Christophe Pacaud (Yeast) : "J’ai créé plus d’emplois avec Yeast que dans toute ma vie de chef d’entreprise"
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Christophe Pacaud président du réseau de business angels Yeast "J’ai créé plus d’emplois avec Yeast que dans toute ma vie de chef d’entreprise"

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Christophe Pacaud, le fondateur d’ITC Piercing (CA : 15 M€ ; 45 salariés), plateforme d’e-commerce opérant dans la distribution de matériel professionnel de tatouage, de piercing et de maquillage permanent, vient de prendre la présidence du réseau lorrain de business angels, Yeast. Il succède au fondateur, Gilles Caumont.

Christophe Pacaud est impliqué dans le réseau de business angels Yeast depuis sa création, en 2014 — Photo : Industriel Photographe - Jérôme Baudoin

Comment êtes-vous arrivé à vous impliquer dans le réseau de business angels Yeast ?

Par hasard. Je suis ami avec Julien Laurent, de Miss Numérique, un pure player de Nancy qui vend des appareils photo et du matériel dédié à la photo. Il fait partie des quatre membres fondateurs et m’a proposé de venir. Je suis venu pour lui faire plaisir et je suis resté parce que ça m’a beaucoup plu. C’est très rafraîchissant de voir des jeunes, comme moi il y a 30 ans, qui veulent monter des boîtes. Les idées fourmillent, on voit beaucoup de métiers et comme je suis très curieux… Chacun d’entre nous, dont Jean-Daniel Hamet qui vient de prendre la vice-présidence de Yeast, a sa propre histoire avec Yeast, très riche !

Qu’est-ce qui fait la particularité de Yeast ?

Une des plus grosses forces de ce réseau, c’est l’animation faite par Boris et Nathalie Ouarnier, de Blue Omingmak. C’est l’unique raison pour laquelle j’ai accepté la présidence. Cette animation, qui n’existe pas dans tous les réseaux de business angels, est une grande force, notamment sur le sourcing des start-up qui viennent pitcher chez nous, et la construction de process. Sans compter, derrière, le suivi, qui est très important. Il y a un vrai travail de fond, qui va pouvoir être renforcé avec un recrutement en cours. Par ailleurs, Yeast se définit comme un club d’entrepreneurs investisseurs, ce qui est très important pour nous. Nous sommes tous des chefs d’entreprise, ayant de 20 à 40 ans d’expérience, avec des métiers différents, ce qui permet d’appréhender beaucoup plus facilement la qualité d’un projet. Cette palette de métiers permet aussi de suivre toutes les start-up dans lesquelles on investit, avec des réunions tous les mois, des reportings, des comités stratégiques…. On peut apporter à la fois notre carnet d’adresses et notre savoir-faire, en proposant des compétences intéressantes pour la start-up.

"Nous avons des discussions pour développer des partenariats stratégiques avec certains fonds d’investissement existants."

Avez-vous pour ambition d’élargir le cercle des investisseurs de Yeast ?

Nous sommes actuellement une petite trentaine d’investisseurs avec la perspective de monter à 40 voire 50, mais sans aller au-delà, pour garder ce côté amical, sympathique, et surtout bienveillant. Notre notoriété nous permet aujourd’hui de voir arriver des membres, alors qu’auparavant, chacun devait aller chercher dans son carnet d’adresses pour les trouver. Les choses ont changé aujourd’hui, il y a un certain engouement.

Avez-vous des projets visant à faire évoluer votre réseau de business angels ?

Nous réfléchissons à créer un ou plusieurs fonds, au sein de Yeast. Certains investisseurs privés aimeraient bien investir avec nous, mais ne veulent pas participer, parce qu’ils n’ont pas le temps ou parce que ce n’est pas dans leur ADN. L’idée est d’avoir une espèce de pot commun, à l’image de ce qu’on peut trouver chez Alsace Business Angels, qui a un fonds commun qui investit systématiquement dans les start-up. Chez nous, c’est l’inverse : nous investissons tous à titre personnel et chacun met ce qu’il veut, et uniquement si le projet l’intéresse. L’idée est de garder notre modèle, en permettant à d’autres d’investir à nos côtés via de tels fonds.

Avez-vous des contacts avec les autres outils de financement dans la région ?

