Christelle Morançais (Région Pays de la Loire) : « Nous avons soutenu plus de 3 000 entreprises dans leur relance »
Interview # Industrie # Collectivités territoriales

Christelle Morançais présidente du Conseil régional des Pays de la Loire Christelle Morançais (Région Pays de la Loire) : « Nous avons soutenu plus de 3 000 entreprises dans leur relance »

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La présidente du Conseil régional des Pays de la Loire Christelle Morançais revient sur les mesures actées par la Région depuis cet été pour venir en aide aux entreprises dans le cadre du plan de relance. Elle fait également le point sur les enjeux économiques de la région pour 2021, notamment pour le Grand Port maritime Nantes-Saint-Nazaire dont elle assure la présidence depuis un an.

— Photo : Conseil régional des Pays de la Loire

Le Conseil régional des Pays de la Loire a engagé un plan de relance de 332 millions d’euros en juillet pour notamment soutenir les entreprises qui subissent les conséquences de la crise sanitaire sur leur activité. Près de 6 mois après, combien d’entreprises ont été accompagnées ?

Christelle Morançais : Nous avons soutenu près de 3 000 entreprises, via plusieurs fonds et plusieurs leviers. Nous avons accompagné aujourd’hui plus de 1 500 entreprises avec le fonds territorial résilience qui est porté par la Région et financé par la Banque des territoires, les Départements, les Communautés de communes et les grandes villes, pour soutenir la trésorerie des TPE (moins de 50 salariés, moins de 2 M€ de CA (via une aide de 3 500 à 20 000 euros remboursable). La Région a aussi abondé et piloté le Fonds de solidarité national qui a accompagné 1 000 entreprises régionales. Nous avons sollicité l’État, à la demande des entreprises, pour que les critères d’accessibilité à ce fonds soient plus flexibles.

Nous avons également réamendé le prêt Rebond (prêt à taux d’une durée de sept ans lancé avec Bpifrance) qui est un grand succès. Au total, nous avons délivré 303 prêts (43,5 M€ soit 76 % de l’enveloppe). À noter aussi que trente entreprises ont bénéficié (7,1 M€ soit 49 % de l’enveloppe) du Prêt redéploiement, qui s’adresse davantage aux PME et ETI. Le Conseil régional a également accompagné 16 entreprises dans des projets R & D et 60 à l’export rien qu’au mois de septembre.

Le Conseil régional a acté en session le vendredi 16 octobre le lancement d’un nouveau fonds de 10 millions d’euros dédié aux PME qui interviendra directement en fonds propres au sein des PME et PMI pour un ticket moyen de 300 000 euros. L’enjeu, c’est toujours de soutenir la trésorerie des entreprises et de continuer à les accompagner pour investir et renforcer leur compétitivité.

La Région a annoncé qu’elle soutenait la relocalisation des activités industrielles. Avez-vous eu des résultats ?

Nous avons des contacts. Je pense à l’exemple de l’entreprise ColArt (300 salariés, 38 M€ de CA), basée au Mans, anciennement Lefranc Bourgeois, qui a réussi à relocaliser sa production de Chine en modernisant sa chaîne de production. Cela montre que c’est possible. Pour cela, l’entreprise a énormément investi dans la robotisation. Il faut donc accompagner les entreprises à investir dans l’industrie du futur. On s’y attelle avec les équipes de Solutions & Co, l’agence économique de la région. On essaye de faire levier avec les dispositifs de la Région et de l’État. (N.D.L.R. : depuis l’interview, 5 entreprises des Pays de la Loire dont Affilogic, Lacroix Electronics, Kokiriki, Durtal, Map & Skin Cartons Packaging) ont été sélectionné par le Fonds national sur la relocalisation)

Le Conseil régional a annoncé la création d’une plateforme régionale de prêt de main-d’œuvre. À quoi cela ressemble-t-il ?

La plateforme est en ligne. Elle est née de la volonté des chefs d’entreprise. On constate qu’il y a des entreprises qui licencient, et d’autres qui ont une poussée d’activité, comme par exemple le fabricant de meubles Gautier en Vendée. L’objectif est d’éviter les licenciements secs. Il est donc possible de prêter de la main-d’œuvre entre entreprises mais aussi des équipements et des locaux. Le but est de répondre à une entreprise qui rencontre des difficultés, qui va devoir licencier. On voudrait décliner le concept à l’échelle des EPCI. C’est vraiment une idée qui vient des chefs d’entreprise. (Le Conseil régional consacre 1 million d’euros à cette plateforme, N.D.L.R.).

La Région compte consacrer 100 millions d’euros d’investissements sur 10 ans à l’hydrogène. La Région veut devenir leader sur ce secteur. Comment compte-t-elle faire ?

Christelle Morançais inaugure, le 29 septembre à Beaucouzé (Maine et Loire), le nouveau site de production du groupe CEVA Santé Animale — Photo : Conseil régional des Pays de la Loire

Nous avons, en effet, cette volonté de devenir la première région sur le secteur de l’hydrogène pour accompagner les entreprises. Nous avons pour cela un plan à trois axes. D’abord, sur la production et la distribution : nous avons inauguré la station de production d’hydrogène vert Lhyfe à Bouin (Vendée) qui est la première de ce type en France et en Europe. Nous avons d’autres projets en Sarthe avec de la production d’hydrogène vert grâce à du chanvre. L‘objectif, pour nous, est d’être aux côtés des porteurs de projets. Le deuxième point, c’est que nous devons rendre l’hydrogène accessible à tous, en accompagnant les entreprises et les collectivités dans l’achat de véhicules à hydrogène. Le Conseil régional va aussi montrer l’exemple en expérimentant une ligne hydrogène sur les cars scolaires. Nous allons répondre à nouveau à un appel d’offres européen pour que la liaison maritime Fromentine-Ile d’Yeu en Vendée fonctionne à l’hydrogène.

