Avec la crise, l’événementiel normand cherche à se réinventer
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Avec la crise, l’événementiel normand cherche à se réinventer

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Avec une activité presque totalement à l’arrêt, les professionnels normands de l’événementiel tentent de se réinventer pour survivre à la crise. Si certains sont condamnés à fermer définitivement leurs portes, d’autres entament un virage stratégique plus ou moins affirmé de leur développement.

Les professionnels se sont réunis au sein du Collectif de l’Évènementiel Normandie, et ont manifesté en masse, le 22 octobre dernier devant la préfecture de Rouen pour alerter sur leur situation qualifiée de "catastrophique" — Photo : © Collectif de l'événementiel Normandie / DR

Les professionnels de l’événementiel normand sont au bord du gouffre. Avec plus de 130 métiers différents et plus de 25 000 emplois, c’est toute une filière qui est à terre depuis le printemps. Et la colère gronde de plus en plus dans les rangs de cette filière qui englobe aussi bien des traiteurs, que le monde du spectacle et des agences spécialisées dans l’évènementiel. À tel point que les professionnels se sont réunis au sein du Collectif de l’Évènementiel Normandie, et ont manifesté en masse, le 22 octobre dernier devant la préfecture de Rouen pour alerter sur leur situation. Selon le collectif, « les dernières annonces du Président de la République sont dramatiques pour le secteur de l’événementiel privé. Nous sommes à l’arrêt (sans être en fermeture administrative), sans visibilité, sans ressources, stigmatisés et inconsidérés. »

La fermeture au bout du chemin

Et le second confinement n’arrange pas les choses pour les professionnels : « Ce qui est difficilement compréhensible pour les entreprises, c’est qu’elles ont démontré qu’elles savaient mettre en place les gestes barrières, organiser les flux, aérer les locaux et, au final, que les gestes barrières fonctionnent », souligne Xavier Prévost, président de la CPME Normandie qui ajoute : « Il ne faut pas oublier que 98 % des TPE/PME sont pour la plupart des entreprises patrimoniales et que certaines ne s’en relèveront pas ».

Feux d'artifices — Photo : © Severine Frères- Calvados Attractivité

La fermeture définitive, c’est ce que vit Carnaval Artifices Evénementiels, cette entreprise familiale de Mesnil Panneville (Seine-Maritime) qui a perdu 92 % de son chiffre d’affaires (entre 900 000 euros et 1 million d’euros). Spécialisée dans la conception et la réalisation de feux d’artifices, d’illuminations, d’effets spéciaux intérieurs et extérieurs, cette TPE familiale a été contrainte de licencier son personnel, dont le propre fils du gérant. « Habituellement, nous montons plus de 250 spectacles pyrotechniques sur l’année. Cette année, le nombre est passé à 10 », confirme Jean-Noël Douchet, à la tête de la société depuis dix ans, et contraint de cesser son activité à la fin de l’année. « Le paradoxe, c’est que 50 % de nos commandes sont signées et que les clients sont prêts à nous suivre. On avait travaillé sur les protocoles sanitaires pour aider nos clients à les appliquer. Mais malgré cela, nous avons eu des fins de non-recevoir pour tous nos projets… »

Pour l’heure, Jean-Noël Douchet continue de se battre jusqu’au bout « pour fermer sa société proprement et éviter la liquidation judiciaire ». Mais pour ce type d’activité, pas moyen de changer de stratégie et de faire « du feu d’artifice à apporter ou en version digitale ».

Se réinventer pour survivre

Pour d’autres secteurs, le virage stratégique peut être envisagé même s’il ne peut être que complémentaire et provisoire. Ainsi, dans l’Orne, l’entreprise Borney (30 salariés, 4,3 M€ de CA), installée à Argentan, et spécialisée dans la confection de drapeaux de nationalité ou publicitaires, banderoles et bannières, a vu son chiffre d’affaires chuter de 30 % avec l’annulation des salons et autres événements pour lesquels elle travaillait habituellement. Pour maintenir un semblant d’activité, la société s’est mise à fabriquer des masques durant quelques semaines, cela n’a pas suffi à compenser la perte, puisque cela n’a généré que 50 000 € de chiffre d'affaires sur un mois contre 400 000 habituellement.