Nous avons très souvent des co-financeurs quand nous investissons, et nous avons donc créé un vrai réseau de partenaires. Nous avons aussi des discussions pour développer des partenariats stratégiques avec certains fonds d’investissement existants dans le Grand Est. Ils n’ont pas nécessairement les moyens humains et la diversité de compétences que nous avons. Pour un fonds d’investissement, il peut être sécurisant et agréable de travailler avec Yeast, parce qu’il y a un suivi, en stratégie, même en période de galère. C’est une vraie sécurité qui augmente le pourcentage de chance que la start-up réussisse. Il y a un vrai potentiel de travail en commun et j’ai bon espoir que nous arrivions à mener des partenariats pour arriver à des co-investissements, non pas systématique, mais très souvent sur les dossiers sur lesquels on travaille.

"Aujourd’hui, toutes les start-up arrivent avec des valorisations délirantes."

Quels sont les tickets moyens chez Yeast ?

Les tickets sont très variables : on nous demande 50 000 € et parfois jusqu’à un million d’euros. L’an dernier, nous avons eu un effet de levier de huit. C’est-à-dire que quand le réseau Yeast met 100, la start-up récupère 700 ou 800 grâce aux investissements d’autres fonds ou réseaux de business angels, aux banques et bpifrance, par exemple. Au début de l’existence du réseau, le startuppeur qui cherchait un million n’avait aucun intérêt à venir pitcher chez nous. À cinq ou six, quand on investissait 100 000 ou 200 000 €, c’était beaucoup. Aujourd’hui, on voit une quarantaine de start-up par an, et on investit entre quatre et huit fois, parfois jusqu’à 600 000 € par start-up. À titre personnel, j’ai créé beaucoup plus d’emplois avec Yeast que dans toute ma vie de chef d’entreprise. Donc, on a l’impression de faire quelque chose d’utile, au-delà de l’investissement.

Les porteurs de projet sont-ils bien armés pour développer une start-up ?

Ce qui était vrai il y a cinquante ans l’est toujours. Un chef d’entreprise peut être capable de gérer une boîte de dix personnes. Pour autant, il peut ne pas être capable d’en gérer une de 100. Le problème de l’entreprise, c’est qu’il faut un ensemble de compétences multiples. Même en école de commerce, on ne forme pas à grand-chose par rapport aux compétences que vous aurez à développer par vous-même dans l’entreprise. Ça reste quand même une vraie aventure.

Les porteurs de projets sont-ils aujourd’hui trop gourmands ?

Les valorisations demandées sont toujours trop hautes. Nous nous efforçons donc de les faire baisser. Parce que les porteurs de projets arrivent parfois avec des valorisations approximatives. Il faut rester raisonnable. Chez Yeast, c’est ce que l’on essaie de faire. Aujourd’hui, toutes les start-up arrivent avec des valorisations délirantes. Et c’est une mode, c’est-à-dire que ce n’était pas tout à fait aussi vrai il y a huit ans. Plus ça va, plus les valorisations sont élevées.

"Des incitations pourraient créer un engouement et amener des investisseurs plus nombreux et donc créer de l’emploi, tout ça est vrai."

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Parce que c’est plus confortable de démarrer une entreprise avec beaucoup d’argent ! Et comme certaines start-up arrivent à lever des sommes énormes, tout le monde essaie. Mais si personne n’accepte d’investir chez vous à la valorisation que vous voulez, vous êtes bien obligés de baisser.

Un livre blanc publié par France Angels a mis en avant les différences d’incitations fiscales existantes entre des pays comme la France et l’Allemagne ou l’Angleterre. Fait-il bon être investisseur en France aujourd’hui ?

Le livre blanc montre clairement que chez nous, il n’y a pas d’incitation fiscale réelle. Nous avons un train de retard… Aujourd’hui, l’État ne fait pas grand-chose pour qu’on ait envie d’investir. Lorsqu’on le fait, c’est parce qu’on a suffisamment bien gagné sa vie pour pouvoir se le permettre et parce que ça nous intéresse. Bien sûr que des incitations pourraient créer un engouement et amener des investisseurs plus nombreux et donc créer de l’emploi. Malheureusement, force est de constater que pas grand-chose n’est fait et que nous avons des années de retard par rapport aux autres pays.

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