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Le solaire thermique de Fengtech à l’aube d’un nouveau départ
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Le solaire thermique de Fengtech à l’aube d’un nouveau départ

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Le lavallois Fengtech conçoit et commercialise un système de production d’eau chaude solaire de grande quantité pour les élevages, en attendant les entreprises et les collectivités. Après des années de développement timide, l’entreprise voit le vent tourner, portée par la crise pétrolière et le réchauffement climatique.

Liqun Feng, fondateur de la société, et Hugo Jeuland, le commercial — Photo : Un Autre Regard

Avoir raison trop tôt ne paie pas. Liqun Feng a pu le constater. Cet ingénieur, docteur en mécanique, diplômé de l’École normale supérieure, a créé Fengtech en 2010 à Laval, persuadé d’avoir mis au point un produit porteur. S’inspirant d’une technologie existant en Chine où il est né, et l’améliorant, il a conçu un système de production d’eau chaude solaire de haute performance, à partir de tubes de verre sous vide.

"Zéro client"

Alors directeur R & D chez le fabricant mayennais de clôtures Dirickx après être passé par Alstom ou Faurecia, Liqun Feng a créé son système qu’il a intégré à des clôtures métalliques de parc industriel. L’eau chaude permettant alors d’économiser jusqu’à 90 % de combustible pour alimenter une climatisation. Un démonstrateur a été installé en 2012 au lycée Raoul-Vadepied à Evron. Liqun Feng prend alors conscience que son produit a un vrai potentiel : "Les PME françaises comptent en moyenne 400 mètres de clôtures, hautes de deux mètres. Lorsque cela fonctionne, le chauffage d’un lycée ou d’une entreprise devient quasi gratuit. C’est une révolution !" estime le créateur. Pourtant, Liqun Feng est contraint de mettre son projet en veille. "Il y a eu zéro client. Le besoin de convaincre demande du temps, et au-delà, il faut une capacité financière et industrielle". Il continue d’améliorer le système, dépose des brevets (trois), espérant des jours meilleurs.

Chinois, Liqun Feng vit en France depuis 1982. À l’époque, il est venu pour compléter ses études de mécanique, en intégrant l’École Normale Supérieure de Cachan (Paris-Saclay) — Photo : Rémi Hagel

Pour rebondir, l’inventeur se rabat sur son produit adapté pour le monde agricole. "Un paysan a cru à mon système. Il l’a installé, sans aide financière". Un, puis deux, puis trois, sont convaincus par une "efficacité avérée" et "un retour sur investissement rapide". L’eau chaude sert à abreuver des veaux ou chauffer des bâtiments (volaille, porcs) et des serres horticoles. "Pour l’élevage, notre système hybride permet de remplacer 50 à 60 % de la consommation de gaz sur l’année. L’objectif de l’Union européenne est de réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici 2030. Nous, nous le faisons immédiatement".

L’entreprise dénombre aujourd’hui une cinquantaine d’installations en agriculture, et un réseau d’une vingtaine d’installateurs en France (les composants sont produits par des sous-traitants, notamment chinois). Mais l’activité ayant tardé à décoller, Fengtech ne compte encore que deux collaborateurs, dont son fondateur.

Une reconnaissance institutionnelle

Dans le cadre du projet européen Icare4farms, l’installation du site pilote de Saint-Georges-du-Rosay (Sarthe) chauffe 4 800 litres d’eau pour un élevage de veaux. Le système Fengtech, avec 64 m2 de capteurs solaires thermiques, permet de réduire de 70 % la consommation annuelle de carburant, et de 15 tonnes les émissions de CO2 par an — Photo : Fengtech

Soutenue par Laval Mayenne Technopole, Fengtech a d’abord été financé sur fonds propres, mais "ça ne tient pas longtemps". Une levée de fonds de 260 000 € en 2016, a permis d’embaucher un commercial. À défaut d’être connu du monde industriel, le système séduit les scientifiques. L’argument économique a permis de convaincre les éleveurs, l’argument écologique intéresse désormais les institutions. Depuis septembre 2019, Fengtech est l’un des huit partenaires du projet européen Icare4Farms, aux côtés de l’université de Bretagne Sud et de l’université britannique de Lincoln. Ce projet vise à augmenter les énergies renouvelables dans les fermes du nord-ouest de l’Europe, où l’ensoleillement est faible, et donc, à réduire les émissions de CO2. "Pour nous, c’est une reconnaissance institutionnelle", apprécie Liqun Feng. Icare4Farms envisage le déploiement de mille installations agricoles en dix ans, contribuant à créer deux cents emplois. Le site pilote français tourne depuis juin 2021 dans le Nord-Sarthe. Le projet européen sera présenté au prochain Space, le salon de l’élevage de Rennes. Fengtech a par ailleurs été retenu comme lauréat des Innov’Space 2022. Du 13 au 15 septembre 2022, plus de 100 000 visiteurs, potentiels clients, sont attendus.

Le Crédit mutuel entre au capital

Signe que le vent tourne, en février dernier, le Crédit mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie est entré au capital de l’entreprise, via son outil de capital investissement Volney Développement. Le réchauffement climatique d’un côté, le contexte pétrolier de l’autre, donnent des arguments au système Fengtech : "Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous avons beaucoup de commandes. On va voir si cette demande est ponctuelle". Habitué à rester prudent, Liqun Feng ne communique pas de chiffre d’affaires, ni ne formule de projets d’embauches. Mais "notre ambition est d’imposer notre méthode en France et dans les autres pays. Nous sommes les seuls à la proposer… Si elle est reconnue, et connue, alors l’entreprise grossira énormément".

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