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Coronavirus : Barrault Horticulture contraint de sacrifier ses plantes
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Coronavirus : Barrault Horticulture contraint de sacrifier ses plantes

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Le secteur de l’horticulture est frappé de plein fouet par la crise actuelle, à une période de l’année où il réalise la part la plus importante de son chiffre d’affaires. Dans l’entreprise Barrault Horticulture, en Maine-et-Loire, 500 000 euros de produits seront détruits cette semaine parce qu’ils ne peuvent être commercialisés.

Barrault Horticulture, implantée sur les bords de Loire à La Possonnière, est l'une des grandes entreprises du secteur en France — Photo : Barrault Horticulture

Avec 10,7 millions d’euros de chiffre d’affaires, Barrault Horticulture, implantée sur 32 hectares, compte parmi les grandes entreprises du secteur de l’horticulture, dans les Pays de la Loire et en France, avec 100 salariés en équivalent temps plein. Créée en 1952, la société familiale de La Possonnière (Maine-et-Loire) dirigée par les deux petites-filles des fondateurs, connaît une situation sans précédent : ce qu’elle produit ne peut pas être vendu, à une période où elle réalise 60 % de ses revenus annuels.

La plus importante période de l’année

« Tout ce que l’on sait sur notre métier est balayé ! On ne sait ni comment faire, ni quelle stratégie adopter. » Claire Barrault, à La Possonnière, est désemparée : avec sa sœur Véronique, elle a repris l’entreprise familiale d’horticulture en juillet 2014 et la situation actuelle la laisse pleine d’inquiétudes.

Pourtant, les aléas, elle connaît : dans une profession où l’on travaille avec du vivant, on sait jongler avec la nature et ses caprices.Mais, face à un virus et à un confinement, comme toute la profession horticole, elle est aujourd’hui face à ce qu’elle nomme « une calamité » sans précédent. Et avec ce fléau, beaucoup d’inquiétudes : « Du 15 mars à la fête des Mères, soit environ jusqu’à fin mai, nous vendons pour plus de 6 millions d’euros de plantes, confie-t-elle. C’est notre plus importante période de l’année, et nous mettons aussi en route beaucoup de choses. Nous avons donc déjà engendré tous nos frais pour l’an prochain : les jeunes plants, les pots, le terreau, sans compter la main-d’œuvre. Mais cette année, rien ne sort de l’entreprise, alors que c’est maintenant que nos produits devraient partir. »

Ce qui n’est pas vendu ne le sera pas

La semaine passée, pour faire de la place et parce que certaines plantes arrivent à maturité, elle a jeté pour 231 000 euros de marchandise. Cette semaine, ce sera 500 000 euros ! L’entreprise spécialisée dans les plantes vivaces, vertes ou à massif, mais également les plantes aromatiques et, en moindres proportions, les plants potagers, doit détruire une partie de sa production pour faire de la place à ce qui doit être mis en culture cette année, et parce qu’elle sait que ce qui n’est pas vendu aujourd’hui ne le sera pas. Mais ce que l’on conserve, il faut néanmoins continuer de l’entretenir. Car les plantes prennent leur temps pour pousser mais ne s’en arrêtent pas pour autant quand les magasins ferment.

Des jardineries fermées

Habituellement, les productions de Barrault Horticulture quittent l’entreprise des bords de Loire pour la France entière et même la Belgique. Elles sont vendues à des jardineries, enseignes nationales ou indépendantes, des Villes pour leur service espaces verts, des professionnels paysagistes ou fleuristes, mais également en godets à des pépiniéristes qui les replanteront pour en poursuivre la croissance. « Nous passons par une plateforme logistique qui a été fermée pendant trois semaines, explique Claire Barrault. Les jardineries, qui sont elles aussi fermées, vendent plus de 60 % de nos produits. D’une part, celles-ci vont connaître de grosses difficultés et il faut que l’on soit sûr d’être payés lorsqu’elles rouvriront et reprendront nos produits. D’autre part, il serait bon que le consommateur soutienne la filière. Sinon, nous serons condamnés à une double peine », La dirigeante redoute en effet que la fin du confinement n’ouvre la porte à une concurrence étrangère redoublée, face à laquelle les producteurs français peineront à s’aligner.

Ne pas avoir à licencier

Pendant ce confinement, dans la filière horticole, non seulement l’on sacrifie des plantes, mais on continue aussi à travailler. Cette semaine, l’entreprise Barrault Horticulture emploie une cinquantaine de personnes pour 21 heures, plus encore que les trois semaines précédentes où l’entreprise a essayé de réduire l’activité. La production nécessite en effet de la main-d’œuvre, et si une partie de l’effectif a été mise en chômage partiel, une autre est sur le site. « À cette période, nous devrions être à 44 heures hebdomadaires, confie Claire Barrault, puisque nous travaillons avec un système de modulation. Nous avons pris des mesures sanitaires strictes, en toute transparence. Mais j’espère ne pas avoir à licencier. La majorité des salariés ont plus de dix ans d’entreprise, le choix serait très douloureux et impossible à faire. Nous n’avons déjà pas pu renouveler notre main-d’œuvre saisonnière qui a besoin de ce travail. »

Claire Barrault sait déjà que 2020 sera une année très noire, elle qui avait commencé sous les meilleurs auspices : un hiver pluvieux sans grand froid, un encourageant début de printemps ensoleillé, avant ce coup d’arrêt aussi violent qu’inattendu. « Il nous faudra deux à trois années pour nous en remettre, envisage-t-elle déjà. Ce qui est perdu ne se rattrapera pas et il nous restera que des miettes cette année. Même si notre entreprise a les reins solides, nous allons bloquer tous nos investissements et il va falloir faire le dos rond ». Au-delà de ses propres difficultés, la dirigeante angevine espère bien que la voix de toute la filière, très fortement impactée, sera entendue en haut lieu et que des mesures seront prises nationalement pour la soutenir : « Dans notre métier, on joue à la loterie tous les ans. On fait un pari, on prend des risques et on ne sait jamais ce qui va se passer. Pour ça, on s’appuie sur l’expérience et notre historique, mais ici on ne peut se baser sur rien. On ne sait même pas ce qu’il va nous rester pour jouer à la loterie ! »


Les Pays de la Loire, première région horticole en nombre de salariés

Les Pays de la Loire comptent parmi les grandes régions horticoles de France. — Photo : Pixabay

La FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l’horticulture et des pépinières) révèle dans son édition 2019-2020 des chiffres clés du secteur. La production de végétaux représente en France environ 3 300 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 1,64 Md€. Seules 0,7 % d’entre elles ont un chiffre d’affaires supérieur à 6 M€, ce qui place Barrault Horticulture (10,7 M€ de CA) parmi les grandes entreprises du secteur. La filière nécessitant une forte main-d’œuvre, elle emploie plus de 10 000 personnes de façon permanente, auxquels s’ajoutent un nombre important de saisonniers. Quatrième région horticole française en termes de chiffre d’affaires (296 M€), les Pays de la Loire est celle qui compte le plus de salariés, 3 862 répartis dans 314 entreprises. La consommation en végétaux des ménages français est estimée à 2,71 Md€.

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