Croissance à l’arrêt, inflation au sommet : l’économie française face au risque de la "stagflation"
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Croissance à l’arrêt, inflation au sommet : l’économie française face au risque de la "stagflation"

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Renversement de situation inattendu pour l’économie française. Prise en étau entre la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, la croissance a complètement calé au premier trimestre. En parallèle, l’inflation continue de s’emballer. De quoi réveiller le spectre d’une plongée en "stagflation", comme on n’en avait plus connu depuis les années 1970.

Au premier trimestre, les ménages ont nettement réduit leurs dépenses de consommation, notamment dans l’alimentaire. Une contraction qui explique en grande partie la stagnation de l’économie française début 2022 — Photo : Industrieblick

L’économie française pourrait bien basculer dans une nouvelle ère. Après la récession pour cause sanitaire en 2020, bienvenue en "stagflation" pour raison militaire en 2022. Les effets délétères de la guerre en Ukraine sont désormais confirmés par l’Insee. L’impact est même pire qu’attendu, entre croissance inexistante et inflation galopante.

Stagnation : la croissance s’est volatilisée

Première douche froide : le produit intérieur brut français a "marqué le pas" au premier trimestre 2022, pour reprendre la formule policée de l’institut statistique. Officiellement, la croissance est étale (0 %, après +0,8 % fin 2021). Mais à y regarder de plus près, le produit intérieur brut a, en fait, légèrement reculé en début d’année (-0,05 %). Une vraie (mauvaise) surprise, alors que l’Insee, comme la Banque de France, pariaient plutôt sur un gain d’au moins 0,25 %.

Là où le bât blesse, c’est au niveau des ménages. Leurs investissements reculent d’1,1 % en trois mois, leur consommation d’1,3 %. L’hébergement-restauration en fait les frais (-5,3 %), mais cette contraction est sans doute davantage une réminiscence du Covid-19 et de l’effet fortement perturbateur du variant Omicron en janvier-février.

En revanche, la crise russo-ukrainienne semble marquer au fer rouge les dépenses en énergie (-2,7 %) et dans l’alimentaire (-1,7 %, et même -2,5 % rien qu’en mars, d’où une consommation mensuelle la plus faible depuis 13 ans !). Ces deux secteurs sont en effet les plus exposés à l’explosion des prix.

Inflation : les prix continuent de s’emballer

Avec la stagnation du PIB, c’est l’autre ingrédient indispensable à une stagflation : le gonflement de l’inflation. La France est en plein dedans depuis des mois - et encore en avril : la hausse des prix à la consommation a atteint +4,8 % en rythme annuel, selon une première estimation de l’Insee. Soit 0,3 point de "gagné" par rapport à mars.

Preuve du chemin parcouru, +4,8 %, c’est exactement 4 fois plus qu’il y a un an et 2 points au-dessus d’il y a quatre mois. Si la flambée de l’énergie s’est relativement calmée en avril (+26,6 % quand même), elle se généralise partout ailleurs - et en particulier dans l’alimentation (+3,8 %, soit 0,9 point de plus en un mois). Les services (+2,9 %) et les produits manufacturés (+2,7 %) progressent, eux, de 0,6 point.

À noter qu’il n’y a pas que les ménages qui passent à la caisse. Dans une autre publication, portant cette fois sur mars, l’Insee signale, dans l’industrie, des hausses historiques pour les prix de production (+4,6 % en trois mois, +24,4 % en un an), comme pour ceux d’importation de produits (respectivement +7,9 % et +35,2 %). Derrière ce boom se trouve, là encore, l’énergie (à un niveau très élevé) et l’alimentaire (en pleine accélération).

Stagflation ou pas, les entreprises ont résisté

Si la stagflation guette, l’économie française n’a quand même pas tout perdu de la superbe qui l’avait portée en 2021. L’acquis de croissance pour cette année reste solide, même s’il a perdu quelques plumes : porté par l’élan de la reprise post-coronavirus, le PIB pourrait encore, si les choses restaient en l’état, progresser de 2,4 % (mais 0,3 point de moins qu’estimé il y a un mois).

Autre élément rassurant : les entreprises restent plutôt dynamiques. Leurs investissements se sont accrus en début d’année (+0,7 % en trois mois). Ils rebondissent même fortement dans les biens d’équipement (+4,5 %) et s’accélèrent dans les services informatiques (+3,4 %).

La production aussi est restée bien orientée, même si elle a effectivement ralenti (+0,5 %, contre +1 % fin 2021). Une décélération qui ne concerne pas l’industrie manufacturière. Au contraire, elle affiche une solide croissance de 2,2 % (+2 points en un trimestre). Plus globalement, la production de biens, qui stagnait depuis six mois, progresse, elle, d’1,1 %.

Plus paradoxal, au vu du contexte international, les échanges extérieurs ont contribué à stabiliser l’économie française cet hiver. Pour le troisième trimestre consécutif, les exportations (+1,5 %) ont cru plus vite que les importations (+1,1 %). Comme quoi les bonnes surprises peuvent aussi arriver.

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