avons découvert les nombreux outils de télétravail à notre disposition et, force est de constater qu’ainsi, les réunions sont plus courtes et plus efficaces. J’étais assez réticent au départ, mais cette crise va permettre de changer les habitudes. Quand l’activité reprendra, une part de télétravail subsistera sans doute, afin par exemple de pouvoir éviter les heures de pointe et d’arriver plus tard dans l’entreprise en ayant déjà participé à des réunions… Certains grands groupes peuvent également se rendre compte qu’ils ont besoin de moins de mètres carrés et réduire la superficie de leurs bureaux.

Comment vont les start-up que vous accompagnez ?

Elles sont en difficultés. À part quelques-unes qui sont positionnées sur le secteur de la santé et qui tirent leur épingle du jeu, les autres sont au point mort. Carbookr, par exemple, qui propose une plateforme de location de voitures pour les besoins des entreprises et des voyageurs d’affaires, n’a plus d’activité. De même, pour Fenotek, qui conçoit et distribue un interphone intelligent vendu notamment dans la grande distribution spécialisée en bricolage. Tout est actuellement fermé. Toutes nos start-up sont dans des situations similaires. Nous leur avons donc conseillé de se mettre en dépenses nulles et de tenir avec leur trésorerie. Il faut régler la TVA et les fournisseurs pour que l’économie tourne, mais ensuite il faut essayer, pour celles qui le peuvent, de profiter des aides gouvernementales. Toutefois, pour les start-up qui ont moins de trois ans cela va être difficile. Il va y avoir des faillites, cette crise va laisser des traces. Il faut essayer de tenir en dépensant le moins d’argent possible jusqu’à ce que l’économie reprenne et que les levées de fonds se fassent…

Qu’en est-il justement des levées de fonds en cours ?

La quasi-totalité des levées de fonds sont bloquées et reportées. Outre que beaucoup de business angels ont eu des revers en bourse, ils fonctionnent en général « au moral ». Quand la situation est tendue, personne ne veut investir dans un secteur aussi risqué que les start-up. L’avenir de la « start-up nation » voulue par Emmanuel Macron va être compliqué jusqu’à la fin de l’année. Les conditions ne sont pas favorables à la création d’entreprise. Les aides vont pendant un temps aller à la reprise de l’économie. Au sein de P.Factory, nous suivons une centaine de start-up, dont 65 ont déjà levé des fonds. Nous n’allons sûrement pas investir dans de nouvelles entreprises d’ici à la fin de l’année. Nous allons plutôt remonter au capital de certaines de celles que nous accompagnons. Nous réfléchissons à mettre en place une enveloppe de 100 000 à 200 000 € qui nous permettrait de mieux accompagner celles qui en auront besoin. Il faut réfléchir dès à présent à la sortie de crise. Pour redémarrer, les entreprises vont avoir besoin d’investir, de payer à nouveau les salaires, d’acheter de la matière première. Comment va-t-on s’y prendre s’il n’y a plus d’argent ?

Les aides promises par le gouvernement fonctionnent-elles ?

Pour les start-up, c’est très compliqué. Le Prêt garanti par l’État (PGE), notamment, pose problème. Des banques ne jouent pas le jeu. Le prêt est soumis à une série de règles de bonne santé que les start-up ne remplissent pas toujours. Les assureurs également ne jouent pas le jeu concernant le risque de perte d’exploitation. Ces attitudes sont scandaleuses…

Marseille # Création d'entreprise