Conflit Airbus-Boeing : après la suspension des sanctions, la viticulture veut croire à une sortie de crise
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Conflit Airbus-Boeing : après la suspension des sanctions, la viticulture veut croire à une sortie de crise

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Bientôt l’épilogue du conflit Airbus-Boeing entre les États-Unis et l’Europe ? Les deux parties ont accepté de mettre en pause, pour quatre mois, les surtaxes qu’ils se sont appliquées réciproquement, et progressivement, depuis octobre 2019. Un soulagement pour l’aéronautique, et encore plus la viticulture, durement touchée par ces droits de douane additionnels.

Vieux de plus de seize ans, le différend américano-européen sur les avionneurs s’est ainsi retourné contre la filière du vin en octobre 2019, lorsque la bataille juridique a viré à la guerre commerciale — Photo : DR

La hache de guerre est enterrée - au moins provisoirement. L’Union européenne et les États-Unis se sont finalement entendus, le 5 mars, pour suspendre, pendant quatre mois, leurs mesures de rétorsion réciproques contre leurs aides publiques respectives, et contestées, à Airbus et Boeing. Le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester a rapidement salué une "excellente nouvelle", à la fois pour l’aéronautique, mais aussi la viticulture, victime collatérale de ce conflit.

La viticulture française soulagée par la trêve

La filière du vin a ainsi été prompte à se féliciter de cette décision. Et pour cause : elle est la plus exposée aux sanctions américaines. Ainsi, les vins tranquilles en bouteille subissent actuellement une surtaxe de 285 millions d’euros par an, selon les douanes françaises.

Dans ces conditions, la trêve "va apporter un soulagement particulièrement bienvenu" aux entreprises, "qui, depuis 18 mois, subissent ces taxes injustes, issues d’un conflit qui leur est étranger", a soufflé la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Il y a un mois, cette organisation professionnelle s’était alertée d’un "coup d’arrêt brutal" des ventes à l’étranger (près de -14 % de CA en 2020), imputée à la pandémie de Covid-19, autant qu’aux droits de douane additionnels américains. Preuve en est : l’export des bouteilles ciblées s’est effondré de près de moitié dans l’année qui a suivi leur instauration.

Vieux de plus de seize ans, le différend américano-européen sur les avionneurs s’est ainsi retourné contre la filière du vin en octobre 2019, lorsque la bataille juridique a viré à la guerre commerciale. C’est à cette époque que Washington a décidé d’imposer des droits de douane supplémentaires sur les avions (à hauteur de 10, puis 15 %) et sur les vins (+25 %) en provenance du Vieux Continent. Des surtaxes, autorisées par l’OMC, sur 7,5 milliards de dollars (6,3 Md€) de marchandises par an (dont 1,1 Md€ à l’encontre des seuls vins français). L’administration américaine avait encore enfoncé le clou en janvier, avec une deuxième lame sur de nouveaux vins et spiritueux, dont le cognac. Entretemps, l’Union européenne avait obtenu le droit de lancer sa propre riposte, mais sur un périmètre plus limité de 4 milliards de dollars (3,4 Md€).

La filière du vin réclame des aides pour se relancer

Malgré l’armistice entre les États-Unis et l’UE, le secteur du vin ne crie pas encore victoire. L’Assemblée des régions européennes viticoles n’y voit d’ailleurs qu’une "lueur d’espoir". Elle appelle Américains et Européens à "conclure en urgence les procédures internes", qui conditionnent encore la mise en place effective de cette suspension. Et leur demande de mettre à profit les quatre mois qui suivront pour trouver une issue définitive au conflit Airbus-Boeing.

Même tonalité à la FEVS. Son président insiste aussi sur "les dommages endurés par nos entreprises […] : il appartient à l’État de les soutenir maintenant pour leur permettre de rebondir rapidement et de regagner les parts de marché aux États-Unis qu’elles avaient perdues", souligne César Giron.

Après avoir chiffré ses pertes à 100 millions d’euros en 2020, le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux réclame également des « compensations » : « Il y a un certain nombre d’aides pour la filière viticole, parce qu’il y a la crise Covid-19, a noté Bernard Farges, le président du CIVB, sur France 3. Mais il n’y en a aucune réellement à la hauteur des enjeux et des conséquences liées aux taxes Airbus… »

Un soutien public à l’aéronautique à redéfinir

Et les principaux intéressés dans tout cela ? Airbus et Boeing ont chacun fait part de leur souhait de voir se résoudre ce conflit et s’imposer, à l’avenir, des "règles du jeu équitables". La balle est désormais dans le camp des autorités américaines et européennes.

Les deux prévoient de redéfinir ensemble les limites acceptables d’un soutien public à leur secteur aéronautique. Mais pas seulement : ces quatre mois de délai devront permettre aussi de s’attaquer aux "distorsions commerciales et aux défis posés par les nouveaux entrants sur le secteur, issu d’économies dirigées, comme la Chine", précise le communiqué conjoint de Bruxelles et Washington. La guerre économique autour de l’avion est donc loin d’être terminée. La ligne de front, en revanche, pourrait bientôt bouger.

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