Maine-et-Loire
Benjamin Zimmer (Silver Alliance) : « Arrêtons la mascarade avec les start-up »
Interview Maine-et-Loire # Informatique

Benjamin Zimmer directeur de la Silver Alliance Benjamin Zimmer (Silver Alliance) : « Arrêtons la mascarade avec les start-up »

S'abonner

Directeur général de la Silver Alliance, nouvelle filiale du groupe de services à la personne sarthois Oui Care, le Manceau Benjamin Zimmer co-signe Start-up, arrêtons la mascarade. Un livre qui veut en finir avec le mythe de la start-up et son système de financement, au profit d’un modèle pragmatique et vertueux.

Cofondateur du réseau Silver Valley, Benjamin Zimmer dirige la Silver Alliance, nouvelle filiale du groupe de services à la personne Oui Care, au Mans — Photo : Benjamin Zimmer

Le Journal des Entreprises : Vous publiez, avec le sociologue Nicolas Menet, un ouvrage critique sur l’accompagnement et le financement des start-up. Pourquoi ce livre ?

Benjamin Zimmer : Tout d’abord parce que je suis un farouche défenseur des entrepreneurs. Ce livre, c’est un état des lieux de l’écosystème de l’entrepreneuriat de l’innovation en France. Or aujourd’hui, on industrialise cet écosystème. Les porteurs de projet doivent remplir de telle manière les business plans, utiliser tel type d’outil… Alors que par définition l’entrepreneur casse les codes. Il y a également les investisseurs privés qui voient la start-up comme un véhicule financier à haut rendement, et qui ont davantage le projet de capter l’idée que de soutenir son porteur. Et enfin, nous avons des organismes publics qui sèment l’argent du contribuable en finançant tout et n’importe quoi. Sauf que la grande majorité de ces start-up n’arrivera même pas à vendre un produit.

Vous citez d’ailleurs une étude de l’Insee de 2016 avançant le chiffre de 90% de start-up qui ne passent pas le cap des cinq ans. Comment peut-on expliquer ces échecs ?

B.Z. : Parce que leur projet est mal formulé dès le départ. Donc, elles ne trouvent pas leurs clients car le besoin auquel elles entendent répondre n’existe pas ! Les start-up sont les victimes consentantes d’un écosystème qui se veut bienveillant. Celui-ci n’est pas suffisamment structuré et provoque l’effet inverse. On dit aux jeunes d’entreprendre et qu’on va les aider. Mais sans les accompagner. Vont-ils aller tester leur produit, rencontrer leurs clients ou apprendre à lever des fonds ? Quand c’est fait, ce n’est pas par des entrepreneurs mais par des « super fonctionnaires » qui ont appris à expliquer la méthode. Quant aux start-uppers, ils sont obnubilés par leur image et passent beaucoup trop de temps à pitcher devant leurs pairs. Alors qu’un entrepreneur va là où personne ne l’attend, beaucoup d’entre eux vont là où on les emmène.

C’est cette « mascarade » que vous dénoncez dans le titre du livre…

B.Z. : Tout à fait. Cette « coolitude » imposée avec son jargon, ses lieux où l’on se retrouve entre-soi autour du baby-foot ou sur des canapés. Tout ça crée un environnement très sécurisant pour des entrepreneurs qui se regroupent entre pairs. Pour les politiques, la start-up devient ainsi un outil de communication et de marketing pour le territoire. Avec pour conséquence de remplir les incubateurs de mauvais projets pour valoriser du mètre carré. Alors qu’il suffirait de financer moins de dossiers pour privilégier les meilleurs.

Donc, selon vous, les territoires ne doivent pas développer de filière numérique locale ?

B.Z. : Avec la logique de compétition entre territoires, ça va être compliqué de faire sans ! Il faut des lieux, mais pas non plus des pôles de compétitivité à tous les coins de rue. Déjà, faisons en sorte d’avoir une bonne connexion internet partout et de supprimer zones blanches. On aura bien avancé !

« Les start-up sont les victimes consentantes d’un écosystème qui se veut bienveillant »

Dans le livre, vous racontez l’histoire de Tom, un start-upper fictif de 23 ans, qui cumule toutes les erreurs à ne pas commettre. Quelles sont les plus flagrantes ?

B.Z. : Sa première erreur est de formuler un concept qu’il voudrait avoir pour lui. Alors qu’il devrait être en empathie et intégrer ses clients dans sa démarche de conception afin qu’elle soit centrée utilisateurs. L’entre soi est également son pire ennemi : il s’enferme dans sa zone de confort en s’entourant de personnes qui le confortent dans son projet au lieu d’aller voir celles qui le critiquent. Il oublie aussi que 15 000 likes sur Facebook, ce n’est pas 15 000 clients… Tom confond également levée de fonds et chasse aux subventions. Il remporte des concours qui étoffent la trésorerie de sa start-up et qui ont un effet stimulant sur lui. Or, ce type de concours ne démontre pas la validité d’un projet.

Mais tout ça, c’est du bon sens. C’est ce que doit faire tout chef d’entreprise.

B.Z. : Tout à fait, c’est du bon sens paysan. La création d'une start-up reste de l’entrepreneuriat, les questions à se poser sont les mêmes. Les bons entrepreneurs sont des athlètes de haut niveau. Ils ont un régime, des performances à atteindre. Et tout ça dans une feuille de route. Il n’y a pas de place pour l’improvisation. D’où la nécessité de planifier.

« Mettons en place des indicateurs de performance pour les start-up »

Dans le livre, vous développez le concept de profitabilité intégrale. De quoi s’agit-il ?

B.Z. : C’est un concept s’inspirant de ce que l’on observe dans l’économie positive, circulaire, quaternaire... Des concepts qui posent des questions sur la création de valeur. On ne peut plus dire aujourd’hui que la seule valeur d’une entreprise c’est son capital financier. L’économie c’est plus que ça. Nous prônons un écosystème où l’investissement est orienté pour répondre à un besoin capitalistique et aussi à un besoin de société. L’innovation doit être au bénéfice de tous. La start-up n’est pas l’aboutissement. C’est un maillon de toute cette chaine de valeur.

Concrètement, que préconisez-vous ?

B.Z. : Les start-up, c’est le nouveau concours Lépine ! Mettons en place des indicateurs de performance pour les start-up, fléchons mieux les aides financières, ayons des gens compétents en face pour mieux conseiller les entrepreneurs. Et que ces entrepreneurs sortent aussi du cliché start-upper. Plutôt que de financer certaines innovations, consacrons ces crédits à la digitalisation des PME, qui, elles, créent de l’emploi.


Livre Start-up, arrêtons la mascarade, Nicolas Menet et Benjamin Zimmer, éditions Dunod.

Maine-et-Loire # Informatique