Moselle
Éric Niedziela : « ArcelorMittal a investi 300 millions d’euros à Florange »
Interview Moselle # Métallurgie # Investissement

Eric Niedziela directeur général d'ArcelorMittal Atlantique Lorraine Éric Niedziela : « ArcelorMittal a investi 300 millions d’euros à Florange »

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A Florange, ArcelorMittal prépare la déconstruction de ses emblématiques hauts-fourneaux. Pour le directeur général d’ArcelorMittal Atlantique Lorraine, l'arrêt de cette activité permet au site sidérurgique de gagner en compétitivité, d'investir et de recruter à nouveau.

Éric Niedziela, le directeur général d’ArcelorMittal Atlantique et Lorraine, estime à un peu moins de 200 millions d’euros le coût du démantèlement des hauts-fourneaux de Florange. — Photo : © Franck Dunouau

Le Journal des Entreprises : ArcelorMittal a confirmé le 17 décembre dernier l’arrêt définitif des hauts-fourneaux du site de Florange qui, dans les faits, sont implantés sur la commune de Hayange. Que va devenir cette friche industrielle de 53 hectares ?

Éric Niedziela : Plutôt que de parler de friche, je préfère utiliser le terme d’opportunité de projets de développement. Le futur des hauts-fourneaux s’inscrit dans le cadre de la réflexion initiée il y a six ans avec les partenaires sociaux et l’Etat français sur l’avenir de la filière à chaud de Florange. C’est l’engagement que nous avons pris vis-à-vis du gouvernement Ayrault dans les accords du 30 novembre 2012. Je tiens tout d’abord à rappeler que, conformément à ces accords, il n’y a eu aucun licenciement parmi les 629 emplois supprimés. Par ailleurs, nous avons dépassé l’investissement de 180 millions d’euros prévu par les accords pendant la période de mise sous cocon des hauts-fourneaux. Nous en sommes à plus de 300 millions d’euros aujourd’hui. Dernièrement, nous avons annoncé un investissement complémentaire de 22 millions d’euros à Florange pour porter de 600 000 à 800 000 tonnes la capacité de la deuxième ligne de galvanisation. Elle devrait entrer progressivement en service à partir du 4e trimestre 2019 en de vue de produire des aciers à haute résistance pour l’automobile.

Le 5 mars, le préfet de Moselle a installé le comité de pilotage pour préparer la déconstruction des haut-fourneaux et envisager l’avenir du site. Le dossier est-il en bonne voie selon vous ?

E.N. : Nous prenons acte de l’intérêt manifesté par le conseil régional du Grand Est et les communautés de communes environnantes pour mettre très rapidement les terrains à disposition. Ce volontarisme va de pair avec l’inscription du Val de Fensch dans le dispositif d’accompagnement 124 Territoires d’industrie lancé à l’automne au niveau national. Je sens des élus motivés et porteurs de nombreuses ambitions. Certains évoquent l’implantation d’un pôle de compétence sur les matériaux, d’autres l’implantation de nouvelles filières industrielles ou encore de surfaces commerciales. C’est pour ces raisons que le préfet a organisé cette réunion de lancement début mars. J’ai rencontré le maire de Thionville, Pierre Cuny, et François Marzorati, l’ancien sous-préfet en charge du comité de suivi des accords du 30 novembre 2012. J’ai senti leur intérêt. J’ai également perçu de l’enthousiasme de la part du président de la Région Jean Rottner.

Quel est le calendrier de reconversion du site ?

E.N. : La première phase demeure très administrative. Elle nous permettra d’obtenir les autorisations nécessaires pour déconstruire. Cette phase a été lancée quand nous nous sommes exprimés en décembre sur le devenir des hauts-fourneaux. Elle devrait se prolonger entre douze et quinze mois. En parallèle, nous sommes en train de sélectionner les entreprises qui auront la tâche de déconstruire les installations. Une fois cette étape validée, nous avancerons jusqu’à libération totale des terrains, ce qui devrait prendre de trois à quatre ans. Le processus devrait être beaucoup plus rapide que ce que nous avons connu par le passé.

Le démantèlement de l’aciérie de Gandrange arrêtée il y a dix ans dans la vallée voisine, ne devrait pas se terminer avant 2022. S’agit-il d’un contre-exemple à ne pas suivre ?

