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Gaudefroy Réceptions : « Nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés »
Interview Toulon # Événementiel

Alexandre Gaudefroy dirigeant de Gaudefroy Réceptions Gaudefroy Réceptions : « Nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés »

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Alexandre Gaudefroy a repris en début d’année les rênes de l’entreprise familiale, Gaudefroy Réceptions, seul traiteur varois, affilié au réseau Traiteurs de France. Les deux confinements successifs ont considérablement ébranlé l’activité de cette société qui emploie 30 personnes. Son dirigeant déplore aujourd’hui le manque de visibilité, qui affecte un pan entier de l’économie.

Gilles Gaudefroy, fondateur de Gaudefroy Réceptions, Alain Marcotullio (Président des Traiteurs de France) et Alexandre Gaudefroy, dirigeant de Gaudefroy Réceptions depuis janvier 2020. — Photo : Gaudefroy Réceptions

Le Journal des entreprises : Depuis le mois de mars et l’arrêt de toutes activités événementielles, comment votre société, seule entreprise varoise membre des Traiteurs de France, s’est-elle adaptée ?

Alexandre Gaudefroy : Lors du premier confinement (17 mars, NDLR), nous avons cessé toutes nos activités et en premier lieu, l’événementiel, qui représente 85 % de notre activité et qui s’est arrêté net du jour au lendemain. Face aux incertitudes sanitaires et pour protéger nos salariés et nos clients, nous avions également décidé de fermer notre restaurant et notre boutique.

Avec l’annonce du deuxième confinement (28 octobre, NDLR), nous avons ouvert notre boutique et offert la possibilité aux particuliers de commander tout ce que nos cuisiniers sont capables de faire, de l’apéritif au dessert. C’est en quelque sorte du "mini événementiel", qui nous a permis de réaliser 20 000 euros de chiffre en novembre (contre 400 000 euros habituellement). En décembre, nous réalisons généralement des repas de Noël pour 1 200 personnes à Sanary-sur-Mer, 800 personnes à Ollioules, 1 000 personnes à Hyères… Cette année, il faudra faire sans.

Avez-vous pu néanmoins maintenir une certaine activité entre les deux confinements ?

Alexandre Gaudefroy : Nous avons principalement maintenu nos prestations dans le cadre de mariages, qui représentent 35 % de notre activité. Dès la fin du printemps, nous avons d’ailleurs consacré beaucoup de temps à nos futurs mariés, dans le but de ménager deux impératifs : assurer la pérennité de nos entreprises et rassurer notre clientèle.

Pour la saison estivale, entre les reports et les maintiens, nous avions 150 mariages de prévus et il était de notre responsabilité, vis-à-vis de nos salariés, de nos fournisseurs, des salles de réception, des prestataires, de tout faire pour maintenir les célébrations que nous pouvions maintenir. Pour réaliser ces prestations, nous avons appliqué le protocole sanitaire, élaboré par Traiteurs de France, le plus grand réseau national de traiteurs en France, qui réunit 37 entreprises, toutes équipées de leur propre cuisine, et engagées ou certifiées ISO 20121.

« Il a fallu festoyer tout en protégeant. »

Il a fallu servir dans un format nouveau, festoyer tout en protégeant, travailler en amont avec les salles de réception. Nous avons tout repensé pour limiter les contacts et la propagation tout en préservant la convivialité. Le 11 juillet, nous avons attaqué la saison et nous avons finalement réalisé 70 mariages, sur les 150 initialement prévus, puisque le deuxième confinement a mis fin à toutes festivités.

Quelles ont été les conséquences du deuxième confinement ?

Alexandre Gaudefroy : À la rentrée, la confiance des entreprises était revenue. Nous avons pu ainsi organiser une prestation dans le cadre d’un congrès à Juan-les-Pins. C’était avant le mois d’octobre et les annonces successives qui ont laissé la place à une nouvelle période dominée par la non-confiance. Un cycle, qui ne va pas s’interrompre du jour au lendemain, car contrairement aux restaurateurs, qui retrouveront une activité à leur réouverture, nous devrons faire face à un minimum de trois mois d’inactivité, le temps que de nouveaux séminaires ou congrès s’organisent.

