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Daniel Havis (Matmut) : « Un dirigeant d’entreprise n’a pas le droit d’être nostalgique »
Interview Rouen # Assurance

Daniel Havis président de la Matmut Daniel Havis (Matmut) : « Un dirigeant d’entreprise n’a pas le droit d’être nostalgique »

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Président de la Matmut, Daniel Havis revient sur les nécessaires mutations de la mutuelle d’assurance installée à Rouen depuis 1961, entre partenariats et évolution de la gouvernance il dessine l’avenir du groupe qu’il a largement contribué à façonner.

— Photo : Alain Goulard/Matmut

Le Journal des Entreprises : La Matmut s’est engagée dans un partenariat structurant avec BNP Paribas. Quel a été le moteur de cette nouvelle alliance ?

Daniel Havis : Je me suis battu pour que ce partenariat soit une réalité et les équipes Matmut ont relevé le défi de tenir les délais pour démarrer en mars dernier Cardiff IARD. C’est opérationnel et les déclinaisons numériques vont suivre rapidement.

Je pense que les critères de BNP Paribas dans le choix de leur partenaire ont notamment été la bonne image, la réactivité et l’adaptabilité de la Matmut. La mise en place de ce partenariat leur permet d’avoir une prise en compte précise des attentes de leurs clients et prospects en matière assurantielle. Pour nous, les mutualisations induites sont l’occasion de mieux comprendre le fonctionnement de la bancassurance et pour BNP Paribas, il était nécessaire d’avoir une offre performante face à la concurrence. Nos objectifs sont ambitieux et doivent permettre à BNP Paribas de rattraper son retard face aux autres bancassureurs. Autre point positif, cette alliance devrait générer plus de 700 emplois à moyen terme sur l’agglomération rouennaise.

Votre alliance avec AG2R La Mondiale est d’une autre nature. Y-a-t-il matière à s’inquiéter pour l’avenir de la Matmut ?

D. H. : Avec Cardiff IARD nous avons créé une filiale. Le rapprochement avec AG2R La Mondiale est né d’une volonté commune de créer un opérateur d’assurance à 360 degrés, avec une offre globale, "universelle" pour tous secteurs. Cette alliance s’effectue entre acteurs de l’économie sociale et ne peut que renforcer l’ensemble des composantes et de leurs moyens d’action. De plus, la logique d’AG2R La Mondiale est de préserver les métiers dans leurs spécificités et nous avons pris des engagements forts de préservation des bassins d’emploi. Il n’y a donc pas à nourrir une quelconque inquiétude pour le groupe Matmut, qui est à Rouen et le restera.

« L'alliance avec AG2R La Mondiale ne doit nourrir aucune inquiétude : le groupe Matmut est et restera à Rouen. »

Et pour être encore plus rassurant, j’annonce qu’un nouvel acteur proche de la Matmut va s’installer dans l’agglomération rouennaise. Il s’agit d’Inter Mutuelles Assistance (IMA), dont nous sommes actionnaires et dont je suis le président du conseil de surveillance. IMA projette, d’ici fin 2018, l’ouverture sur la commune de Petit-Quevilly d’un site regroupant au démarrage 150 collaborateurs, et qui sera amené à se développer.

Parmi vos nombreux chantiers, celui de la gouvernance vous tient particulièrement à cœur, comme la nécessité du passage de témoin ?

D. H. : J’avais très tôt annoncé que j’allais passer le relais, parce que les calendriers tournent pour tout le monde. C’était nécessaire car nous arrivions en phase de renouvellement de l’équipe de direction générale. Et pour constituer une nouvelle équipe, il ne suffit pas d’aligner des compétences, il faut construire des complémentarités. C’est difficile et cela relève d’une alchimie, d’un intuiti personae. C’est pour cela que je voulais que ce soit le nouveau directeur général, Nicolas Gomart, qui choisisse cette équipe.

« A partir d’un moment, il existe un risque important, pour un dirigeant d’entreprise, de continuer à raisonner avec une culture qui peut devenir obsolète. »

Dans un premier temps, il a appris et s’est approprié le groupe. Ensuite il a su renouveler l’équipe de direction. Personnellement, je n’avais pas le couteau sous la gorge et j’aurais pu continuer un peu. Seulement, je pense qu’à partir d’un certain moment il existe un risque important que le dirigeant d’entreprise continue à raisonner avec une culture qui peut, pour partie, devenir obsolète. C’est pourquoi il est nécessaire d’insuffler un nouvel élan.

Comment avez-vous choisi Nicolas Gomart ?

D. H. : Pour prendre ce type de décision, beaucoup de facteurs entrent en compte. Je connaissais Nicolas Gomart depuis 2006 chez ADI, puis chez OFI, l’une de nos filiales. C’est là que je suis allé le chercher avec, déjà, certaines idées en tête. Après, c’est la personnalité de l’individu qui amène à faire le choix. J’ai le sentiment que le passage de témoin s’est bien passé, bien que celui-ci nécessite, pour l’un et l’autre, une grande vigilance, afin de réaliser ce mouvement sans rupture dans la dynamique du groupe. Nicolas a sa façon de diriger, ses analyses, et nous échangeons quotidiennement. Il a composé son équipe de direction, que je connais et apprécie. Je suis informé, mais je ne décide plus.

Avez-vous des regrets sur certains projets que vous avez portés et sont restés non-aboutis, comme le palais des congrès de Rouen ?

D. H. : On ne peut pas ressembler à la divine providence que certains voudraient voir en nous, car nous devons agir en entreprise responsable. C’est ce sentiment de responsabilité qui nous a fait arrêter le projet de palais des congrès à Rouen, car aucune hypothèse ne permettait de trouver un équilibre d’exploitation à terme. Un dirigeant d’entreprise n’a pas le droit d’être nostalgique. J’ai créé pas mal de sociétés et j’en ai détricoté certaines... Il faut être mobile dans sa tête. Si on nourrit un raisonnement affectif, on se réserve des moments difficiles, car le plus important c’est d’être capable de tenir sur la durée.

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