Coronavirus : 7 conseils que l’agroalimentaire peut donner aux autres secteurs industriels
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Coronavirus : 7 conseils que l’agroalimentaire peut donner aux autres secteurs industriels

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De plus en plus d’industriels cherchent aujourd’hui à relancer la machine en adaptant leur process aux nouvelles conditions de travail imposées par l’épidémie de coronavirus. Pour cela, ils peuvent s’inspirer des initiatives prises dans l’agroalimentaire, une industrie qui à l’habitude des normes de sécurité drastiques et qui ne s’est quasiment jamais arrêté de tourner pendant la pandémie.

Le groupe volailler sarthois LDC a, dès le début de la crise, réalisé un état des lieux de ses stocks, notamment de masques — Photo : LDC

Considérées dès le début du confinement comme des activités essentielles, les entreprises agroalimentaires ne se sont pas arrêtées, hormis les cas particuliers des sociétés dédiées à la restauration, scolaire comme commerciale, dont les clients ont fermé. Dans un contexte pourtant habitué aux règles d’hygiène et de biosécurité, les mesures barrières n’ont pourtant pas toujours été faciles à mettre en place. Flux des matières premières, des emballages ou des déchets, logistique amont comme aval, protection et présence des personnels… tout a été également revu dans l’urgence des premiers moments pour assurer la continuité de l’activité. L’expérience acquise dans cette situation peut être utile aux entreprises qui se préparent à redémarrer.

1. Aménager les postes de travail

Sécuriser les travailleurs reste la première des priorités. Le groupe volailler sarthois LDC (18 000 salariés, 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires 2019) a, dès le début de la crise, réalisé un état des lieux de ses stocks, notamment de masques. « Nous avons répondu à la réquisition des masques FFP2. Dans le même temps, nous avons testé des solutions de protection qui ont été déployées entre le jeudi 18 et le samedi 21 mars. Dans l’attente de consignes complémentaires, nous avons en effet apporté à chacun des intervenants en production une solution alternative. Chaque salarié est ainsi désormais équipé de cache-cou individuel », explique Dylan Chevalier, porte-parole chez LDC. Cette solution anti-projection est utilisée sur les chaînes et par des fonctions support comme la maintenance. Les équipements individuels s’inscrivent dans la logique de distanciation : pour les postes de production où le respect de la distance est impossible, le groupe a mis en place des parois en plexiglas.

« Nous avons immédiatement actionné une cellule de crise et une cellule opérationnelle qui travaillent avec les représentants du personnel pour mettre en place toutes les mesures, trier la multitude d’informations qui nous parviennent et faire évoluer les procédures. Je crois qu’il faut un peu de formalisme et beaucoup de bienveillance », explique de son côté Sylvain Baudry, directeur industriel du groupe de nutrition animale Soreal, dans l'Ain, et de sa filiale logistique Logivia. Parmi les initiatives mises en place par l’entreprise : l’installation de parois en plexiglas quand elles sont nécessaires face au besoin de distanciation et la mise à disposition d’équipements individuels (visières, masques, gel hydroalcoolique, savons…).

2. Gérer les flux de personnels

Face au coronavirus, les équipements de sécurité ne font pas tout. Un autre angle d’attaque pour faire face à l’épidémie est de veiller à la distanciation sociale. Au sein du groupe de nutrition animale Soreal, cela se traduit par l’aménagement des horaires de travail pour éviter que les salariés se croisent. Ainsi, les équipes de production partent un quart d’heure plus tôt et arrivent un quart d’heure plus tard qu’habituellement. « Les usines tournent en 3x7 et non plus en 3x8 », reconnaît Sylvain Baudry. Un second lieu a été ouvert comme vestiaire (l’ancien réfectoire) pour réduire encore le risque de croisement entre équipes et au sein de chaque équipe. À chaque changement d’équipe, les procédures sanitaires sont renforcées : élimination du film plastique placé en début de poste sur le clavier, désinfection des poignées de portes, des interrupteurs, des téléphones fixes avec du coton et un produit désinfectant ménager mis à disposition sur chaque poste.

3. Généraliser gel hydroalcoolique, masques et prise de température

Le plan de maîtrise sanitaire est complété dans toutes les industries agroalimentaires avec des mesures « covid » qui touchent les activités logistiques. Pour la coopérative agricole Maîtres Laitiers du Cotentin (5 000 salariés, 1,9 Md€ de CA), basée à Sottevast dans la Manche, le port du masque concerne même les chauffeurs qui collectent le lait, et des distributeurs de gel hydroalcoolique ont été installés dans les parkings des six usines. Les usines sont « protégées » par un véritable cordon sanitaire. « Selon les sites qui ont en général différentes entrées, le personnel de la sécurité ou de l’accueil est mandaté pour prendre la température de toute personne qui se présente, collaborateur comme personne extérieure », explique Jacques Klimczak, responsable marketing et communication de l’entreprise normande. La limite est fixée à 38 °C, et toute personne qui la dépasse est interdite d'accès. Les conditions de la prise de température ont été validées par le comité social et économique de chacun des sites industriels et elle ne donne lieu à aucun enregistrement de la part de l'entreprise.