Nous avons cessé notre activité de la mi-mars à la mi-juin, de la mi-octobre à la mi-janvier, mais nous allons perdre bien davantage. En 2020, nous devrions réaliser 35 à 40 % de notre chiffre d’affaires habituel (5,30 M€ en 2019), soit environ 2 millions d’euros.

Quelles aides avez-vous mobilisées ?

Alexandre Gaudefroy : Nous avons sollicité toutes les aides : le chômage partiel pour nos 30 salariés, le prêt garanti par l’État, qui a permis de compenser en partie nos charges : les loyers de notre boutique, de notre restaurant, de notre laboratoire de production (1 200 m² à Ollioules, près de Toulon), les charges liées à nos camions de livraison et aux salles de réception que nous avons en gérance.

En novembre, nous avons eu droit à une aide de 10 000 euros et de nouvelles aides ont été annoncées le 26 novembre et nous pourrons également bénéficier du nouveau fonds de solidarité, alors que jusqu’à présent nous n’entrions pas dans les cases des établissements fermés administrativement. C’était une aberration, puisque notre métier repose sur une activité interdite (les rassemblements). Nous sommes ainsi soulagés pour les deux prochains mois. Nous nous sentons enfin écoutés et j’ai le sentiment que les mesures sont désormais plus justes.

Pour autant, je suis étonné que cette aide ne soit pas rétroactive depuis le mois de mars. Nous avons perdu 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et nous allons être indemnisés sur décembre et janvier. Pourquoi ? Si cette aide est justifiée sur décembre, pourquoi ne l’est-elle pas avant ?

Comment se dessine l’avenir de votre entreprise ?

Alexandre Gaudefroy : Je m’interroge tous les jours sur les mois à venir. Le temps de latence entre l’autorisation de rouvrir et le vrai redémarrage d’activité du secteur de l’évènementiel peut durer quelques mois. À titre d’exemple, les congrès ne risquent pas de démarrer avant septembre 2021. Là encore, serons-nous aidés en attendant un vrai redémarrage ?

« Le temps de latence entre l’autorisation de rouvrir et le vrai redémarrage d’activité du secteur de l’évènementiel peut durer quelques mois. »

En début d’année, j’ai succédé à mon père, Gilles Gaudefroy, qui a créé cette entreprise il y a 25 ans et l’a gérée en « bon père de famille ». La trésorerie est saine, mais aujourd’hui, nous sommes en train de tout brûler et nous demandons simplement de nous laisser travailler dans le respect strict des mesures sanitaires. Des normes drastiques ont été définies, nos procédures respectent des normes d’hygiène européennes, puisque notre entreprise est certifiée ISO 20121 Développement durable.

Le principal problème aujourd’hui se résume au manque de visibilité. Nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés et nous avons l’impression que nos efforts, réalisés à la rentrée, pour maintenir certains événements, en toute sécurité, ont été vains. Aujourd’hui, notre volonté est de continuer à donner du bonheur gastronomique.

Nous avons beaucoup de mariages prévus en 2021 et nous serons très attentifs aux prochaines annonces. Notre survie dépend de ce que nous pourrons faire à partir du mois d’avril 2021. Aujourd’hui, l’ensemble du secteur est à terre alors qu’il n’existe pas plus de risque d’organiser une réception, dans le strict respect des règles sanitaires, que d’aller faire ses courses en supermarché.

« Notre survie dépend de ce que nous pourrons faire à partir du mois d’avril 2021. »

Les pertes sont massives pour les 37 entreprises, affiliées à l’association des Traiteurs de France puisqu’à la date du 28 septembre, le réseau prévoyait plus de 126 millions de pertes de chiffre d’affaires cumulées à fin décembre 2020, soit une baisse de 77 % par rapport aux résultats réalisés fin 2019.

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