Vincent Balès (WPD) : « Des objectifs trop faibles sur l’éolien en mer »
Interview # Production et distribution d'énergie

Vincent Balès directeur général de WPD Vincent Balès (WPD) : « Des objectifs trop faibles sur l’éolien en mer »

S'abonner

WPD (2 000 salariés) est un énergéticien européen indépendant basé en Allemagne. Créé en 1996, il est spécialisé dans les énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien terrestre et en mer). Son directeur général offshore France, Vincent Balès, était aux Assises de la mer, fin novembre, à Brest. Il décrypte pour nous les annonces faites sur l’éolien en mer.

Pour Vincent Balès, directeur général de WPD offshore France, il est important que la filière de l'éolien en mer pèse sur la concertation autour de la Programmation pluriannuelle de l’énergie avant le printemps — Photo : © WPD

Le Journal des Entreprises : Le ministre de la Transition écologique François de Rugy a annoncé, lors des Assises de la Mer fin novembre, 2,5 à 3 gigawatts (GW) de puissance installée pour l’éolien en mer posé et 1 gigawatt pour l’éolien flottant d’ici 2030. Quelle est votre réaction par rapport à cette annonce ?

Vincent Balès : L’objectif affiché de la France est de porter à 40 % la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité d’ici 2030. Notre vision, c’est que cette transition doit s’appuyer sur quatre piliers : les barrages hydrauliques, l’éolien terrestre, le photovoltaïque et enfin l’éolien en mer. Et pour qu’elle soit réussie, chaque pilier doit contribuer de façon équilibrée au mix énergétique. Les chiffres donnés aux Assises par le ministre sont loin du compte pour l’éolien en mer : 5 GW en 2030 quand 25 % d’éolien en mer correspondrait à 15 GW. Il y a forcément une déception.

Que comptez-vous faire face à cette situation ?

V. B. : Nous sommes à une étape. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été présentée, maintenant elle est mise en débat et en concertation. Il y aura un décret au printemps. La filière va profiter de cette concertation pour rappeler toute la pertinence de l’éolien en mer et toute l’importance dans cette transition énergétique. Il est important que toutes les dynamiques, notamment engagées par les Régions, convergent pour que le décret au printemps soit plus ambitieux pour l’éolien en mer.

Quels sont les objectifs que vous voudriez voir réalisés ?

V. B. : Nous voudrions tenir l’objectif de 15 GW en 2030. On voit bien qu’avec le rythme actuel de réalisation des projets, ça ne peut pas tenir. Dix ans ont été nécessaires pour les parcs actuels. Le gouvernement, sur l’année écoulée, a mis en œuvre différentes dispositions législatives importantes pour accélérer le développement des projets. Aujourd’hui, on va viser six années pour construire des parcs. Cela veut dire que d’ici 2024, il faut qu’il y ait une dizaine de gigawatts lancés en appel d’offres. Avec des équilibres à trouver : entre posé et flottant, entre les trois façades maritimes et entre les différents usagers de la mer.

Quelles conséquences aura un appel d’offres aussi bas sur les réponses des consortiums ?

V. B. : On parle de projets complexes, d’investissement de 2 milliards d’euros. Il y a déjà une barrière à l’entrée et ce n’est pas des volumes peu ambitieux qui font cette barrière mais l’exigence technologique. Il faut des appels d’offres exigeants pour s’assurer que les lauréats réalisent les parcs. Ils le sont d’ores et déjà et c’est très bien pour la filière.

Sur le flottant, la technologie est en train de monter en puissance. Il ne faudrait pas la bloquer par des objectifs trop faibles car les acteurs industriels ne pourraient pas réaliser leurs investissements, leurs usines notamment, car ils visent des marchés qui leur garantissent un retour sur investissement. Sans oublier la pérennité des emplois qu’ils créent !

Quid du tarif de rachat de l’électricité ?

V. B. : C’est un élément fondamental. Le ministre a mis deux conditions au développement de l’éolien : la maturité technologique et la compétitivité économique. Chez nos voisins - Belgique, Allemagne, Pays-Bas -, le tarif de rachat se trouve actuellement dans la fourchette 50-70 euros du mégawatt sur les derniers parcs d’éolien en mer lancés.

Nous allons remettre nos copies en mars, je ne vais donc pas vous dire quel prix on vise. Mais c’est un élément fondamental pour le gouvernement. Vers quoi on va tendre sur l’appel d’offres de Dunkerque ? On sera sans doute dans la fourchette des prix vus en Europe, en prenant en compte les spécificités du site, de la fiscalité du pays etc. Neuf consortiums sont candidats, il va, de toute façon, y avoir une vraie compétition.

L’éolien en mer doit-il faire ses preuves en termes de fiabilité technologique ?

V. B. : Les objectifs du posé annoncé par le ministre sont faibles alors que la maturité technologique comme la compétitivité économique sont déjà démontrées !

Sur l’éolien en mer posé, on a démontré la faisabilité chez nos voisins européens, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre, etc. La filière a installé plus de 4 500 éoliennes offshore, et ce depuis plus de 20 ans ! La fiabilité technologique est complètement démontrée pour l’éolien posé.

L’éolien flottant, lui, ne représente pas une rupture technologique. Nous adaptons des techniques connues dans l’offshore et il y a une montée en puissance même si ce n’est pas encore aussi développé que le posé. En France, le potentiel est énorme sur des façades maritimes, comme la Méditerranée et la Bretagne, avec des profondeurs d’eau importante qui correspondent au flottant. Maintenant il faut des fermes pilotes.

# Production et distribution d'énergie