« La RSE peut être un levier majeur de performance »
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Bruno Duval dirigeant de PME et vice-président de Global Compact France « La RSE peut être un levier majeur de performance »

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Et si le développement durable était une source de performance économique ? C'est la démonstration que fait Bruno Duval, dirigeant des sociétés ariégeoises de chaudronnerie métallique Savco et CCM-France (85 salariés et 12 M€ de chiffre d'affaires cumulé) et vice-président de l'association Global Compact France, réseau local de l'initiative lancée par les Nations Unies en 2000 pour favoriser la responsabilité sociétale des entreprises.

Bruno Duval a racheté la société ariégeoise de chaudronnerie Savco en 2009, avant d'intégrer CCM-France en 2014. Les deux PME cumulent aujourd'hui 85 salariés pour 12 M€ de chiffre d'affaires — Photo : DR

Vous êtes vice-président en charge des PME du Global Compact France, relais national de l’initiative Global Compact lancée par l’ONU pour favoriser la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Pourquoi vous être tourné sur les valeurs du développement durable ?

Bruno Duval : Les deux sociétés que je dirige sont actives dans le secteur de la chaudronnerie lourde. En 2011, nous avons été fortement attaqués par une concurrence étrangère à bas coût. Pour maintenir l’activité, j’avais deux solutions : suivre cette logique et délocaliser l’outil industriel, ou reprendre la main en créant une rupture. C’est ce que nous avons fait : nous sommes passés d’un positionnement d’entreprise de travaux à celui d’entreprise de projets. Et nous avons investi sur trois plans. D’abord l’amélioration de l’outil industriel, avec l’injection de 3 millions d’euros. Ensuite le travail sur les méthodes, qui nous a par exemple permis de diviser par deux les temps de soudure sur site. Enfin un engagement sur la RSE, pour proposer des valeurs fortes aux différentes parties prenantes de nos chantiers, et sortir de la seule comparaison des coûts.

Et pourquoi avoir choisi l’approche du Pacte Mondial ?

B.D. : Adopter une démarche RSE implique d’avoir du temps et de l’argent : exactement ce que n’a pas un dirigeant de PME ! Il fallait trouver un moyen d’avancer rapidement. Impliquer les équipes était compliqué, d’autant plus qu’elles étaient déjà mobilisées pour assurer la survie de l’entreprise. Les approches normées sont intéressantes mais beaucoup trop complexes. C’est finalement à l’ONU, que je voyais comme un mammouth bureaucratique, que j’ai trouvé l’approche concrète qui me correspondait. Chaque entreprise peut intégrer la démarche à la seule condition de s’engager à progresser. Chaque année, le dirigeant fait le point sur ses actions dans une « communication de progrès » qui nourrit une base de données ouverte à tous. C’est là que j’ai trouvé les premières idées à mettre en place de façon rapide et visible, pour montrer à mes équipes ce que la RSE pouvait nous apporter.

Par quelles actions avez-vous commencé ?

B.D. : Nous avons commencé par des choses simples comme un tri poussé des déchets et la recherche de filières locales de valorisation : nous ne comptons aujourd’hui plus qu’une benne de déchets industriels banals pour tout le groupe. Nous avons aussi engagé des actions plus spécifiques, avec un accent sur la santé au travail : un de nos premiers investissements s’est porté sur une machine qui évite 70 % des opérations de meulage – les plus pénibles pour les compagnons. Toute l’équipe s’est prise au jeu.

Cet engagement sur la RSE a-t-il été bénéfique au plan économique ?

B.D. : C’est un levier majeur de performance. Ce qui a le plus changé avec la démarche RSE, c’est notre offre. Intégrer le Pacte nous a conduits à une réflexion sur nos pratiques : nous avons abordé toutes les problématiques de production et de chantier, et mesuré les différents impacts techniques, sociaux ou environnementaux… Cela nous a permis d’étoffer encore notre offre en trouvant de nouvelles réponses. Et cela nous a appris à mieux la valoriser auprès de nos clients et partenaires. Nous sommes désormais identifiés comme une entreprise responsable et fiable sur le long terme, qui respecte son environnement, refuse la corruption, se soucie des droits de ses salariés. Ceci dit, le positionnement sur la RSE est indissociable des efforts qui ont été faits sur le matériel et les méthodes. En dix ans, nous avons triplé le chiffre d’affaires de Savco, et doublé celui de CCM.

La démarche RSE a-t-elle eu un impact dans vos relations avec vos fournisseurs ?

B.D. : Nous avons exclu quatre fournisseurs sur 120 : ces entreprises ne respectaient pas le modèle social que nous défendons. Cela n’a eu aucun impact sur l’activité. Notre constat, c’est qu’une entreprise qui ne prend pas en compte les droits de ses salariés ne respecte généralement pas non plus le niveau de qualité annoncé.

Certains chefs d’entreprise restent méfiants sur la notion de développement durable. Qu’aimeriez-vous leur dire ?

B.D. : Lorsque la flore et la faune disparaissent, qu’on gère mal nos ressources, cela crée des contraintes sur les populations. La démarche de développement durable intègre évidemment le social et l’environnement, mais elle est avant tout au service de l’humanité. Une démarche de RSE part d’abord du dirigeant : il faut soi-même être convaincu. Mais très rapidement, il faut pouvoir diffuser cette approche au sein de l’équipe : plus il y a de sens, plus les gens adhèrent. C’est un atout sur l’activité de l’entreprise mais aussi son recrutement. Nous sommes face à une lame de fond des citoyens et des salariés sur ces enjeux.

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