Comment la TPE Novam a réussi à convaincre le leader chinois de la joaillerie
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Comment la TPE Novam a réussi à convaincre le leader chinois de la joaillerie

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Lætitia Le Maner a gagné un contrat auprès de Chow Tai Fook, le numéro 1 de la joaillerie en Chine. En plus de convaincre un mastodonte, la dirigeante de la petite agence de design Novam, basée près de Saint-Etienne, a réussi le tour de force de remporter un marché en dehors de son cœur de métier.

Laetitia Le Maner, dirigeante de l'agence de design Novam (Saint-Etienne), a réussi à convaincre le groupe Chow Tai Fook, géant chinois de la joaillerie. — Photo : Novam

« J’ai lancé l’agence de créativité et d'accompagnement à l’innovation Novam en 2011. Basée près de Saint-Etienne, elle emploie 4 salariés et a réalisé 200 000 euros de chiffre d'affaires en 2017. Sur le plan stratégique, j’ai rapidement eu envie de développer l’agence à l’international pour ne pas rayonner uniquement en Auvergne-Rhône-Alpes ou à Paris. L’opportunité de me lancer à l’international s’est présentée en janvier 2016 lorsque j’ai rencontré Bonjour Brand au Palais de la Chine à Paris. C'est un organisme qui a pour vocation de mettre en relation des designers français avec des industriels chinois via des forums. Cette première rencontre m’a permis de participer ensuite à la deuxième édition de leur forum, organisé en mai de la même année au Palais de l’Assemblée du Peuple à Pékin. J’y suis allée un peu dans l’inconnu, en me disant que si cela ne débouchait sur rien, j’aurai au moins fait un beau voyage.

La TPE qui attire des Chinois en France

Arrivée sur place, j’ai été admirablement surprise par l’accueil fait aux designers français. Les Chinois ont une image de la France en termes de créativité qui est très positive. On incarne pour eux le luxe à la française, l’art de vivre… Et puis la Chine est en plein bouleversement. L’État a décidé de ne plus être l’usine du monde et de se positionner dans l’innovation et la diffusion de marques. Et pour les Chinois, la France est un bel exemple à suivre. Toutes les marques chinoises se disent d’ailleurs que pour se développer à l’international, pour être plus présentes en Europe, pour développer leur marché intérieur, elles doivent passer par la créativité et l’innovation. En ces sens, les designers français sont très recherchés en Chine. À titre personnel, je me suis d’ailleurs fait remarquer car sur les 30 designers français présents sur le forum, j’étais la seule qui ne venait pas de Paris. J’étais la petite Stéphanoise à Pékin !

"Honnêtement, je ne pensais pas être retenue car je n’avais aucune référence dans la joaillerie"

Sur place, j’ai fait beaucoup de rendez-vous business qui m’ont permis de voir que les entreprises chinoises avaient la volonté de faire monter en gamme leurs productions. Et j’ai aussi repéré que Bonjour Brand comptait faire un nouveau Forum en France au même moment où Saint-Etienne organisait la Biennale du design. J’ai donc fait le forcing auprès des organisateurs de Bonjour Brand pour les faire venir jusqu’à Saint-Etienne. Leur forum s’est déroulé en deux temps avec une première partie à Paris et une seconde à Saint-Etienne durant la Biennale.

Cela n’a pas été facile d’organiser les rencontres business entre les designers et les entreprises chinoises à Saint-Etienne, mais au final cela s’est avéré payant pour moi et Novam. Quelques semaines plus tard, l’organisateur de Bonjour Brand m’appelle et me dit que le n°1 de la joaillerie en Chine Chow Tai Fook (NDLR, 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires) recherche des designers français. J’ai donc sauté sur l’occasion en envoyant mon book et en candidatant en février 2017 à leur appel à projets pour la création d’une nouvelle gamme de bijoux.

Une porte ouverte sur la Chine

Honnêtement, je ne pensais pas être retenue car je n’avais aucune référence dans la joaillerie. Mais c’est mon profil industriel et technique qui les a séduits. Au total, ils ont sélectionné six designers : trois spécialisés en joaillerie et trois avec des profils atypiques.

Au mois d’avril, je suis donc monté au siège de l’Unesco pour signer en grande pompe mon contrat et me mettre dans la foulée au travail. J’ai eu quinze jours pour dessiner un cahier d’idées qui m’a rapporté 12 000 euros. Pour quinze jours de travail, c’est plutôt pas mal ! Et puis, c’est une formidable porte ouverte sur le marché chinois. Nous avons bénéficié de toute la médiatisation faite autour de cette opération par Chow Tai Fook. Nous avons été filmés pendant 10 jours quand nous étions présents en Chine pour la validation des pièces. Nous y sommes retournés ensuite au mois de décembre pour la présentation officielle de la gamme de bijoux à Shenzen.

Sur les six designers retenus, j’ai été la première dont l’un des bijoux a été vendu. On parle de pièce dont le prix oscille entre 5 000 et 20 000 euros ! Du coup, Chow Tai Fook m’a déjà fait comprendre qu’il aimerait bien que l’on travaille ensemble sur une collection grand public à plus grande échelle. C’est positif car Chow Tai Fook, c’est un peu le Cartier chinois. Nous allons désormais essayer de capitaliser là-dessus pour essayer de développer d’autres choses en Chine et pas seulement sur la joaillerie car notre métier de base, c’est le design industriel. »

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