Le démantèlement de l’ancienne aciérie électrique de Gandrange n’apparaît pas comme le meilleur exemple en termes de calendrier. Je me suis informé sur le processus qui a conduit à ce que les opérations prennent autant de temps au démarrage. Je connaissais mal ce processus car je n’étais pas en responsabilité au moment du lancement de cette procédure. Aujourd’hui, la déconstruction du site de Gandrange est bien engagée. Notre but à Florange, c’est de faire mieux et plus vite, pour libérer les terrains à un niveau de qualité industrielle.

Combien coûtera le démantèlement de la filière à chaud ?

E.N. : Le coût devrait être un peu inférieur à 200 millions d’euros. Mais la possibilité de récupérer des matériaux, comme de la ferraille ou encore des bétons concassés devrait contribuer à réduire la facture. De même, les évaluations initiales en termes de dépollution du site pourraient être revues à la baisse, car certains secteurs ont été peu impactés par la production. Par exemple, l’impact environnemental d’un bâtiment d’aciérie est assez limité, car le sous-sol est isolé par une dalle de béton. Au final, il devrait en coûter entre 100 et 200 millions d’euros à ArcelorMittal.

Comment fonctionne le site de Florange, depuis que les hauts-fourneaux sont à l’arrêt ?

E.N. : La stratégie que que nous avons confirmée fin 2018 pérennise un schéma industriel exemplaire. Les hauts-fourneaux de Dunkerque fabriquent désormais en amont 7 millions de tonnes de brames [les blocs d’acier brut de forme parallélépipédique, NDLR] à partir et de minerai de fer et de coke. Ils bénéficient d’un approvisionnement en matière première très compétitif, à partir d’un port en eau profonde. Cette production est désormais bien équilibrée avec la partie aval. En effet, nous disposons en aval de 4 millions de tonnes en capacité de laminage des brames à Dunkerque et de 3 millions de tonnes à Florange. Chaque jour, trois trains de brames de 3 000 tonnes arrivent ainsi en Moselle.

Auparavant, l’alimentation des hauts-fourneaux lorrains en matières premières via la Moselle demeurait extrêmement problématique, notamment en raison des périodes de basses eaux. Cette réorganisation des flux constituait un enjeu capital pour développer Florange. Au final, nous avons enlevé au site lorrain les inconvénients de son approvisionnement par voie fluviale et de la sous-utilisation de sa filière à chaud. Nous faisons désormais avec trois haut-fourneaux ce que nous faisions auparavant avec cinq. Le prix de la brame livrée à Florange a été ramené au meilleur coût européen, si bien que la filière aval a gagné en compétitivité.

La cokerie du site de Florange a-t-elle encore une raison d’être avec l’arrêt des hauts-fourneaux ?

E.N. : Nous avons conservé la cokerie de Serémange-Erzange en vue d’alimenter les hauts-fourneaux de Dunkerque. Elle couvre environ un tiers de leurs besoins. Grâce à elle, le site de Florange conserve les avantages énergétiques d’une usine à chaud, puisque que les gaz de la cokerie sont brûlés pour le préchauffage des brames. Des wagons tournent en boucle entre Dunkerque et Florange, pour transporter la pâte à coke dans un sens et les brames à laminer dans l’autre : chaque jour, trois trains de brames de 3 000 tonnes chacun arrivent ainsi à Florange.

Que représente aujourd’hui le groupe ArcelorMittal dans le Grand Est ?

E.N. : Le site de Florange totalise à lui seul 2 300 personnes en CDI et nous continuons de le développer. ArcelorMittal a notamment commencé à réembaucher il y a quatre ans. Depuis nous avons recruté 300 nouveaux collaborateurs. Notre ancrage régional se traduit aussi par la présence à Maizières-lès-Metz du plus grand centre de recherche mondial d’ArcelorMittal, qui permet de mettre au point de nouveaux produits pour l’ensemble du groupe. Enfin, nous demeurons par ailleurs le deuxième employeur privé régional, avec 5 400 emplois sur le périmètre du Grand Est. Notre perspective, c’est de demeurer un acteur industriel majeur. La proximité de l’Allemagne où ArcelorMittal Atlantique et Lorraine exporte 20 % de sa production reste un véritable atout.

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