4. Garder le lien avec tous les salariés

Dijon Céréales, une coopérative de 757 salariés, a mis en place un baromètre quotidien du moral des collaborateurs. Chaque manager maintient le lien avec son équipe mais, en sus de ce contact, quatre personnes des ressources humaines appellent chaque matin entre 10 et 15 collaborateurs, explique le porte-parole Didier Quintard. Le « groupe d’écoute » contacte donc au total entre 50 et 60 salariés par jour qu’ils soient en télétravail (un quart environ), en poste physique (50 %), ou en arrêt (maladie, garde d’enfant, précaution pour les personnes à risque). Ils répondent à une dizaine de questions autour de leur moral et de celui de leurs proches, de leurs conditions de travail, de leurs difficultés pratiques (télétravailler avec des enfants, disposer d’une meilleure connexion internet…), de la clarté des consignes et, depuis début avril, de leur manière de voir la reprise, etc.

5. Jouer la transparence avec salariés et partenaires

Le contact fréquent avec les équipes réduit le niveau de stress généré par la crise et les incertitudes. Chez le producteur de charcuteries sarthois Bahier (430 salariés), la communication en interne passe par les six écrans répartis sur l’ensemble du site, mais aussi par e-mail. « Depuis trois semaines, nous publions tous les deux jours un flash info sur l’évolution de la situation au sein de notre entreprise. Nous diffusons ce document à tout notre personnel mais aussi à nos clients et à nos fournisseurs afin de garder le contact, informer et rassurer », détaille l'entreprise. Sur ce flash info, figurent des graphiques sur l’évolution des volumes depuis le début de la crise par rapport à 2019, le taux d’évolution du nombre de commandes et des commandes expédiées, le taux de service, voire les potentiels ruptures ou retards de livraison s’il y en a, mais aussi la situation sanitaire de la société (malades, télétravail…). L’entreprise indique les informations concernant ses dons depuis le début de la crise, ses distributions et achat de masques, visières, etc. « Nous venons également de réaliser une enquête de satisfaction auprès de l’ensemble de notre personnel afin de savoir si nos salariés se sentaient en sécurité à leur poste mais aussi pour avoir leur avis sur les mesures mises en place par Bahier par rapport à la crise Covid-19. Les retours ont été très positifs ».

6. Anticiper l’absentéisme des équipes

Le temps de confinement peut être mis à profit pour former une équipe de réservistes. L'entreprise Transports Pressac, qui emploie 172 conducteurs en Vendée, réserve 60 % de ses activités à la nutrition animale et l’agroalimentaire, et 40 % au bâtiment. Cette dernière activité est complètement à l’arrêt depuis la mi-mars. Or livrer des aliments pour animaux en élevage requiert des compétences spécifiques. « Notre plan de continuité d’activités mentionne cette technicité puisque nous avons besoin de réservistes non seulement pour assurer l’activité durant les vacances ou en cas de maladie, mais aussi pour répondre à de telles crises », explique la dirigeante de l’entreprise, Anne-Sophie Loizeau. Les transports Pressac ont donc pris la décision de poursuivre les formations de conducteurs qui interviennent habituellement pour le bâtiment.

D’autres entreprises ont choisi de mettre au repos une partie des équipes pour constituer une réserve. C’est le cas du groupe coopératif Dijon Céréales, en Côte-d’Or, qui a identifié ses silos stratégiques pour livrer les clients prioritaires (nutrition animale, meunerie) et mis au repos, en alternance hebdomadaire, une partie de ses équipes pour assurer la continuité opérationnelle.

7. Sécuriser ses approvisionnements

Le redémarrage d’une usine ne peut se faire que si l’approvisionnement est sécurisé, non seulement en matières premières « cœur de métier » mais aussi la logistique amont comme aval. L'épidémie de coronavirus a déséquilibré énormément de flux, comme l’a montré la question des containers bloqués en Chine pour l’exportation ou les camions qui ne roulent plus faute de retour en charge. Les meuniers souffrent par exemple non pas d’un manque de blé à écraser, puisque la boulangerie a moins commandé, mais du manque de sachets pour les conditionnements familiaux, ce qui a fait fleurir dans les rayons des sacs de 5 kg, voire de 10 kg…

C’est aussi le cas pour les déchets, explique Christophe Mourrieras, de la Direction départementale de la protection des populations de la Sarthe. « Pour les produits animaux, nous avons depuis la crise d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) une distinction des sous-produits avec une catégorie, dite C1, qui doit être éliminée. Or, ces farines partent normalement en cimenteries. Mais certaines de ces dernières se sont arrêtées. Il a fallu en trouver d’autres, plus loin, donc c’était plus cher et au final, on est passé tout près d’un blocage des abattoirs qui ne pouvaient pas éliminer les déchets. C’est aussi le cas avec les boues de station d’épuration : si l’épandage s’arrête, ou les stocker ? », s’interroge le responsable.

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