Buffet Erisay Réceptions (Eure) — Photo : © Erisay Réceptions

Du côté des traiteurs, fortement impactés par l’annulation des cérémonies de mariages et des salons, une partie de la solution semble résider dans les menus à emporter. C’est le choix effectué par Erisay Réceptions, à Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), dont les pertes pourraient s’élever à 85 % du chiffre d’affaires depuis le mois de mars. L’entreprise euroise (158 salariés, 18 M€ de CA), a mis l’accent sur les plats à emporter ou livrés, avec deux campagnes : Mon resto à la maison et Mon resto au bureau, « pour maintenir les cuisines ouvertes et permettre aux entreprises autour de chez nous de se restaurer », explique Marc Leroux, directeur général adjoint.

La PME normande profite aussi de cette période pour travailler sur des projets innovants : elle a ainsi lancé, en partenariat avec l’association Le Cercle (qui réunit des passionnés de gastronomie, d’écologie et de design), des plateaux-repas haut de gamme 100 % réutilisables (plus de 500 fois) et avec zéro déchet. Sans aucun emballage jetable, ils sont livrés et récupérés avant d’être soigneusement nettoyés et désinfectés pour être de nouveau utilisés. « C’est un complément que nous apportons sur le marché du plateau-repas, mais cela ne remplacera pas notre activité habituelle », confirme Marc Leroux qui souligne : « Il est important de continuer à innover pour rester sur le marché. » Erisay Réceptions a d’autres projets innovants dans les cartons, comme le lancement prochain de gammes de bocaux en verre et de barquettes de plats cuisinés.

Les nouveaux outils des agences

Pour les agences de communication, le digital reste le meilleur moyen de poursuivre les activités événementielles : l’agence rouennaise de communication audiovisuelle Nautile Production en a fait son fer de lance, en proposant des « moyens de se réunir autrement et des nouveaux scenarii événementiels », à grand renfort de vidéos multipliant toutes les nouvelles technologies telles que la 3D, le format d'image numérique 4K, ou encore les prises de vues par drones. Avec un objectif, celui de « mettre nos équipes et tous les outils audiovisuels au service de toutes celles et ceux qui souhaitent s’adapter à cette nouvelle donne sans renoncer à l’essentiel : partager, informer et communiquer pour continuer à avancer. »

De son côté, l’agence rouennaise Partenaires d’Avenir (10 salariés, 1,1 M€ de CA) insiste sur l’importance de conserver le lien avec les cibles visées par les clients : « Nos clients ont besoin de continuer à donner des nouvelles de l’évolution de leurs professions et de nourrir le lien avec leurs adhérents », souligne Claire Leprou, gérante associée. L’agence, qui s’occupe notamment de l’organisation du colloque Fret ferroviaire Axe Seine (FFAS) depuis 2019, et souhaite en faire un rendez-vous pérenne, a vu l’événement déjà reporté deux fois cette année pour cause de confinements. Un « plan B » a alors vu le jour afin d’arriver à rassembler les acteurs du fret. « Il faut réinventer les formats pour que les gens puissent se rencontrer via d’autres moyens, grâce au virtuel ». L’agence a ainsi prévu de créer un plateau de télévision qui sera diffusé en visioconférence, afin de proposer un condensé de l’actualité du secteur fret, mais sur un format plus court qu’un événement physique : « On ne peut plus envisager des formats longs sous cette forme, une heure au total, avec une partie live et une autre en motion design, est un format efficace », assure la dirigeante. Mais, si le digital peut rendre des services : « il y a des publics moins connectés sur lesquels la dématerialisation ne fonctionne pas », rappelle Claire Leprou. Et surtout, il ne peut évidemment pas remplacer le contact direct, si nécessaire aux échanges humains et au business.

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