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Didier Dubois (Videal) : "Les entreprises ont une image biaisée des entreprises adaptées"
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Didier Dubois président fondateur du groupe Videal "Les entreprises ont une image biaisée des entreprises adaptées"

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Créée en 1997, l’entreprise adaptée Videal, à Chartres-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), porte 450 emplois, dont 72 % en situation de handicap. Patron altruiste, son fondateur, Didier Dubois, veut montrer que le handicap n’a pas d’obstacles. Son groupe fait plus que de la prestation de services en se positionnant sur des métiers où on ne l’attend pas forcément comme l’hôtellerie ou la gestion de paie. L’entrepreneur rennais rêve d’imprimer la patte Videal partout en France.

Didier Dubois, président fondateur du groupe Videal, à Chartres-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine). L’entreprise adaptée porte 450 emplois, dont 72 % en situation de handicap — Photo : Videal

Pouvez-vous nous présenter le groupe Videal, notamment connu en Bretagne pour être un acteur du multiservice ?

Videal est une entreprise adaptée qui compte 450 salariés, dont 72 % sont en situation de handicap. Nous sommes principalement en Bretagne, mais nous avons 13 établissements en France et exploitons 6 marques sur le multiservice (ménage, entretien d’espaces verts, blanchisserie…) et d’autres prestations. Nous avons réalisé 18 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Notre mission, c’est d’accompagner des personnes éloignées de l’emploi. Soit sur des activités propres que nous avons sur nos sites de travail ou sur les sites de nos clients. Soit sûr de l’accompagnement inclusif, en entreprise, grâce notamment au "CDD tremplin" (d’une durée de 4 à 24 mois, le dispositif vise à permettre à une personne en situation de handicap d’acquérir une expérience professionnelle, NDLR). La particularité de Videal, c’est que nous sommes sous seing privé et que notre vocation pour accompagner les personnes en situation de handicap est axée sur la formation et les compétences. Nous cherchons de plus en plus de métiers à valeur ajoutée, adaptés au marché de l’emploi actuel, et sans appréhension de handicap.

Est-ce la raison pour laquelle vous vous êtes lancé sur de nouveaux métiers comme l’hôtellerie ou la gestion de fiches de paie ?

Oui, longtemps Videal a été une entreprise adaptée fortement axée sur la propreté. Ça n’est plus le cas aujourd’hui. Pour moi, il ne devrait pas y avoir de blocages à élargir les horizons. C’est la manière dont nous accompagnons le salarié en situation de handicap qui compte. C’est pour ça que nous avons développé l’hôtellerie-tourisme, avec un hôtel exploité à Landerneau (sous la marque ARA Hôtel), et que nous travaillons sur un prochain établissement hôtelier (Osmo Hôtel, standing 4*) qui trouvera sa place dans un "Village de l’impact" à Chantepie, en région rennaise (qui sera aussi le lieu d’implantation du futur siège du groupe, NDLR). Nous sommes la seule entreprise adaptée en France sur ce métier. Nous avons aussi innové sur d’autres métiers, comme l’externalisation de la paie, avec notre marque Extalea. Là aussi, c’est une première. Nous sommes également garage agréé en charge de l’entretien et de la maintenance de véhicules électriques pour les marques Goupil et Ligier dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et PACA. Nous essayons vraiment d’aller sur des métiers qui se démarquent et qui ne considèrent pas le handicap comme un frein. Sur la partie compétences, nous travaillons aussi sur du multiservice dans des sites de haute sécurité, comme des sites nucléaires ou des sites classés "secret-défense", ce que nous n’imaginions pas auparavant.

Le "Village de l’impact" verra le jour à Chantepie, pour la rentrée 2024. Il deviendra le lieu d’implantation du groupe Videal — Photo : Groupe Videal

Groupe Videal a racheté le francilien APR2 (45 salariés, 3 M€ de CA) en avril 2022, une PME de recyclage et de valorisation d’équipements obsolètes. À quoi cette acquisition répond-elle ?

L’objectif pour nous, c’était déjà de pouvoir nous implanter en Île-de-France, où le groupe n’était pas présent. Nous souhaitions aussi monter en technicité sur la partie environnementale. APR2 a une spécialité de broker informatique. Nous revalorisons et revendons les matériels électriques et électroniques, comme ce que fait Envie en Bretagne. Sur l’ensemble de nos établissements implantés sur tout le territoire national (Rennes, Vannes, Paris, Lyon, Marseille, Toulouse…), nous développerons des points relais pour les déchets électriques et électroniques et autres produits pouvant avoir une seconde vie. Aujourd’hui, à peine 50 % des déchets électriques et électroniques sont recyclés. Notre souhait, c’est d’atteindre la barre des 80 %, en allant chercher les bonnes filières de recyclage. J’ai démarré il y a 27 ans sur la partie sociale et sociétale, avec le handicap. Aujourd’hui, ça a du sens de travailler la partie environnementale. C’est un peu le cheminement de mon parcours.

Prévoyez-vous de continuer votre maillage national ?

Oui, l’ambition, à terme, c’est d’être présent sur tout le territoire national, pour peu que ce soit cohérent avec nos valeurs, et compatible avec nos compétences. Nous avons conclu deux dossiers de croissance externe en 2022, avec le rachat d’une blanchisserie industrielle à Saint-Avé, près de Vannes (Morbihan), devenue Videal 56. Puis, il y a eu APR2 en Île-de-France. Nous devions même reprendre deux autres structures, une dans le Nord et une autre en Occitanie. Mais avec la crise que nous vivons et les difficultés à prévoir l’avenir, j’ai un peu freiné…

Avec l’évolution de la réglementation et des mentalités, la cause du handicap au travail avance-t-elle en France ?

Oui, elle avance. Ne serait-ce que par rapport à la taxe Agefiph (apparue en 2005), qui oblige les entreprises à embaucher directement ou indirectement des travailleurs en situation de handicap afin de réduire le montant de leur contribution.

Néanmoins, je pense que les entreprises ont toujours une image biaisée des entreprises adaptées. Elles continuent de se tourner vers elles uniquement pour des prestations de services. C’est de la méconnaissance. Par handicap, on imagine une personne en fauteuil, alors que 80 % des handicaps sont invisibles. Aujourd’hui, on est capable de former des personnes. Mon défi, c’est de pouvoir démontrer que les personnes en situation de handicap peuvent s’intégrer dans des métiers ordinaires.

Des collaborateurs de l’activité blanchisserie de Videal 35, à Noyal-Châtillon-sur-Seiche — Photo : Videal

La Bretagne est-elle en avance sur les sujets de l’insertion de personnes en situation de handicap ?

Oui, la Bretagne fait partie des régions en pointe. Que ce soit au niveau du taux d’emploi de personnes en situation de handicap dans les entreprises, du nombre d’établissements adaptés, ou de la diversité des activités. Le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap est à son plus bas niveau en Bretagne depuis cinq ans. Pour rappel, il y a 45 entreprises adaptées en Bretagne, soit plus de 4 000 emplois. En France, c’est 800 entreprises adaptées, pour 40 000 emplois. La Bretagne est une terre fertile disposant d’un réseau solide, solidaire, d’un écosystème ouvert et d’un vrai dynamisme pour le handicap au travail. Ici, les entreprises adaptées sont reconnues d’intérêt général. Il y a toujours cet esprit de communauté, soudée et engagée, propre à notre région.

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