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Coronavirus : ArcelorMittal précipite la fermeture de la cokerie de Florange
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Coronavirus : ArcelorMittal précipite la fermeture de la cokerie de Florange

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ArcelorMittal a annoncé ce lundi 6 avril son intention d’arrêter sous un mois, la cokerie de son site de Florange, en Moselle. Les 173 salariés devraient bénéficier d’un nouveau projet professionnel au sein du groupe.

La cokerie de Florange alimente les hauts-fourneaux de Dunkerque dont l’activité a considérablement ralenti — Photo : © ArcelorMittal

L’accélération du calendrier est spectaculaire. Il y a encore quelques mois, l’arrêt de la cokerie de Florange, en Moselle, n’était officiellement envisagé qu’à l’horizon 2032. En début d’année, son propriétaire, le groupe ArcelorMittal France, avait avancé cette échéance à 2022-2023. Ce lundi 6 avril, le premier sidérurgiste mondial a annoncé son intention de stopper la production de coke en Lorraine sous un mois. Cette communication a été faite à l’occasion d’un comité social et économique (CSE) central organisé en visioconférence, crise sanitaire oblige.

L’activité des 64 fours qui transformaient selon un rythme continu le charbon en galets de coke sera suspendue fin avril. Leur arrêt définitif interviendra en juillet-août, a-t-on appris de source syndicale. Ils emploient 173 salariés ainsi qu’une cinquantaine d’intérimaires et de sous-traitants.

L’épidémie de Covid-19 « rend nécessaire la mise en œuvre de mesures d’adaptation, afin de préserver les actifs de l’entreprise pour permettre sa continuité, et de la mettre dans les meilleures conditions possibles de reprise lorsque la crise sanitaire s’achèvera », indique ArcelorMittal, qui a essuyé une perte nette de 2,5 milliards de dollars en 2019. Le coke de Florange alimente en effet le site ArcelorMittal de Dunkerque qui s’apprête à fonctionner au tiers de ses capacités.

Réduire de 30 % les émissions de CO2 d’ArcelorMittal

Au-delà de la crise sanitaire, l’aciériste qui emploie 2 200 personnes à Florange, et dont l’activité reprend graduellement malgré l’hostilité des syndicats, rappelle que ses besoins en coke demeurent structurellement en baisse. Dans un contexte de hausse de la taxation carbone en Europe, ArcelorMittal tenait son installation vieillissante et lourdement émettrice en CO2, à bout de bras. Cette position devenait difficilement tenable alors que ses comptes avaient replongé dans le rouge en 2019. « Compte tenu du plan d’investissements visant à réduire ses émissions de CO2 de plus de 30 % d’ici 2030, le besoin en coke d’ArcelorMittal France est voué à diminuer et le site de Dunkerque pourrait devenir autosuffisant en coke à court terme », analyse le groupe. Depuis janvier dernier, l’installation fonctionnait avec un effectif minimal de 80 personnes. ArcelorMittal avait maintenu cet effectif malgré l’épidémie de coronavirus, les fours ne pouvant être mis à l’arrêt sans dommages irréversibles.

À l’occasion de ce CSE extraordinaire, ArcelorMittal France a également annoncé la mise sous cocon de deux lignes de revêtement des aciers par galvanisation employant un total de 40 personnes : l’une sur son site de Montataire (Oise), l’autre sur celui de Mouzon (Ardennes).

L’avenir des 173 salariés suspendu à la sortie de crise du coronavirus 

Le groupe sidérurgique estime pouvoir proposer un nouveau projet professionnel en interne à chaque salarié — Photo : © ArcelorMittal

Le calendrier d’arrêt de la cokerie de Florange étant désormais fixé, l’enjeu réside dans le reclassement de ses 173 salariés. ArcelorMittal indique qu’au vu des perspectives démographiques de la société, « toutes les conditions sont réunies pour pouvoir proposer un nouveau projet professionnel en interne à chaque salarié de la cokerie ».

« Il s’agit maintenant de négocier un accord de reclassement du même niveau que celui que nous avions obtenu en 2012 lors de l’arrêt des hauts-fourneaux de Florange », pointe Jean-Marc Vécrin, représentant national CFDT chez ArcelorMittal. Les négociations sociales ne devraient cependant pouvoir être engagées qu’une fois la crise sanitaire passée.

« La décision d’arrêter la cokerie survient à la mauvaise période. Comment préparer le reclassement des salariés sur d’autres installations du site de Florange ? Il est difficilement envisageable d’organiser des formations respectant les mesures barrières », analyse François Pagano, délégué central CFE-CGC chez ArcelorMittal France.

La fin des avantages énergétiques du gaz de coke

La cokerie construite dans les années 50 sur la commune de Serémange-Erzange, en Moselle, transformait le charbon en galets de coke nécessaire aux hauts-fourneaux de Florange — Photo : © Philippe Bohlinger

La production de fonte requiert deux ingrédients essentiels : du minerai de fer et du coke, autrement dit du carbone quasi pur. La cokerie construite dans les années cinquante très exactement sur la commune de Serémange-Erzange transformait le charbon en galets de coke en vue d’alimenter les hauts-fourneaux du site sidérurgique de Florange. La mise sous cocon de ces derniers en 2011 avait redirigé sa production vers Dunkerque, dont elle couvrait environ un tiers des besoins. Des convois ferroviaires circulaient en boucle entre les deux sites, selon un ballet bien réglé. Le coke était livré aux installations nordistes qui en retour approvisionnaient l’usine lorraine en barres d’acier, également appelées « brames » dans le vocabulaire sidérurgique.

Grâce à la cokerie, le site de Florange conservait les avantages énergétiques d’une usine à chaud, indiquait Éric Niedziela directeur général d’ArcelorMittal France, dans un entretien au Journal des Entreprises du 22 mai 2019. En effet, les gaz de la cokerie sont brûlés pour préchauffer les brames avant leur laminage en tôles d’acier.

L’arrêt de la cokerie implique donc d’adapter les procédés du laminoir à chaud. Le groupe prévoirait un investissement de 4,6 millions d’euros afin de rendre les fours de son unité de laminage au chaud compatibles avec un fonctionnement au gaz naturel.

Émissions polluantes pointées du doigt

Les émissions polluantes de la cokerie de Florange avaient rendu son acceptation sociale difficile ces dernières années. En novembre dernier, Rémy Dick, maire de Florange, avait porté plainte contre le groupe sidérurgique suite à un déversement d’acide sulfurique dans la rivière Fensch. Un an auparavant, la Direction départementale du travail de Moselle avait dénoncé un risque grave d’exposition des salariés au benzopyrène et aux HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique), des particules cancérogènes. La direction d’ArcelorMittal Florange avait indiqué courant 2018 qu’elle achevait un programme de renouvellement des portes des fours, ce qui portait à 12 millions d’euros l’investissement réalisé en quatre ans sur la cokerie en vue d’améliorer la qualité de l’air.

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