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Entreprises familiales : quand la continuité rassure
Enquête Gironde # Reprise

Entreprises familiales : quand la continuité rassure

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Lorsqu’un dirigeant quitte son entreprise, les inquiétudes sont nombreuses, notamment pour les salariés et les clients. Lorsque la reprise se fait en famille, la transition est généralement négociée en douceur. Encore faut-il que le passage de relais ait été bien préparé. Enquête en Gironde.

— Photo : Anne Cesbron

« Il y a une immense fierté de continuer une histoire qui, dans notre cas, a débuté juste après guerre ». Dans sa boutique de la Galerie des Grands Hommes, à Bordeaux, Fabienne Massip n’hésite pas longtemps lorsqu’on lui demande quel sentiment prédomine à l’idée d’être à la tête d’une entreprise, la maroquinerie De Grimm, créée par son arrière-grand-mère, reprise par son grand-père, par son père, puis, donc, par elle-même.

Cette « fierté », c’est sans aucun doute le mot qui revient chez la plupart des chefs d’entreprise qui ont repris ou transmis une entreprise familiale ou s’apprêtent à le faire. Et ils sont nombreux, si l’on en croit Bpifrance : les entreprises familiales représentaient 85 % de l'activité et 50 % de l'emploi en France fin 2016.

Rassurer les salariés et les clients

Toutes ne sont pas vouées à durer, bien sûr, et même si elles s’installent dans le temps, beaucoup ne survivront pas à leur fondateur. Mais pour celles qui seront transmises, une reprise par un membre de la famille est « une solution que nous préconisons fortement », reconnaît Hélène Crouail, chargée de développement économique à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Gironde. « Si un proche travaille au sein de l’entreprise, c’est évidemment un avantage car il va en connaître la clientèle, le fonctionnement. Mais même quand ce n’est pas le cas, c’est une solution à laquelle on invite à réfléchir, car des parents, par exemple, vont souvent transmettre des valeurs, un mode de fonctionnement, une philosophie qui feront de leurs enfants les garants d’une forme de continuité dans l’entreprise. »

« Cette transmission familiale m’épargne toutes les contraintes inhérentes à une vente - cette phase où il faut habiller la mariée pour un potentiel acheteur... »

« Lorsque la direction est transmise en famille, il y a très souvent une proximité entre les salariés et les dirigeants », ajoute Jean-Michel Picaud, président du réseau d’audit et de conseil RSM France, spécialiste de la transmission et gouvernance des entreprises familiales. « Or, quand on sait l’importance de rassurer les salariés dans le cadre d’une reprise, c’est un point qui compte énormément, car ils sont légitimement inquiets quant à la pérennité de leurs emplois. Cette confiance est accordée encore plus facilement si le repreneur a déjà fait ses preuves dans l’entreprise », ajoute-t-il.

Cela peut aussi être un motif de consolation quand la retraite approche et que le chef d'entreprise éprouve quelques difficultés à décrocher. À la tête du groupe traiteur Arom, Didier Oudin a largement anticipé les obstacles qui pourraient se dresser sur son chemin vers la retraite. Depuis 2013, il prépare son fils Jérémie Oudin à prendre les commandes de l’entreprise basée à Eysines (Gironde) et de ses 70 salariés (13 M€ de CA en 2018). « Je suis fier de lui transmettre mon entreprise. Cela m’épargne aussi toutes les contraintes inhérentes à la vente, cette phase où il faut habiller la mariée pour un potentiel acheteur », raconte Didier Oudin qui tient surtout à ne « pas louper sa sortie en faisant l'année de trop ».

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Un temps d’intégration bienvenu

Prendre le relais après plusieurs années de présence, c’est aussi le choix qu’a fait Axel Champeil, à la tête de Champeil Asset Management, spécialisée dans le courtage et la gestion de portefeuilles (12 salariés). Pour préparer en douceur la transmission de l’entreprise créée à Bordeaux par son père trois décennies plus tôt, le jeune homme l’a intégrée il y a dix ans. Fin 2017, il en a pris les rênes. « Dans des métiers de service comme le nôtre, le contact et l’habitude d’un interlocuteur comptent énormément. Une transition brutale avec une personne extérieure peut avoir un impact négatif sur les salariés, les partenaires et bien sûr les clients. Faire les choses en douceur permet aussi de changer éventuellement d’avis, car ce n’est pas toujours évident de collaborer en famille, et rien ne m’assurait d’apprécier ce travail, tout comme mon père aurait pu juger que cette solution n’avait pas d’avenir », explique-t-il.

« C’est un écueil très clair », corrobore Jean-Michel Picaud : « arriver à déterminer qui a les capacités pour reprendre l’entreprise, à quelles conditions, et admettre, si c’est le cas, que personne dans la famille ne peut le faire. C’est parfois difficile de le comprendre pour certains dirigeants, pourtant c’est essentiel. »

Et parfois, la transition se fait dans la douleur, comme cela a été le cas chez Alliance Étiquettes (300 salariés, 53 M€ de CA en 2017). « En 2008, mon père - à la tête de l’imprimerie familiale - est décédé brutalement à 62 ans. C’était mon associé, mon mentor, il m’a appris le métier. Je me suis alors attaché à réfléchir à mon avenir », se rappelle Olivier Laulan, président de l'entreprise basée à Pineuilh (Gironde). De cette épreuve s’ensuivent des résolutions pour ce troisième du nom. « On dit parfois que la première génération crée l’entreprise, que la deuxième la développe et que la troisième bouffe tout. Je me suis efforcé de faire l’inverse ». Ses filles, quant à elles, ne se destinent pas à l'imprimerie et il ne leur forcera pas la main. Pour que les avantages de la transmission familiale ne se transforment pas en inconvénients !

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