Biocoop : "C’est la bio industrielle qui est en crise aujourd’hui"
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Pierrick de Ronne président de Biocoop "C’est la bio industrielle qui est en crise aujourd’hui"

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Le premier réseau de magasins bio de France, Biocoop, résiste tant bien que mal à la crise du marché du bio. Ayant son siège social en région parisienne, Biocoop compte se démarquer de la grande distribution par un positionnement plus radical et militant. Explications de Pierrick de Ronne, président de la société coopérative.

Pierrick de Ronne, président du réseau Biocoop — Photo : TANGRE Laura

Comment se porte Biocoop sur un marché bio à la peine ?

Biocoop pèse 45 % du marché bio. Nous sommes donc un gros acteur sur ce marché, mais un petit par rapport à la GMS. Nous réalisons un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros avec plus de 9 000 salariés et travaillons avec 20 % des producteurs bio en France. Dans un contexte compliqué, nous nous en sortons moins mal que d’autres enseignes. En 2022, nous avons limité notre baisse d’activité à 6 % sur un marché qui a connu une décroissance moyenne de 12 %. Cela signifie que certaines enseignes ont été très impactées. Avec 220 fermetures de magasins pour 100 ouvertures, le réseau des magasins spécialistes de la bio a connu, pour la première fois de son histoire, une perte en mètres carrés.

Biocoop a, pour sa part, fermé 36 magasins, mais en a ouvert 39. Les consommateurs les plus engagés restent attachés à notre réseau. D’ailleurs, la fréquentation de nos magasins remonte depuis quelques mois. Toutefois, le panier moyen baisse. En résumé, les consommateurs continuent à venir dans nos magasins mais arbitrent.

"Les acteurs historiques de la bio sont des victimes collatérales de cette bio industrielle."

Quelles raisons voyez-vous à ce recul des ventes de produits bio ?

Outre le pouvoir d’achat, je vois plusieurs explications. La première tient à la dilution du label bio au milieu d’autres labels qui répondent aux attentes initiées par le bio, sans avoir de fondements réels. Je pense, par exemple, au label HVE (Haute Valeur Environnementale) qui, avec l’appui des pouvoirs publics, laisse croire à un meilleur rapport qualité prix, alors que ce label n’existerait pas sans le bio. Nous subissons également la concurrence d’une offre bio émergente, portée par les industriels et la grande distribution. À partir de 2015-2016, la croissance à deux chiffres du marché bio a suscité la convoitise des grandes et moyennes surfaces (GMS) et l’arrivée d’acteurs opportunistes qui se sont mis au bio, mais sans aller au bout de la logique, c’est-à-dire développer le bio équitable, local…

Si le label est le même, la promesse ne l’est pas, d’où une perte de confiance des consommateurs dans le label bio. Les acteurs historiques de la bio sont des victimes collatérales de cette bio industrielle. Nous sommes convaincus chez Biocoop que ce qui est en crise aujourd’hui, c’est cette bio industrielle.

Quelle est la stratégie de Biocoop pour surmonter cette crise ?

Notre stratégie est d’amplifier notre différence par une proposition de radicalité en étant un réseau commerçant, mais aussi militant. Cela signifie renoncer à du chiffre d’affaires pour changer le monde. L’arrêt de la vente de bouteilles d’eau en plastique dans nos magasins en est une illustration. Cela signifie aller plus loin dans notre démarche en développant la consigne, le vrac ou encore les produits équitables, dont nous sommes le premier vendeur en France. Je suis assez confiant pour Biocoop et sa proposition. Pour la filière, l’enjeu est que le bio ne retourne pas dans un marché de niche. Pour cela, il faut un soutien politique. Il faut poser un cadre qui rende accessibles au plus grand nombre les produits bio. Il faut intégrer dans la fiscalité les services rendus par la production bio, comme la préservation de la biodiversité, de la qualité des sols, les ressources en eau, etc., pour favoriser les installations. Il y a des choix vertueux à faire, car les règles du marché favorisent aujourd’hui les entreprises qui polluent.

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