Crise des marchés : Quel impact pour nos entreprises bretonnes?

Crise des marchés : Quel impact pour nos entreprises bretonnes?

S'abonner
Alors que certains voyaient déjà des signes de reprise, les épisodes de l'été remettent la crise sur le devant de la scène. Faut-il s'en inquiéter pour l'économie locale? Réponses avec des chefs d'entreprise et des banquiers bretons.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Crise de la dette des États, dégradation de la note des USA, signes d'une croissance faible en France et en Allemagne, rumeurs de faillites dans les banques, bourses qui s'effondrent... Alors qu'on croyait avoir tout vu en 2008-2009, l'été 2011 a, en quelques jours (lire ci-contre), balayé les signes de sortie de crise que l'on voyait émerger. Si tout ce qui s'est tramé cet été semble se jouer à des niveaux stratosphériques -États ou places financières mondiales - la question est désormais de savoir si cette nouvelle crise a déjà des répercussions sur l'économie dite "réelle", c'est-à-dire nos PME, ici en Ille-et-Vilaine.




«Le cours a dévissé de 15%»

Premier effet pour Astellia, à Vern-sur-Seiche, le cours de la bourse. Cotée sur le marché NYSE Alternext, l'action de cette PME spécialisée dans l'optimisation des réseaux mobiles a perdu 15% de sa valeur durant l'été. «Au mois d'août, on a dévissé (de 13 à 11euros) pour des raisons injustifiées, commente Christian Queffelec, P-dg d'Astellia. Aujourd'hui, avec cette cotation, l'entreprise est valorisée entre 25 et 30M€ alors qu'on a fait 33M€ de chiffre d'affaires en 2010 et qu'on a 22M€ de fonds propres». Malgré ces bons indicateurs, le dirigeant est donc persuadé que les investisseurs, dans les prochaines semaines, vont d'abord lui faire remarquer la chute du cours. Pour ce qui est de l'activité même de sa société, Christian Queffelec ne voit pas aujourd'hui d'effets directs. Tout en soulignant que son marché - le mobile - se porte bien. Pour autant, il sent poindre une «situation d'attentisme.» «On voit des décalages d'affaires qui, il y a quelques mois, auraient déjà été signées. Des affaires qui se discutent mais qui ne se font pas.» Or, pour le dirigeant breton, «c'est l'attentisme le plus gros facteur de risque pour une entreprise comme Astellia.» Une société qui réalise les 3/4 de son chiffre d'affaires à l'export.




Effet inflationniste

Dans un tout autre domaine (machinisme agricole), Sulky Burel, à Châteaubourg, craint des conséquences sur les prix. La crise «peut peut-être avoir un effet inflationniste sur le cours des matières premières, ce qui peut nous servir. Mais cela peut aussi être tout l'inverse, confie Jacques Burel. Les prix élevés peuvent nous assurer une bonne fin d'année, mais cela est moins bon pour les éleveurs. La leçon à tirer c'est d'être flexible et produire quand le marché est là. Depuis nos débuts nous y sommes habitués», relève le dirigeant d'une société qui doit plus s'accommoder des aléas climatiques que des cours de la bourse.




Fermeture du robinet à crédit?

Mais Jacques Burel, comme d'autres, craint de voir apparaître un autre phénomène, plus grave celui-là pour l'économie régionale: la fermeture par les banques du robinet à crédit. Le Rennais Sylvain Querneau, du Fonds commun de placement à risques UI Gestion, ne dit pas le contraire. «L'impact le plus important pourrait se situer au niveau des banques. Elles vont peut-être revoir leur politique de prêt. C'est là où il y a le plus de risque.» Les banques bretonnes, comme les autres, doivent trouver de l'argent sur les marchés. Entre la collecte réalisée localement et les besoins de crédits, on estime leurs besoins à 12milliards d'euros. «Aujourd'hui, on n'a pas de difficultés à trouver ces fonds. Mais on les trouve à des prix supérieurs à ce que l'on pouvait trouver avant», explique Jean-Yves Carillet, président du Comité régional des Banques de la Fédération bancaire française. Et d'expliquer que si la valeur des fonds n'a pas augmenté - elle a même plutôt baissé - le coût de l'échange, lui, a été revu à la hausse. «Pour des prêts de 5 à 10 ans, On était à 100/120 points de base. Après la crise, on est passé à 150.» Pour autant, Jean-Yves Carillet se veut rassurant. «Je ne vois pas les taux de crédit aux entreprises augmenter d'ici à la fin de l'année, à moins d'une énorme surprise comme de voir l'Espagne ou l'Italie s'effondrer brutalement.» Si l'hypothèse paraît peu réaliste, il faut toutefois rappeler que, depuis 2008, tout paraît désormais possible. Il y a seulement quelques mois, peu de monde aurait en effet parié sur une dégradation de la note des États-Unis, première puissance mondiale...




Impact sur les valorisations

Pas de conséquences donc sur les crédits dans l'immédiat, prédit le représentant des banques bretonnes. Et de rappeler que, dans la région, un milliard d'euros de fonds sont rapidement disponibles ou investis pour renforcer les hauts de bilan des entreprises, dont 200M€ immédiatement mobilisables. Un discours optimiste que tempère Sylvain Querneau, d'UI Gestion. «À mon sens, cette crise peut avoir un impact sur les valorisations des entreprises, qui peuvent être revues à la baisse.» Conséquence première de ce sentiment, chez UI Gestion, «on va inclure des scénarios un peu récessifs, en imaginant comment se comportera telle ou telle société si son marché est amené à baisser.»




«Reprise plus longue»

Et sur le plan conjoncturel ? «Mon sentiment est que la reprise va être plus longue que prévue, alors que certains disaient que la sortie était déjà engagée», estime Jean-Yves Carillet. Avec une inquiétude plus forte pour le bâtiment et les travaux publics. Le premier pâtissant de la réforme fiscale du gouvernement (loi Scellier). Le second des prochaines échéances électorales, période pendant laquelle les grands projets sont souvent mis entre parenthèses.