« Je veux porter la parole des entreprises qui ont des projets. Je frapperai à la porte de tous les ministères s’il le faut »

Nous souhaiterions également tester une ligne de train à hydrogène entre Caen-Alençon-Le Mans et Tours. C’est une question qui concerne trois régions. Le Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire doit aussi se saisir de ces enjeux. Aujourd’hui, le port est très dépendant des énergies fossiles. Il doit faire une mutation qui va nécessiter des investissements. Cela fera partie de la nouvelle stratégie du port pour 2021-2027. Enfin le troisième point consiste à créer un écosystème autour de l’hydrogène, un cluster, pour accompagner les entreprises à se saisir de nouveaux enjeux, à se diversifier sur ces marchés. Et puis, il faudra aussi mettre en place des formations sur ce sujet.

Lors de la visite de l’usine Systovi à Carquefou le 16 septembre, vous avez fait savoir que vous voudriez être la VRP des entreprises de la région auprès du gouvernement dans le cadre du plan de relance. Qu’entendez-vous par là ? Et quelles entreprises des Pays de la Loire avez-vous identifié pouvant éventuellement bénéficier de ce plan ?

J’ai fait une proposition très concrète à Matignon en septembre que j’ai également faite au Préfet de région. Je veux porter la parole des entreprises qui ont des projets. Je frapperai à la porte de tous les ministères s’il le faut. Hier, j’étais avec des conseillers de Matignon par exemple, pour parler d’une entreprise ligérienne. Ce que j’ai proposé, et là c’est la chef d’entreprise qui parle, c’est de faire connaître ces dispositifs aux entreprises. Aujourd’hui, on estime qu’il y a 20 % des entreprises qui connaissent bien les dispositifs de soutien public. Et puis il y a 80 % des entreprises qui n’en ont pas connaissance.

« On nous dit qu’il faut réindustrialiser en France d’un côté et on ne peut pas, de l’autre, empêcher les entreprises de s’installer. On ne peut pas avoir un double discours. »

Il faut faire un maximum de communication auprès des entreprises et être également plus flexible par rapport à leurs demandes. J’ai proposé dans ce sens de mettre en place un comité technique qui accompagnera les entreprises dans le montage des dossiers et qui les aidera aussi à répondre aux dispositifs européens. Un numéro vert dédié sera créé dans les prochains jours. Il faut simplifier les démarches.

La zone concernée par le projet de parc technologique porté par le Grand port maritime sur le site du Carnet, près de Saint-Nazaire a été bloquée par des manifestants opposés au projet. Comment comptez-vous réagir ?

On ne peut pas accepter qu’une nouvelle zone de non droit s’installe en Loire-Atlantique. Ce n’est pas acceptable. Il faut un peu de cohérence dans les propos. On nous dit qu’il faut réindustrialiser en France d’un côté et on ne peut pas, de l’autre, empêcher les entreprises de s’installer. On ne peut pas avoir un double discours. Sachant que pour le moment, il n’y a pas de projets, pas d’entreprises qui ont concrétisé leur projet d’implantation sur cette zone. Je souhaite que l’on montre l’exemple d’une zone économique durablement écologique. Je soutiens le projet de développement économique de cette zone si elle accueille des entreprises engagées dans une transition écologique et énergétique. Il faut écouter les revendications et réaliser ce projet en concertation. (N.D.L.R. : depuis l’interview, le projet a été reporté d’un an en attendant d’autres études environnementales)

En tant que présidente du conseil de surveillance du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire, vous avez annoncé votre volonté de convaincre les entreprises de la région de l’hinterland de passer par le port de Saint-Nazaire et non plus par les ports du nord. Combien d’entreprises faut-il convaincre ? Quel est l’enjeu pour le territoire ?

Christelle Morançais, à la tête du conseil de surveillance du port de Nantes entourée d’Olivier Trétout, président du directoire (à droite) et de Philippe Billant, président du conseil de développement

— Photo : FLORENT GODARD / LE JOURNAL DES ENTREPRISES

Je constate que le port est peu connu de nos entreprises. J’ai donc proposé au port d’organiser des réunions dans chaque département pour le faire connaître. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises, même en Vendée et en Loire-Atlantique, passent par le port du Havre.

Les élections au conseil régional approchent. Comment appréhendez-vous cette échéance ?

L’élection régionale n’est pas dans mon agenda pour le moment. Aujourd’hui, je suis pleinement mobilisée pour accompagner les hommes et les femmes, les entreprises. Malheureusement, on est vite rattrapé par cette crise sanitaire. Il y a des secteurs d’activité très touchés. Même si la période n’est pas simple, je me dois de porter un message d’optimisme et d’espoir pour nos entreprises. La réponse à cette crise doit être collective. On doit se soutenir pour y faire face.

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